Sylvanus Olympio, le visionnaire oublié du panafricanisme

Premier président du Togo indépendant, Sylvanus Olympio incarne la lutte pour l’émancipation africaine face aux héritages coloniaux. Visionnaire, il rêvait d’un État souverain, économiquement indépendant et ancré dans une diplomatie équilibrée. Pourtant, sa quête d’autonomie heurte les intérêts des puissances étrangères, le menant à une fin tragique le 13 janvier 1963. Découvrez l’histoire fascinante et méconnue de cet homme d’État, pionnier du panafricanisme et symbole de résilience.

Sylvanus Olympio : Une tragédie africaine entre espoir et trahison

En ce matin du 13 janvier 1963, la ville de Lomé s’éveille sous le choc d’un événement qui marquera durablement l’histoire du Togo et, au-delà, celle de tout le continent africain. Le président Sylvanus Olympio, premier chef d’État de la République togolaise indépendante, est froidement assassiné devant l’ambassade américaine, mettant fin brutalement à une carrière marquée par la vision d’une Afrique affranchie et souveraine. Mais qui était cet homme, et comment son rêve d’indépendance et de développement fut-il brisé ?

Une enfance entre deux mondes

Sylvanus Olympio, le visionnaire oublié du panafricanisme
Le Togoland allemand en 1915

Né le 6 septembre 1902 à Kpando, dans le Togoland sous administration allemande, Sylvanus Olympio appartient à une famille aussi influente qu’éclectique. Son père, Epiphanio Elpidio Olympio, est un riche commerçant et planteur d’origine brésilienne, descendant des Afro-Brésiliens revenus sur la côte ouest-africaine après l’abolition de l’esclavage. Sa mère, Fidelia Afe, est issue de l’ethnie mamprusi, originaire du nord du Togo.

Cette double héritage culturel et social marquera profondément Olympio, qui recevra une éducation cosmopolite. Après des études primaires au Togo, il part à Londres où il obtient un diplôme d’économie politique à la prestigieuse London School of Economics. Ce passage par l’Europe nourrit une anglophilie qui lui vaudra autant de respect que de suspicion, notamment de la part des autorités françaises.

Un visionnaire à la tête du Togo

Sylvanus Olympio, le visionnaire oublié du panafricanisme
Photo prise dans les années 60 de Sylvanus Olympio, président du Togo.

Revenu en Afrique, Sylvanus Olympio gravit rapidement les échelons dans la société coloniale. Il est nommé directeur général de la United Africa Company (UAC), une filiale du groupe Unilever, devenant ainsi l’un des rares Africains à occuper un poste d’une telle importance dans une entreprise coloniale. Mais Olympio ne se contente pas d’être un rouage de l’économie coloniale : il s’investit aussi dans le mouvement indépendantiste.

En avril 1958, à l’issue des premières élections législatives libres au Togo, il devient Premier ministre du Togo autonome. Son mandat est marqué par une stratégie subtile et pragmatique : tout en préparant l’indépendance du pays, il cherche à éviter une rupture brutale avec la France. Pourtant, Olympio ne cache pas son ambition de diversifier les partenariats internationaux du Togo. Il établit des relations étroites avec l’Allemagne et les États-Unis, ce qui irrite Paris.

Le 27 avril 1960, le Togo accède à l’indépendance, et Olympio devient officiellement son premier président. Il entame alors un vaste chantier de réformes visant à moderniser l’économie et à renforcer l’autonomie du pays.

Un équilibriste face à la Françafrique

Sylvanus Olympio, le visionnaire oublié du panafricanisme

Dès son accession au pouvoir, Sylvanus Olympio se distingue par sa volonté d’émanciper le Togo de la tutelle française. Il crée une banque centrale togolaise en 1962, souhaitant émettre une monnaie nationale liée au Deutsche Mark. Cette initiative, perçue comme une menace par le système de la zone CFA, renforce les tensions avec Paris.

