Pourquoi tant de super-héros noirs ont des pouvoirs électriques ?

Sérieusement, c’est quoi cette obsession avec les super-héros noirs et l’électricité ? C’est comme si dès qu’un héros noir pointe le bout de son masque, on lui balance automatiquement des éclairs. Black Lightning, Static Shock, Storm (qui, soyons honnêtes, passe sa vie à lancer des orages), sans oublier tous ces héros obscurs dont personne ne se souvient mais qui ont une capacité à zapper tout ce qui bouge.

Coïncidence ? Pas vraiment. On va remonter aux origines de ce cliché, entre mythologie africaine, copyright foireux et stéréotypes paresseux, tout en vous servant une bonne dose de sarcasme et de vérités qui piquent. Spoiler alert : c’est à la fois drôle et un peu déprimant.

Un cliché omniprésent ou l’électricité comme signature des héros noirs

Commençons par l’évidence : pourquoi l’électricité ? C’est un pouvoir spectaculaire, visuellement marquant et facile à comprendre pour le public. Un héros qui balance des éclairs peut à la fois impressionner et effrayer. Sur le plan narratif, l’électricité est un outil polyvalent. Elle peut être utilisée pour attaquer, défendre, et même interagir avec la technologie.

Mais quand on regarde la liste des héros noirs qui possèdent ce pouvoir, on se rend compte que la tendance dépasse la simple coïncidence. Black Lightning, créé en 1977, est souvent considéré comme le pionnier de cette catégorie. Plus tard, Static Shock a repris ce flambeau dans les années 1990, devenant l’un des super-héros noirs les plus populaires, en particulier auprès des jeunes. Même des personnages secondaires ou des variantes, comme Electro (dans The Amazing Spider-Man 2) ou Aqualad (dans Young Justice), finissent par hériter de capacités électriques.

Le problème n’est pas que ces héros aient des pouvoirs électriques en soi — après tout, c’est un pouvoir cool — mais que cette récurrence limite la diversité des représentations. Pourquoi tant de héros noirs doivent-ils être liés à cette énergie spécifique ? Et pourquoi pas d’autres éléments comme l’eau, le feu, ou même des pouvoirs plus abstraits comme le contrôle du temps ?

Un héritage mythologique ? Pas vraiment.

Certains suggèrent que cette tendance pourrait être liée à la mythologie africaine. Et il est vrai que plusieurs récits traditionnels évoquent des figures capables de manipuler la foudre. L’un des exemples les plus célèbres est l’Épopée de Mwindo, une légende congolaise où le héros utilise la foudre pour combattre ses ennemis et même tuer un dragon. Dans d’autres traditions africaines, des divinités comme Shango (dans la mythologie Yoruba) sont associées à la foudre et à la puissance.

Cependant, cette explication ne tient pas totalement. L’électricité n’est pas exclusive aux mythes africains. La foudre est universellement considérée comme un symbole de pouvoir dans presque toutes les cultures. Les dieux comme Zeus (Grèce), Thor (Scandinavie), ou encore Lei Gong (Chine) sont tous liés à cet élément.

Si la mythologie africaine a pu jouer un rôle dans l’inspiration de certains héros, il est peu probable qu’elle soit la principale raison de cette tendance. Pour comprendre le phénomène, il faut plutôt regarder du côté de l’histoire contemporaine des comics.

Black Lightning : le pionnier malgré lui

Black Lightning fait ses débuts dans Black Lightning #1 (avril 1977). Dessin de Rich Buckler et Frank Springe.

Tout commence en 1977 avec Black Lightning, le premier super-héros noir de DC Comics avec des pouvoirs électriques. Créé par Tony Isabella, ce personnage était censé être une avancée pour la représentation des Afro-Américains dans les comics. Mais rapidement, il est devenu bien plus qu’un héros : il a ouvert la voie à une longue série de clones électriques.

Ce qu’il faut savoir, c’est que Black Lightning est né dans un contexte où DC était en retard sur Marvel en matière de diversité. Alors que Marvel avait déjà Black Panther et Luke Cage, DC avait surtout des personnages secondaires comme John Stewart, un Green Lantern. Isabella voulait un héros noir original, et l’électricité, à l’époque, semblait un choix évident : visuellement marquant, facile à comprendre, et symboliquement puissant.

