DMX : L’ultime prière d’un guerrier du mic

DMX n’était pas juste une voix rauque et un flow furieux. Il était un prophète des ghettos, une icône spirituelle, un survivant. Quatre ans après sa mort, son cri résonne toujours dans les artères du rap game. Voici l’histoire d’un homme qui a transformé sa douleur en puissance.

la voix d’un prophète

La voix, d’abord. Une voix de rocaille, de feu, d’âme. Un rugissement venu des profondeurs du Bronx, qui te traverse l’échine. DMX n’était pas juste un rappeur. Il était une entaille dans la chair du hip-hop, un cri primal, un chien blessé qui n’a jamais cessé d’aboyer contre l’injustice. Quatre ans après sa mort, Earl Simmons, aka DMX, continue de hanter nos playlists et de sanctifier nos souvenirs. À une époque où le rap devient de plus en plus aseptisé, son héritage rappelle qu’il fut un temps où chaque mot pesait une vie.

Yonkers, chapelle de l’enfer

Né en 1970 à Mount Vernon, élevé à Yonkers, DMX a grandi entre coups, vols, abandon et institutions. Il n’a pas appris le rap dans un studio, mais dans les rues, les foyers, et les cellules. Loin des parcours lissés d’aujourd’hui, il n’a jamais prétendu être parfait. Il était brisé, c’est vrai. Mais c’est précisément dans cette fracture qu’il a trouvé sa vérité.

Avec son pitbull et son cahier de rimes, il commence à se faire un nom, freestyle après freestyle. Chaque punchline est une cicatrice, chaque beat une prière. Il n’était pas là pour faire danser, mais pour exorciser. DMX n’a jamais eu besoin d’un label pour être cru : il était l’incarnation du réel.

Def Jam et la messe des damnés

Quand Def Jam signe DMX en 1997, le rap est alors en pleine transition post-Tupac/Biggie. Et soudain, un loup entre dans l’église. It’s Dark and Hell Is Hot (1998) frappe comme une prophétie. L’album est un tsunami. Quadruple disque de platine. DMX devient le deuxième rappeur (après Tupac) à sortir deux albums numéro un la même année avec Flesh of My Flesh, Blood of My Blood.

Mais ce n’est pas qu’une affaire de chiffres. C’est une guerre spirituelle. Entre les ténèbres et la lumière. DMX parle de foi, de trahison, de survie, de Dieu, de démons intérieurs. Il est le premier rappeur à faire des prières sur ses albums, à pleurer sur disque, à se livrer nu, sans filtre, sans vernis.

Le chien devient roi

Entre 1998 et 2003, DMX aligne les classiques : …And Then There Was XThe Great DepressionGrand Champ. Il devient la voix de ceux qu’on n’entend pas. Sa fanbase est loyale, furieuse, fidèle. Il incarne une masculinité fragile, violente, croyante, en lutte permanente.

Et puis il y a les concerts. Personne n’a jamais tenu une foule comme DMX. Pas même Hov. Quand il débarque sur scène avec sa salopette et ses chiens, l’arène devient cathédrale. Il ne joue pas : il prêche. Des milliers de poings levés. Des larmes. Des cris. Une liturgie du ghetto.

Cinéma, prison, gospel : les mille visages de X

Entre deux albums, il explose aussi à Hollywood. BellyRoméo Must DieExit WoundsNever Die Alone. Il n’est pas l’acteur le plus académique, mais il est vrai. À l’écran comme dans la vie, il n’interprète pas, il vit.

Mais la rue le rattrape toujours. Condamné plus de 30 fois. Pour vol, drogue, violence, usurpation, maltraitance animale. Il est aussi capable de lire la Bible à des sans-abri dans la rue. Complexe, contradictoire, touchant. DMX est un homme de paradoxes. Il annonce vouloir devenir pasteur. Il écrit un album de gospel. Il est tout et son contraire, mais toujours sincère.

Exodus : le dernier testament

Le 9 avril 2021, DMX s’éteint à 50 ans. Overdose. Crise cardiaque. Fin brutale pour un homme qui vivait à 200 à l’heure. Le hip-hop pleure un roi. Un vrai. Pas un produit marketing, mais une légende faite de chair, de sang et de douleur.

En mai 2021, sort Exodus, son album posthume. Produit par Swizz Beatz, l’album est une ode à sa foi, à sa famille, à son combat. On y retrouve The LOX, Nas, Jay-Z, Alicia Keys… Tous rendent hommage à l’un des leurs. Un dernier souffle, un dernier rugissement. Et un silence immense.

Héritage : l’art du réel

DMX a ouvert la voie à des artistes comme Meek Mill, Kevin Gates ou NBA Youngboy. Il a prouvé qu’on pouvait être à la fois dur et vulnérable, gangster et croyant, rappeur et être humain.

Il est la preuve vivante que le hip-hop, c’est pas juste du divertissement. C’est une langue pour ceux qui n’en ont pas. Un poing levé pour ceux qui rampent. Un cri pour ceux qu’on étouffe. Il n’a jamais été parfait. Mais il n’a jamais menti.

X gon’ give it to ya… pour toujours

DMX était un prêcheur de l’ombre. Un poète de l’underground. Un soldat de Dieu en mission sur un champ de bataille sonore. À une époque où le rap est souvent creux, il était profondeur. À une époque où tout est mis en scène, il était brut.

Son nom est tatoué sur le cœur du hip-hop. Son histoire est une parabole urbaine. Et son cri, ce « What! » guttural et sacré, continue de résonner, comme un tambour dans la nuit.

Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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