Olympio adopte également une politique de neutralité active, refusant d’intégrer le Togo dans les regroupements franco-africains tels que l’Union africaine et malgache. Ses choix lui attirent des inimitiés, notamment de la part de Jacques Foccart, l’homme de l’ombre de la Françafrique. « Sylvanus Olympio n’était pas un de nos amis », confiera Foccart des années plus tard.

La tragédie de l’assassinat

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Le président togolais Gnassingbe Eyadema quitte le pays après une visite d’État.

Mais c’est une question interne qui scelle le sort du président. Les anciens soldats togolais démobilisés de l’armée française, refusés dans l’armée nationale par Olympio, se sentent abandonnés. Parmi eux se trouve un certain Gnassingbé Eyadéma, futur président du Togo.

Dans la nuit du 12 au 13 janvier 1963, un groupe de soldats dirigé par Eyadéma attaque la résidence présidentielle. Traqué, Olympio se réfugie devant l’ambassade américaine, mais il est abattu à bout portant au petit matin. L’implication des services français dans ce coup d’État reste un sujet de controverse, bien que de nombreux indices pointent vers un soutien logistique et politique.

L’héritage d’un visionnaire

Sylvanus Olympio, le visionnaire oublié du panafricanisme
Les femmes pleurent l’assassinat du président Olympio

Malgré sa fin tragique, l’œuvre de Sylvanus Olympio continue de résonner dans l’histoire africaine. Son ambition d’indépendance économique et sa vision d’un Togo moderne restent des modèles pour les dirigeants africains contemporains.

En 1963, le coup d’État qui lui coûta la vie ouvrit la voie à une longue période d’instabilité politique et d’autocratie au Togo. Pourtant, pour beaucoup, Olympio reste le symbole d’une Afrique capable de se tenir debout face à ses anciens colonisateurs, une Afrique audacieuse, déterminée à forger son propre destin.

Conclusion

Sylvanus Olympio, le visionnaire oublié du panafricanisme

Sylvanus Olympio n’était pas seulement un homme d’État : il était un visionnaire dont le rêve s’est heurté aux réalites brutales de son époque. En rappelant son histoire, nous honorons la mémoire d’un pionnier de l’indépendance africaine, tout en questionnant les dynamiques de pouvoir qui continuent de façonner le continent. Car, comme l’écrivait Olympio lui-même :

« La liberté n’a de sens que si elle est éclairée par la justice et soutenue par la dignité humaine. »

Notes et références

  1. Têtêvi Godwin Tété-Adjalogo, Sylvanus Olympio : Père de la nation togolaise, Éditions L’Harmattan, 2008.
  2. Atsutsè Kokouvi Agbobli, Sylvanus Olympio : un destin tragique, Nouvelles Éditions africaines, 1992.
  3. Guia Migani, « La CEE ou la France, l’impossible choix de Sylvanus Olympio, président du Togo », Matériaux pour l’histoire de notre temps, n°77, 2005.
  4. Christophe Boisbouvier, « Togo : qui a tué l’ancien président Sylvanus Olympio ? », Jeune Afrique, 18 janvier 2013.
  5. Bertrand Kogoe, « Le témoignage de M. Kombate Michel sur la mort de Sylvanus Olympio », RFI, 18 septembre 2011.
  6. Jean-Philippe Rémy, « Les fantômes des présidents africains assassinés », Le Monde, 12 décembre 2018.
  7. François-Xavier Verschave, La Françafrique : le plus long scandale de la République, Stock, 1999.
  8. Jacques Morel, Calendrier des crimes de la France Outremer, Esprit frappeur, 2001.
  9. African Success, Profil de Sylvanus Olympio, consulté en 2024.
  10. « Sylvanus Olympio : La vie et la fin tragique du premier président du Togo », Lisapo Yakamama (en ligne), consulté en 2024.

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