Fondée par l’Ivoirien Karl Kouakou, Atelier Botini jette les projecteurs sur les poignets des hommes ; ornés de ses bijoux.
Ce samedi 21 décembre 2024, et ce jusqu’au dimanche 22 décembre, les amoureux des bijoux pour hommes auront l’embarras du choix avec Atelier Botini. Comme il y a quelques semaines de cela…
Ce samedi 24 août 2024, le soleil est déjà couché quand les amoureux de bijoux et autres retardataires retrouvent à la Galerie Diga, située à Cocody, quartier généralement huppé d’Abidjan Nord, pour discuter/s’affaire/acheter des accessoires de la marque fondée par l’Ivoirien Karl Kouakou : Atelier Botini.
Courant littéralement à gauche et à droite, sous la nuit étoilée, pour superviser puis délivrer en personne l’accessoire, mais aussi faire le point à mi-chemin, le jeune homme en question n’oublie pas pour autant de taper la discute avec des acteurs, venus le soutenir, de l’industrie musicale ; son second amour après la mode pour le co-fondateur, Fred Kadio, du média pédagogique et piquant : Salivoire. Mais le premier amour, pour celui qui est « né en Côte d’Ivoire et y a eu une enfance normale », c’est particulièrement la mode. Rencontre.
ATELIER BOTINI, C’EST L’HISTOIRE D’UN IVOIRIEN QUI AIMAIT BIEN S’HABILLER
« […] J’ai toujours aimé bien m’habiller. Je pense que tout ivoirien, des sourires étouffés dans la voix, a ce goût pour bien se vêtir. Toujours être bien habillé. De façon naturelle, j’ai toujours aimé ça. »
Monture noire, tee-shirt noir, mais pantalon noir et chaussures noires, le jeune homme déploie du noir en veux-tu, en voilà. Avec cette barbe qu’il a laissée jeter son dévolu sur ses joues depuis un certain moment maintenant.
Dans la galerie d’Ivoire Trace Center, situé également à Cocody et nouvel endroit branché pour jeunes cadres dynamiques, qui à la pause descendent de la salle de marché d’une célèbre banque française ou d’un cabinet d’audit très connu également pour se restaurer, le style de ce fan de Rap en général et de Booba en particulier est facilement remarquable.
« Le Rap m’a éveillé au racisme. », reconnaîtra-t-il plus tard dans cette interview qui a eu lieu le vendredi 16 août 2024. Mais pour l’heure, le trentenaire déroule le fil de sa vie.
UN ETUDIANT QUI DÉBARQUE AU MAROC
Sa vie l’a menée au Maroc et Casablanca plus précisément. L’adolescent y débarque tout seul.
Et forcément, comme la plupart des pré-adultes, longtemps surveillés de près par de stricts parents aimants, il mène la vie de Lougah, la Dolce Vita, sinon quelle vie.
« Je pense que c’est normal [de faire des mauvais choix ; NDLR]. Ça fait partie du processus. », le sourire aux lèvres.
Obligeant d’assumer tout seul comme un grand garçon à Casablanca, le jeune homme se retrouve à développer malgré lui un super pouvoir : la fibre entrepreneuriale.
AU COMMENCEMENT ÉTAIT L’ENTREPRENEUR
« Je dois apprendre à faire de l’argent. », se dit alors celui qui est momentanément privé de virement permanent irrévocable.
Le virement permanent irrévocable est aux jeunes étudiants étrangers, partis pour remplir leur cerveau de nouvelles notions et leur curriculum vitae de jolis diplômes clinquants, ce que le temps mort est aux apprentis-nageurs, jetés sans ménagement dans l’eau par les Sapeurs-Pompiers du Plateau : une bouffée d’oxygène.
Privé de cette ressource financière, de cet argent de poche, le désargenté temporaire multiplie les réflexions en lisant beaucoup sur le sujet et trouve des solutions.
Ce sera ses amis, son réseau.
« Comme je venais « d’un milieu aisé« , j’ai plein de connaissances qui ont des fonds. Je me suis demandé : » Qu’est-ce que je peux leur vendre ? » Et j’ai commencé à trouver des appartements pour eux à Casablanca, à me faire plein d’argent. Et je me suis trouvé. »
« J’ai envie d’être entrepreneur. », lâche-t-il ému à cette période où il a d’ailleurs vécu un lourd goumin.
