Les jeudis à Abidjan, entre mariage et discussion sur l’environnement, c’est le jour de développement durable.
« Le développement durable, c’est pour les Blancs ! », auraient l’habitude de dire des ivoiriens peu concernés par une question pourtant centrale au cœur de leur quotidien.
Non, le développement durable, c’est-à-dire notamment une utilisation plus saine et pérenne des ressources naturelles, énergétiques, afin d’en laisser aux générations futures, n’est pas une question de couleur de peau. Chut ! N’allez surtout pas le dire à ces hommes et femmes, noires pour la plupart, réunis ce jeudi 16 janvier 2025 à l’espace américain Andrew Young Center d’Abidjan, Plateau ; le quartier des affaires de la capitale économique ivoirienne.
Ils participent ainsi au rendez-vous de la durabilité, qui a lieu tous les troisièmes jeudis du mois.
Lumière sur cet évènement où le développement durable passe au vert.
LE DÉVELOPPEMENT DURABLE À ABIDJAN : CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ ENGAGÉE DANS LA DURABILITÉ
Avec sa chemise à carreaux, de couleur verte et noire, façon bûcheron, hipster, le jeune photographe mitraille les premières (personnes) arrivées assises au premier rang tandis que l’équipe technique peaufine sa mise en place.
Étudiants trahis par leur bleu turquoise, curieux, mais aussi travailleurs ou encore chefs d’entreprise, tous sont venus écouter la bonne parole des intervenants suivants : M. Brice Delagneau, commissaire général du Forum Africain des Villes Durables, ou FORAVID en version accélérée, Mme Céline Mansuy, directrice commerciale et marketing de Lafarge Holcim, et enfin, M. Rufus Kpan, directeur de Smart Energy.
Il est à peu près 14h et dans peu de temps, ils s’exprimeront les uns à la suite des autres. Sous les yeux de quelques internautes qui Zoom derrière leur écran.
LE DÉVELOPPEMENT DURABLE, UN REMPART FACE À L’URBANISATION
Ce n’est qu’une question de temps avant que le développement durable ne soit parmi les traditionnels sujets de discussions sans fin, à commencer par : « Qui a l’argent entre Drogba et Eto’o ? ». La raison ? Elle provient surtout de « l’urbanisation accélérée », mentionnée par Brice Delagneau.
Que ce soit dans Abidjan Nord, et ces constructions servies sur Deux Plateaux, ou dans Abidjan Sud, avec les travaux, autour de l’aéroport Félix Houphouët-Boigny, obligeant les voyageurs à quitter leur domicile encore plus tôt qu’à l’accoutumée, avec l’enfer des embouteillages, la ville où les Éléphants de Côte d’Ivoire ont été champions d’Afrique, il y aura bientôt un an, au terme d’un parcours miraculeux, est en transformation permanente.
Soit l’exercice suivant. À l’aide de vos connaissances, faites six mois sans aller dans votre quartier d’enfance, et tentez de le reconnaître.
Vous verrez que des maisons, avec SUV garé devant la porte, et des boutiques de prêt-à-porter, bordent désormais la rue où vous jouiez au football. Avec ces briques, en guise de petits poteaux, qui n’iront jamais pas au village.
« Quoi qu’on dise les besoins des hommes vont grandir. », ajoute le premier intervenant qui s’adresse aux 89 inscrits.
Parmi ces besoins, celui de posséder un logement figure parmi les premières places et cimente ainsi naturellement le sujet des matériaux de construction dans le débat.
COMMENT GARANTIR LA PERFORMANCE DU CIMENT DANS LE RESPECT DE L’ENVIRONNEMENT ET LA DURABILITÉ ?
« Beaucoup de pays commencent à légiférer sur les émissions de CO2…On a commencé à travailler sur de nouveaux produits. », reconnaît Céline Mansuy.
Si la filiale ivoirienne du premier producteur mondial de ciment a entamé son processus de décarbonisation, c’est essentiellement parce que les questions environnementales fleurissent un peu partout et par conséquent, il est impossible de les ignorer.
Ainsi, de leur réflexion, est né un produit nouveau, moins polluant, à utiliser pour les mille et une constructions : Fangah. Qui signifierait : force de la nature.
Ce ciment qui contient « 30% de CO2 en moins qu’un ciment normal », est particulièrement fait de clinker et de pouzzolane.
Si le premier est le composant naturel du ciment, le second, lui, est une roche naturelle dont la composition se rapproche de celles des volcans.
Si les constructeurs ont ainsi fait leur part du boulot, avec moins de clinker pour moins de chaleur, aux autres parties de faire la leur.
Si elle pointe du doigt les cimentiers accusés de faire des marges sur leur produit, la jeune femme ne rate pas l’occasion de s’en prendre gentiment aux futures propriétaires de maisons.
Á eux aussi de « faire plus attention », de s’impliquer davantage dans le processus de sélection de matériaux de construction, de les choisir comme s’ils choisissaient leur voiture. Afin que demain, l’étouffante chaleur exaspérante ne les oblige pas à allumer tous les climatiseurs de leur habitation. Et ce froid glacial ressenti quand vient la facture, glissée sous la porte, avec ces chiffres exorbitants.
COMMENT RÉDUIRE SA FACTURE D’ÉNERGIE ?
La connexion faisant des siennes, la retransmission des propos des orateurs n’est pas fidèle. Si le public présent en présentiel est épargné, ce n’est pas le cas pour les connectés.
« On n’entend pas ! », disent certains. Mais au moment où Rufus Kpan prend la parole à son tour, tous ont les oreilles grandes ouvertes. Et pour cause, il est question de réduction de facture.
La relation entre une certaine Compagnie Ivoirienne d’Électricité et ses usagers est plus tumultueuse que celle de ces couples qui s’invectivent par statut WhatsApp interposé, perdant au passage de l’énergie.
De l’énergie justement, le directeur de la filiale ivoirienne de la CIE propose d’en faire économiser.
« [L’entreprise, NDLR] a vocation à accompagner les usagers. », détaillant à peine le repositionnement de la fourniture de leurs services.
Tirant l’alarme par rapport au problème récurrent du gaspillage énergétique, il propose quelques différentes étapes pour le régler.
Elles pourraient être présentées comme suit :
- Diagnostic chez les ménages
- Vérification des normes
- Proposition à l’usager
Puis, la remise en mains propres d’un prix à un écocitoyen à la chemise blanche, qui a suivi une formation gratuite de 16heures, marque le début de la fin de ce premier rendez-vous de la durabilité de l’année.
Cette fin est entre autres marquée par une série des questions/réponses.
Interrogée entre autres sur l’absence de recours systématique au BTC (Brique en Terre Compressée), pourtant plus éco-responsable, Céline Mansuy répond : « Les gens n’en veulent pas parce que ça leur fait penser à la terre du village. »
Même au village, on parle de ça. C’est pas petit boucan !
Et pendant ce temps-là, l’Harmattan précoce, lui, jette désormais le trouble sur les dates de son apparition, soulève la question légitime du réchauffement climatique. Tant que ce ne sera qu’une partie de la population très aisée qui sera très sensible à la notion de confort thermique, beaucoup auront le sentiment que : « Le développement durable, c’est pour les Blancs ! ».
Rendez-vous dans quelques semaines, pour continuer à changer cela.