Mais le problème est survenu quand Hanna-Barbera a voulu intégrer Black Lightning dans son dessin animé Super Friends. Plutôt que de payer des royalties à Isabella, ils ont créé un clone, Black Vulcan, un héros noir avec… devinez quoi ? Des pouvoirs électriques. Parce que pourquoi se fatiguer à être original quand on peut simplement copier-coller ?

L’électricité dans Naruto : les Raikage et Kumogakure no Sato

Ay (Raikage) carte 2 [NxB Ninja Voltage] par Maxiuchiha22 sur DeviantArt

L’univers de Naruto est connu pour ses vastes inspirations culturelles, mélangeant traditions japonaises, mythologies diverses et éléments modernes. Dans ce contexte, Kumogakure no Sato, le village caché des Nuages, est un bastion de ninjas spécialisés dans les techniques liées à l’électricité et aux éclairs. Ce village est également notable pour sa représentation des personnages noirs, comme le Troisième Raikagele Quatrième Raikage, et Darui.

Ces personnages sont souvent associés à des techniques de combat brutales, mettant en avant leur puissance physique et leur maîtrise de l’électricité. Par exemple :

  • Le Troisième Raikage est légendaire pour sa technique de défense, le Raiton Chakura Môdo ou « Mode Chakra de Libération de Foudre », et son attaque, le Jigokuzuki ou « Estocade de l’Enfer ».
  • Le Quatrième Raikage combine la vitesse et la force brute grâce à son Raiton, qui amplifie ses capacités physiques à des niveaux surhumains.
  • Darui, quant à lui, utilise des techniques d’électricité combinées à d’autres éléments comme l’eau pour des attaques plus stratégiques.

La représentation des ninjas de Kumo en tant que maîtres de l’électricité est cohérente avec l’idée de puissance et de vitesse associées à cet élément. Cependant, il est impossible d’ignorer que ce choix renforce également le stéréotype selon lequel les personnages noirs sont toujours liés à des pouvoirs brutaux ou physiques, plutôt qu’à des capacités intellectuelles ou spirituelles.

Et c’est là que tout dérape : l’effet domino.

Static fait ses débuts sur la couverture de Static #1 (mai 1993), sous la plume de Denys Cowan et Jimmy Palmiotti.

Black Vulcan a ouvert les vannes à une série de personnages noirs électrifiés. Pourquoi ? Parce que c’était simple, efficace et que l’électricité est un pouvoir qui plaît visuellement. Les créateurs ne voulaient pas réinventer la roue, et à force de copier le concept, c’est devenu un cliché.

Puis est arrivé Static Shock, un héros adolescent avec des pouvoirs électriques, créé par Milestone Comics en 1993. Static a ajouté une couche de profondeur en abordant des thématiques sociales comme le racisme et la violence urbaine. Mais là encore, son succès a renforcé l’idée que les super-héros noirs doivent avoir des pouvoirs liés à l’électricité.

Vous voulez encore un exemple ? Prenez Soul Power, un personnage inventé pour remplacer Black Lightning dans la série animée Static Shock (parce que DC ne voulait toujours pas payer Tony Isabella). Sérieusement, combien de fois peut-on recycler le même concept avant que ça devienne ridicule ?

Un stéréotype paresseux ou une stratégie inconsciente ?

« Surprise. Je suis un super-héros noir avec des pouvoirs électriques. Je sais. Je sais. » Volt dans Irredeemable #5 (2009)

Donner des pouvoirs électriques à des super-héros noirs pourrait sembler anodin. Après tout, c’est juste un pouvoir, non ? Mais quand on regarde l’ensemble, ça montre une tendance plus profonde : une vision limitée de ce que signifie être un héros noir. Les créateurs, souvent blancs, associent l’électricité à une forme de puissance brute et indomptée, une vision qui reflète des stéréotypes raciaux inconscients.

C’est comme si les héros noirs étaient cantonnés à un rôle : celui du personnage badass et imprévisible, mais rarement du stratège ou du leader charismatique. Et ça, c’est problématique. Pourquoi ne pas explorer d’autres types de pouvoirs ? Pourquoi ne pas créer des héros noirs qui incarnent autre chose qu’une force destructrice ?