Si le jeune chef de sa petite entreprise enchaîne les (bonnes) décisions entrepreneuriales, à l’école, il enchaîne les heures d’absence à l’école.
Nonobstant cet absentéisme, il décroche sa Licence en finances.
« J’avais du mal à me réveiller le matin. C’est l’hiver, il fait froid. »
Dernier d’une famille de cinq, où « Tout le monde est carriériste. », le benjamin de la famille reprend progressivement attache avec ses parents, notamment sa mère « rassurée parce qu’elle a compris que je ne faisais pas n’importe quoi. »
Sûr de lui, le dernier des Kouakou impose son choix.
« Je fais un Master en entrepreneuriat ou je ne vais plus à l’école. »
Venu dans des conditions particulières, après que son école d’experts comptables ait été un des nombreux bâtiments touchés par la guerre civile de 2011, le vingtenaire tient tête à ses parents.
« Je suis borné. », reconnaît-il facilement.
Finalement, les négociations aboutissent : c’est un oui pour le Master qu’il voulait soumis à certaines conditions : paiement de l’école et argent de poche réduit au strict minimum pour éviter toute nouvelle mésaventure, qu’il soit tenté par le diable.
Tentés, ceux qui arpentent la galerie de l’Ivoire Trade Center le sont.
Entre mets africains revisités juste ce qu’il faut pour ne pas être trop sophistiqués et les traditionnelles pizzas cuites au feu de bois, ou encore ces hamburgers frites, qu’une jeune femme qui n’a pourtant pas faim finira par manger, on se croirait sur l’île de la Tentation. Karl Kouakou est descendu du train depuis.
ATELIER BOTINI OU LA MISSION (IM)POSSIBLE
Des histoires en veux-tu, en voilà, l’interviewé tout de noir vêtu, au débit régulier, avec cette voix audible à souhait, en a à la pelle. Alors pour bien les raconter, il pioche facilement dans sa mémoire. Extrait.
« Je suis allé chez une amie, qui faisait des écharpes. Et je lui ai dit : » Mais on peut vendre ça ? » […] On va appeler ça Botini Scarf. »
Anticipant la question sur l’origine de ce drôle de nom, tel un web-humoriste qui se régale à l’avance de la chute de sa blague, l’e
« […] Tu sais je me suis toujours dit qu’il y a des noms qui ont connotation à réussir, qui font que tu vas réussir. Par exemple, il n’y a pas 10 000 Didier Drogba. Je trouvais que Karl Kouakou, c’était un peu commun. Et quand j’ai entendu : Laurent Botini, je me suis dit je m’appelle comme ça à partir d’aujourd’hui. »
À partir de cet instant précis, tous les business que le jeune homme prêt-à-porter un nouveau patronyme auront ce Botini dans leur naming.
D’abord Botini Scarf, « Où tout ce que j’apprends à l’école, j’essaie d’appliquer [sur la marque, NDLR] », en décembre 2014.
« Je voulais vraiment apprendre comment être entrepreneur, comment on monte un business, on le développe. », se rappelle celui qui fait alors un Master Entrepreneuriat Développement International.
LA RELIGION, L’OPIUM DES ENTREPRENEURS
Le xylophone – joué par un amateur d’instrument de musique – et les conversations en fond sonore s’entremêlent au point de se mêler de ceux qui ne les regardent pas.
« Je questionne beaucoup ma spiritualité, continuant à dérouler ses aventures. Et je tombe sur une religion qui me fait comprendre qu’on a tous une mission sur Terre. »
S’appuyant sur les premières bases de sa mission, il continue son éveil spirituel et l’explique mieux encore :
« Je rentre dedans [dans Botini] parce que c’est une démarche spirituelle. J’ai l’impression que je suis né pour ça, j’ai un don naturel pour ça [lancer et développer des entreprises, NDLR]. »
Emballés et pesés, ses mots pourtant débités rapidement sentent la spiritualité et la sauge qu’on fait brûler son espace et son temps.
