Nofi et Trace, dans le cadre du mois de la femme africaine, vous invitent à plonger dans les récits fascinants des héroïnes méconnues de l’histoire afro-descendante. De l’Afrique aux Amériques, découvrez ces femmes qui, par leur courage, leur résilience et leur détermination, ont défié l’oppression et marqué à jamais l’histoire de nos peuples.
Les résistances féminines afro-descendantes en Afrique
Dans les plis de l’histoire, souvent écrite par et pour les vainqueurs, se nichent des récits oubliés, ceux des femmes africaines et afrodescendantes qui, par leur courage et leur détermination, ont changé le cours du destin collectif. Ces héroïnes, rebelles face à l’injustice, incarnent une mémoire vivante et une source d’inspiration universelle. Nofi revisite leurs luttes, de l’Afrique précoloniale aux Amériques en passant par les Caraïbes, en dévoilant les récits méconnus qui résonnent encore aujourd’hui.
I. Les résistances féminines en Afrique, berceau de la révolte
Nzinga Mbandi : stratège et diplomate du Ndongo et Matamba
Nzinga Mbandi (1583–1663), reine du Ndongo et du Matamba (Angola), fut bien plus qu’une souveraine. À une époque où les Portugais cherchaient à dominer l’Afrique pour alimenter la traite transatlantique, Nzinga sut conjuguer diplomatie et guerre. Lors des négociations de 1624 avec les Portugais, elle choqua l’assemblée en utilisant une de ses servantes comme tabouret pour ne pas s’asseoir sur le sol. Ce geste, au-delà de son symbolisme, illustre la stratégie psychologique qu’elle employait pour affirmer son autorité.
Nzinga constitua une alliance avec les Hollandais contre les Portugais, introduisant des réformes militaires audacieuses en incorporant des femmes dans son armée. Enracinée dans la culture Mbundu, elle devint un modèle de résistance face à l’impérialisme.
Yaa Asantewaa, la flamme de la guerre du trône d’or
En 1900, au cœur de l’empire Ashanti (Ghana), Yaa Asantewaa, reine-mère de la région d’Ejisu, galvanisa son peuple contre la confiscation du Trône d’Or par les Britanniques. Lors d’un conseil, elle défia les chefs masculins hésitants :
« Si vous, les hommes, ne vous battez pas, nous, les femmes, nous le ferons. »
Cette guerre, bien que perdue, demeure un symbole de la résistance anticoloniale. Son héritage a fait d’elle une figure centrale dans l’histoire ghanéenne et africaine.
Les Amazones du Dahomey : armée d’élite féminine
Loin des mythes, les Amazones du Dahomey étaient une réalité historique. Constituée sous le règne du roi Houégbadja au XVIIe siècle, cette armée féminine a défié les forces coloniales françaises. Leur entraînement rigoureux, combiné à une discipline sans faille, en faisait une force redoutable. Leur influence dépasse les champs de bataille, inspirant aujourd’hui des représentations culturelles comme dans le film The Woman King.
II. La diaspora en rébellion : marronnage et insurrections féminines
Nanny of the Maroons : libératrice de Jamaïque
Nanny, figure emblématique des Marrons de Jamaïque, incarne la liberté arrachée. Au XVIIIe siècle, elle utilisa des tactiques de guérilla pour protéger sa communauté des attaques britanniques. Dotée d’un don spirituel attribué à l’obeah (une pratique religieuse afro-caribéenne), elle est reconnue comme héroïne nationale en Jamaïque.
Sanité Bélair : combattante de la révolution Haïtienne
Lieutenant sous Dessalines, Sanité Bélair participa à des campagnes cruciales contre les forces napoléoniennes. Capturée avec son mari, elle refusa d’être exécutée à la guillotine, préférant mourir sous les balles. Son courage a fait d’elle une martyre de l’indépendance haïtienne.
Harriet Tubman : La Moïse de son peuple
Harriet Tubman n’était pas seulement une militante abolitionniste, mais une véritable stratège militaire. Après avoir échappé à l’esclavage, elle retourna dans le Sud pour libérer des centaines de personnes via le chemin de fer clandestin. Pendant la guerre de Sécession, elle devint la première femme à diriger une expédition armée, sauvant plus de 700 esclaves.
III. Révoltes collectives féminines : Afrique et diaspora à l’unisson
Les femmes du marché d’Aba (Nigéria, 1929)
Cette révolte, surnommée la « guerre des femmes », mobilisa des milliers de commerçantes Igbo contre une taxation coloniale oppressive. Organisées, elles utilisèrent le chant et la danse comme outils de protestation. Cet événement marqua un tournant dans les luttes pour l’indépendance.
Les femmes marronnes des Amériques
Au Suriname et en Guyane, les femmes marronnes jouèrent un rôle crucial dans les révoltes des esclaves. À Paramaribo, des groupes féminins mirent en place des réseaux de résistance clandestins, mêlant espionnage et sabotage.
IV. Les femmes africaines dans la reconstruction post-indépendance
Ellen Johnson Sirleaf : résilience au Libéria
Première femme élue présidente en Afrique, Sirleaf transforma le Libéria après des années de guerre civile. Lauréate du prix Nobel de la paix, elle symbolise la capacité des femmes à reconstruire des nations.
Graça Machel : militante de l’Éducation
Ancienne première dame du Mozambique et d’Afrique du Sud, elle a dédié sa vie à l’autonomisation des femmes et des enfants, prouvant que l’héritage de la résistance passe aussi par l’éducation.
V. Innovatrices et entrepreneures : combat par la créativité
Fatoumata Ba : pionnière de la Tech
Fondatrice de Jumia, Fatoumata Ba redéfinit le paysage économique africain. En combinant innovation et inclusion, elle montre que la révolution féminine passe aussi par la transformation numérique.
Le boom des créatrices culturelles
Des designers comme Anifa Mvuemba réinventent les textiles traditionnels en les mêlant à des technologies modernes, célébrant ainsi l’héritage africain dans une esthétique contemporaine.
Vers une reconnaissance globale
Ces récits, bien qu’extraordinaires, sont souvent absents des manuels scolaires et des mémoires collectives. Pourtant, ils rappellent que l’histoire afrodescendante est façonnée par des femmes d’une résilience et d’une audace exceptionnelles. Leur héritage n’est pas seulement un rappel des luttes passées, mais une inspiration pour les combats présents et futurs. En honorant ces héroïnes, nous affirmons une vérité simple mais puissante : leur histoire est aussi la nôtre.
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Références
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- Cooper, Afua. The Hanging of Angelique: The Untold Story of Canadian Slavery and the Burning of Old Montreal. HarperCollins, 2006.
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- Walker, Harriet. The Amazons of Dahomey: Women Warriors of Africa. Cambridge African Studies, 1998.
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