Miles Morales et la réinvention du cliché

Miles Morales : Spider-Man (2022-) #1, par Cody Ziglar (Auteur), Dike Ruan (Couverture), Federico Vicentini (Artiste)

Heureusement, certains personnages ont réussi à transcender ce cliché. Prenez Miles Morales, la version moderne de Spider-Man. Oui, il a des pouvoirs électriques, mais ce n’est qu’un aspect de son personnage. Miles est aussi un adolescent intelligent, créatif, et profondément humain. Il montre que les super-héros noirs peuvent être bien plus que des machines à éclairs.

Mais pour chaque Miles Morales, il y a une dizaine de héros électrifiés sans profondeur. C’est là que réside le vrai problème : une industrie qui peine à sortir des sentiers battus, même quand elle prétend promouvoir la diversité.

Et maintenant, on fait quoi ?

“Le réveil du Ka” est le premier volet des aventures de Malkia, une héroïne au grand cœur !

La question n’est pas de bannir les super-héros noirs avec des pouvoirs électriques, mais de diversifier les représentations. Les héros noirs méritent des histoires variées, des pouvoirs variés, et surtout, des perspectives variées. L’électricité est cool, mais il est temps de passer à autre chose. Pourquoi pas un héros noir qui contrôle les rêves ? Ou qui manipule la gravité ? Les possibilités sont infinies.

En fin de compte, les comics sont un miroir de la société. Et si ce miroir continue de refléter les mêmes clichés, il est peut-être temps de le briser et de le reconstruire. Parce que si l’électricité peut illuminer une pièce, elle peut aussi alimenter un changement. Alors, à quand un héros noir qui électrise les esprits, et pas seulement ses ennemis ?

Bibliographie et références

  • Malkia : Une plongée dans l’Afrique mythique
    Les deux tomes de Malkia, publiés par Nofi Editions, explorent une Afrique fantastique mêlant mythes, héroïsme et aventures. Cette œuvre met en avant les récits afrodescendants dans un cadre contemporain et engageant. Disponible chez : Nofi Editions.
  • Black Lightning et l’héritage des comics
    Créé en 1977 par Tony Isabella, Black Lightning a joué un rôle essentiel dans la représentation des Afro-Américains dans les bandes dessinées, devenant un pionnier des super-héros noirs originaux chez DC Comics. Pour des archives et des détails supplémentaires, consultez : DC Comics Archives.
  • Static Shock et Milestone Comics
    Introduit en 1993 par Milestone Media, une filiale de DC Comics, Static Shock est devenu emblématique grâce à une série animée diffusée au début des années 2000, qui a popularisé ce héros adolescent et sa lutte contre les injustices sociales. Pour en savoir plus, voir : The Milestone Universe: A Revolution in Comics.
  • Raikage et Kumogakure dans Naruto
    Le village caché des Nuages (Kumogakure), issu du manga Naruto de Masashi Kishimoto, s’inspire de diverses cultures mondiales. Il met en avant des personnages noirs puissants, notamment les Raikage, maîtres de l’électricité. Pour des informations détaillées, voir : Masashi Kishimoto, Naruto Databook, Shueisha.
  • Mythologie africaine et l’électricité
    Dans les récits africains, des figures comme Shango (Yoruba) et Mwindo (mythologie congolaise) mettent en lumière l’association entre la foudre et le pouvoir. Ces récits enrichissent l’imaginaire mondial autour de l’électricité. Source : Carol Beckwith et Angela Fisher, African Myths and Legends.
  • Le rôle du copyright dans les comics
    L’histoire de Black Vulcan, créé pour contourner les royalties dues à Tony Isabella, reflète les enjeux économiques et juridiques qui ont influencé l’industrie des comics. Cette histoire est détaillée dans plusieurs interviews et analyses, notamment dans : Comic Book History of Black Superheroes, Smithsonian Editions.
  • Diversité dans les comics modernes
    Des personnages comme Miles Morales, dans Spider-Man, illustrent une évolution vers une représentation plus nuancée et variée des héros noirs, tout en maintenant une connexion avec les pouvoirs électriques. Pour une analyse approfondie, voir : Jeffrey A. Brown, Superheroes and Identity Politics.

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