« La spiritualité, ce sont des croyances, et non des certitudes. », rectifie-t-il
« J’ai vécu des injustices et je suis né avec une certaine sensibilité à l’injustice [en tant que dernier d’une famille qui n’a pas droit à la parole en Afrique, NDLR]», complète-t-il.
L’ex-enfant gâté « vivait mal le fait que j’étais smart et qu’on n’écoutait pas ce que j’avais à dire. »
Des choses à dire, Karl Kouakou en a. Les feuilles blanches noircies depuis une bonne vingtaine de minutes maintenant peuvent rendre témoignage.
BOOBA, SON GENTIL OURSON
« Le Rap que j’ai écouté m’a éveillé au racisme.», mentionne ce fan de Kery James et surtout de Booba. Sa couleur de peau, noire, ce sont les autres qui la lui font remarquer avec le traitement injuste qu’il subit.
Mais plutôt que s’attarder sur un sujet douloureux, cette ex-victime botte en touche et poursuit.
Et la troisième et dernière injustice provient de cette rupture parce que : « Je n’étais pas peul. » La mère de sa copine de l’époque s’est opposée à la poursuite de leur relation sous prétexte qu’il ne l’était pas. Comme quoi, parfois il faut malheureusement peu.
« Ma mission de vie est sur ça : combattre les injustices. », frappant sur la table avec son poignet fermé puis renversé.
AVEC ATELIER BOTINI ET L’IVOIRIEN KARL KOUAKOU, LES BIJOUX POUR HOMMES NE SONT PLUS ACCESSOIRE
« Quand je lance ma marque [Atelier Botini, NDLR], j’ai cette dimension sociale. […] Je reste [au Maroc, NDLR] pour montrer aussi le bon exemple. Je me sens comme un « prophète », plaisantant sur la dimension christique des entrepreneurs appelés à faire des miracles avec peu. »
Dire que les débuts d’Atelier Botini n’ont pas été évidents est un doux euphémisme.
« Y a longtemps qu’on fait de très bons chiffres mais je ne me sentais pas prêt [à faire des ventes à Abidjan, NDLR] ».
Les trente euros avec lesquels ils ont commencé pour acheter de la laine d’abord pour Botini Scarf ont depuis été amortis et pas qu’un peu après la vente des écharpes « à tous les gens de l’école qui m’aimaient bien. » Résultat : 1 000 euros dans les caisses.
L’hiver finissant, le changement d’activité s’impose aussi naturellement que celui d’heure.
Des écharpes en laine, Karl et ses acolytes passent d’abord aux colliers pour femmes puis aux bracelets pour hommes « qu’il avait du mal à trouver. ».
Ce problème devient une solution. Vient l’étape de la mobilisation des personnes qui ont tous une aptitude comme Sinja qui sait enfiler des perles ou son pote créatif qui avait fait l’INSAAC.
« J’ai un magnétisme plus fort sur des gens qui croient en moi. Dans mon cercle, on m’a toujours apprécié. J’arrive toujours à convaincre. », expliquant comment il arrive à convaincre les gens.
Deuxième d’un concours de Rap, appelé Faya Flow, vendeur de tickets, l’ex-rappeur sourit un peu/beaucoup/souvent en repensant à ces mille et une vies qu’il a vécues, à ces premiers couacs dans cette aventure. Comme cette première commande faite par un grande multinationale, Unilever Maroc en l’occurrence, les péripéties pour ouvrir les boutiques.
« La boutique me fait exister. », reconnaît-il sans pour autant entrer dans les chiffres.
Si les affaires sont bonnes, c’est sans aucun doute par qu’il propose des bracelets et des montres, de qualité, à des prix raisonnables : 30 à 40 euros pour les premiers, 100 à 150 euros pour les seconds. Et même quand l’inspiration n’y est peut-être plus, qu’il veut baisser les bras, il continue parce que : « L’univers ne me laisse pas abandonner. »
Aujourd’hui, le jeune entrepreneur soutenu progressivement par les siens a le sourire, parce qu’il n’ a pas abandonné, à quelques heures seulement de cette vente privée qui aura lieu une nouvelle fois à la Galerie Diga du 21 au 22 décembre prochain. Avis aux retardataires : allez-y.