Frantz Fanon écrivait : « Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. » Et si celle de Jean-Claude Barny consistait à secouer les fondations du cinéma noir francophone ?
Par Pascal Archimède
Je reviens de la séance plein de doutes et d’interrogations. Interpellé! Fier! Le film Fanon de Jean-Claude Barny ne laisse pas indifférent. Il dérange. Il interroge. Il appuie là où ça fait mal. Et c’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles ce film semble, à certains égards, boycotté.
Avec Fanon, on passe clairement un cap. On sort des rôles clichés dans lesquels sont trop souvent cantonnés les acteur·rice·s noir·e·s : les comiques de service, les figures folklorisées, les personnages secondaires. Une nouvelle étape pour le cinéma noir francophone, où l’on ose dire, dénoncer, dévoiler – sans se réfugier derrière l’humour ou la dérision. Ici, pas de faux-semblants, pas de blagues pour apaiser les tensions. Juste la vérité crue, servie à travers un récit maîtrisé et une mise en scène puissante.
Jean-Claude Barny, à l’instar d’un Spike Lee avec Malcolm X, utilise la figure de Frantz Fanon pour aller bien au-delà de la biographie. Il nous confronte à l’histoire, à ses silences, à ses hypocrisies. Il démystifie les relations entre colonisés et colonisateurs, relations d’hier dont les relents amers persistent encore aujourd’hui.
Ce film fait œuvre de mémoire et d’éducation, sans jamais verser dans le didactisme lourd. Il nous pousse à réfléchir, à nous interroger sur notre propre rapport à l’histoire, à l’identité, à la résistance. Il bouscule les consciences et nous invite à sortir de la passivité.
Je n’en dirai pas plus. Fanon est un film à voir, à vivre, à débattre. J’invite et j’incite chacun à aller le découvrir en salle, à se faire sa propre opinion. Car une chose est sûre : ce film ne laisse pas indifférent. Et c’est précisément ce qui en fait une œuvre essentielle.