Birmingham 1963 : L’attentat qui a secoué l’Amérique et révélé l’impunité du Ku Klux Klan

Le 15 septembre 1963, une bombe explose dans une église de Birmingham, Alabama, tuant quatre jeunes filles noires. L’attentat, perpétré par des membres du Ku Klux Klan, mettra près de 40 ans à être pleinement jugé. Retour sur l’un des crimes racistes les plus marquants de l’histoire des États-Unis.

Une ville au cœur de la ségrégation

Dans les années 1960, Birmingham, en Alabama, est le bastion du racisme institutionnalisé. La ségrégation y est omniprésente, et le Ku Klux Klan y exerce une terreur quasi-impunie. Les Afro-Américains y subissent violences, intimidations et lynchages, souvent sous le regard complaisant des autorités locales.

L’église baptiste de la 16ᵉ rue, située en plein cœur de la ville, devient un symbole du mouvement des droits civiques. C’est là que se réunissent les militants noirs, y compris Martin Luther King Jr. et Fred Shuttlesworth, pour organiser marches et manifestations contre la ségrégation. Mais c’est aussi cet engagement qui fait de l’édifice une cible.

L’attentat du 15 septembre 1963 : la terreur à 10h22

Chris McNair était un éminent photographe qui documentait l’époque des droits civiques. Il n’a réalisé cette photographie qu’à partir de l’attentat à la bombe. Chris McNair

Dimanche 15 septembre 1963, 10h22 du matin. Alors que le culte se déroule dans l’église, une violente explosion secoue le bâtiment. Une bombe, placée sous un escalier, détruit une partie du sous-sol où se trouvent 80 jeunes filles en catéchisme.

Le bilan est dramatique : quatre adolescentes sont tuées sur le coup et vingt-deux personnes sont blessées. Les victimes, âgées de 11 à 14 ans, sont identifiées :

  • Addie Mae Collins, 14 ans
  • Carole Robertson, 14 ans
  • Cynthia Wesley, 14 ans
  • Denise McNair, 11 ans
Carole Robertson, Carol Denise McNair, Addie Mae Collins et Cynthia Wesley.

« C’est un crime contre l’humanité, un acte de haine qui cherche à terroriser tout un peuple »Déclaration ultérieure de Martin Luther King Jr.

L’explosion provoque une onde de choc nationale. Le président John F. Kennedy, horrifié, promet une enquête approfondie. Mais les promesses ne suffisent pas à briser le mur d’impunité qui protège les coupables.

Une enquête entravée par le FBI et la ségrégation

J. Edgar Hoover, chef du Bureau fédéral d’investigation des États-Unis, 1961.

Dès le lendemain de l’attentat, les soupçons se tournent vers le Ku Klux Klan. Trois hommes sont rapidement arrêtés :

  • Robert Chambliss
  • John Wesley Hall
  • Charles Cagle

Ces suspects sont connus pour leurs liens avec des groupes suprémacistes. Mais le gouverneur ségrégationniste George Wallace, farouche opposant aux droits civiques, freine toute enquête sérieuse.

Pire encore, le FBI, dirigé par J. Edgar Hoover, entrave activement les investigations. Le bureau identifie pourtant quatre membres du Klan comme auteurs présumés :

  • Robert Chambliss
  • Thomas Blanton Jr.
  • Bobby Frank Cherry
  • Herman Frank Cash

Malgré ces découvertes, Hoover bloque les poursuitesdisparaît des preuves et refuse de transmettre les éléments au département de la Justice.

« Hoover considérait les leaders du mouvement des droits civiques comme une menace plus grande que le Ku Klux Klan ».Rapport ultérieur d’un enquêteur.

Quarante ans d’impunité : un long chemin vers la justice

La statue des quatre esprits rend hommage aux quatre jeunes filles tuées à l’église baptiste de la 16e rue.
Lynsey Weatherspoon pour NPR

Pendant près de 14 ans, l’affaire sombre dans l’oubli. Ce n’est qu’en 1977, sous la pression des militants noirs et du mouvement des droits civiques, que Robert Chambliss est enfin condamné à perpétuité.

Mais les autres coupables restent libres.

  • Herman Frank Cash meurt en 1994 sans jamais être jugé.
  • Thomas Blanton Jr. et Bobby Frank Cherry continuent leur vie en toute impunité.

Il faut attendre les années 2000 pour que la justice rouvre enfin le dossier.

  • 2001 : Thomas Blanton Jr. est jugé et condamné à la prison à perpétuité.
  • 2002 : Bobby Frank Cherry, âgé et malade, tente de plaider l’irresponsabilité mentale. Mais grâce aux témoignages de son ex-femme et de sa petite-fille, il est reconnu coupable et condamné à la prison à vie.

Un crime qui a changé l’histoire des États-Unis

Le président Lyndon Johnson signe la loi sur les droits civils de 1964. 2 juillet 1964.

L’attentat de Birmingham ne fut pas seulement une tragédie : il fut un tournant dans l’histoire des États-Unis.

La violence de ce crime et l’onde de choc qu’il provoque accélèrent l’adoption du Civil Rights Act de 1964, qui met fin à la ségrégation légale aux États-Unis.

En 2013, Barack Obama remet à titre posthume la médaille d’or du Congrès aux quatre jeunes filles assassinées, reconnaissant ainsi officiellement leur martyr.

« Cet attentat a marqué une rupture, une prise de conscience collective. Il nous a rappelé combien le chemin vers l’égalité est long et semé d’embûches ».Déclaration du président américain.

Un crime enfin jugé, mais une blessure indélébile

Quarante ans. C’est le temps qu’il a fallu pour que les coupables de cet attentat raciste soient jugés.

L’histoire de l’attentat de l’église baptiste de la 16ᵉ rue est celle d’un crime d’État, d’une complicité judiciaire et d’une lutte acharnée pour la vérité.

Aujourd’hui encore, le souvenir des quatre victimes plane sur Birmingham, rappelant à l’Amérique que la justice tardive n’efface pas l’injustice subie.

Sources :

  1. The FBI and Birmingham – FBI History
  2. Rapport du NAACP sur l’attentat – NAACP Archives
  3. L’attentat de l’église baptiste de la 16ᵉ rue – Encyclopedia of Alabama
  4. Le Civil Rights Act de 1964 et ses conséquences – Library of Congress
  5. Histoire de Birmingham et du Ku Klux Klan – The New York Times
Naya
Naya
Fan de séries, de rock indé et des années 1990, elle pond des chroniques sur sa vie de femme noire en France et sur sa phobie des joggings Lacoste. Sur le net, vous la retrouverez plus facilement sous le nom de "La Ringarde", son identité secrète de super héroïne.

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