L’Afrique joue un rôle croissant dans l’alliance des BRICS, groupe de pays émergents visant à remodeler les équilibres mondiaux. Grâce à ses ressources naturelles et ses perspectives de croissance, le continent pourrait bénéficier des infrastructures, du financement et de l’autonomie économique offerts par la coopération BRICS. Découvrez les enjeux et les défis pour l’Afrique dans cette nouvelle ère de collaboration internationale.
Introduction
Les BRICS – acronyme de Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – constituent un groupe de pays émergents, souvent perçu comme un contrepoids aux puissances occidentales et un modèle de coopération Sud-Sud. Avec l’ajout récent de nouveaux membres africains, notamment l’Égypte et l’Éthiopie, ainsi que l’invitation à d’autres États, les BRICS ouvrent une nouvelle page dans leur histoire. Le continent africain, avec ses ressources naturelles abondantes et une population croissante, pourrait devenir un acteur influent dans cette coalition, d’autant plus qu’il détient un potentiel de croissance inégalé.
I. Historique et contexte des BRICS
Le concept de BRIC a d’abord été développé en 2001 par l’économiste Jim O’Neill de Goldman Sachs pour désigner un groupe de pays dont le potentiel de croissance et l’importance géopolitique allaient façonner l’économie mondiale. En 2009, les quatre membres fondateurs – le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine – ont tenu leur premier sommet à Iekaterinbourg en Russie, pour coordonner leurs efforts face à la crise financière mondiale et envisager des réformes des institutions financières internationales. En 2010, l’Afrique du Sud a rejoint le groupe, offrant ainsi une première représentation africaine.
L’intégration de l’Afrique dans les BRICS marque une étape significative dans la politique de coopération Sud-Sud, avec un intérêt commun pour un monde multipolaire qui rééquilibre l’influence des institutions dominées par l’Occident.
II. Enjeux économiques et stratégiques pour l’Afrique
1. Investissements en infrastructures
Les pays membres des BRICS, en particulier la Chine, jouent un rôle clé dans le financement des infrastructures en Afrique. En effet, la Chine est le principal investisseur dans les infrastructures africaines, contribuant massivement au développement de routes, de chemins de fer et de ports. Ces investissements visent à intégrer davantage l’Afrique aux chaînes de valeur mondiales et à stimuler son développement économique.
2. Accès aux ressources naturelles
Avec sa vaste richesse en ressources naturelles, l’Afrique suscite l’intérêt des BRICS, notamment de la Chine et de l’Inde, qui voient en elle un partenaire stratégique pour l’approvisionnement en matières premières essentielles à leurs industries. Le pétrole, le gaz, les minéraux rares, et les terres arables africaines représentent des sources stratégiques pour soutenir leur croissance industrielle.
3. La banque de développement des BRICS
En 2015, les BRICS ont créé la New Development Bank (NDB), une institution financière multilatérale destinée à financer des projets d’infrastructures et de développement dans les pays membres. Cette banque constitue une alternative aux institutions financières internationales comme le FMI et la Banque mondiale, souvent critiquées pour leurs politiques conditionnelles. Grâce à la NDB, l’Afrique bénéficie d’une source de financement plus flexible pour ses projets de développement.
III. Défis et limitations pour l’Afrique dans les BRICS
1. Asymétrie de pouvoir
Malgré la présence de l’Afrique du Sud dans le groupe, l’Afrique reste minoritaire au sein des BRICS. Cette asymétrie limite son influence dans les décisions stratégiques, ce qui pourrait poser des problèmes à long terme si les priorités africaines ne sont pas suffisamment prises en compte.
2. Dépendance économique et risque d’endettement
Bien que les investissements des BRICS soient cruciaux pour le développement de l’Afrique, une dépendance excessive vis-à-vis de la Chine, par exemple, entraîne des risques d’endettement. Plusieurs pays africains se retrouvent déjà endettés vis-à-vis de la Chine, limitant ainsi leur autonomie économique et leur capacité à diversifier leurs partenaires.
3. Gouvernance et normes sociales
Les conditions de travail et les normes sociales associées à certains projets financés par les BRICS, en particulier par la Chine, sont souvent critiquées pour leur manque de transparence et les mauvaises conditions de travail dans les secteurs miniers et industriels. Cela soulève des questions sur la durabilité de ces partenariats et sur leur impact social.
IV. Opportunités et stratégies pour l’Afrique
1. Renforcement de la voix Africaine dans les forums internationaux
L’adhésion de l’Afrique aux BRICS renforce sa voix dans les institutions internationales et lui permet de plaider pour un ordre mondial plus équitable. En travaillant avec les autres membres des BRICS, l’Afrique peut promouvoir ses intérêts communs face aux grandes puissances occidentales.
2. Accélération de la transition écologique
La coopération avec les BRICS pourrait également soutenir la transition écologique en Afrique. Les investissements dans les énergies renouvelables, notamment avec l’aide de la Chine et du Brésil, ouvrent la voie à une diversification énergétique. En se positionnant comme partenaire dans la lutte contre le changement climatique, l’Afrique pourrait attirer davantage de financements verts.
3. Développement d’une monnaie commune ou d’un système de paiement alternatif
Les BRICS envisagent la création d’une monnaie commune ou d’un système de paiement alternatif au dollar américain. Cette démarche, qui permettrait de réduire la dépendance vis-à-vis des transactions en dollars, offre des perspectives intéressantes pour l’Afrique. Elle pourrait permettre aux pays africains de commercer plus librement avec leurs partenaires sans subir les fluctuations du dollar et les restrictions des sanctions économiques occidentales.
Conclusion
Le rôle de l’Afrique dans les BRICS ne cesse d’évoluer, apportant des opportunités économiques et stratégiques considérables tout en posant des défis importants. À mesure que les BRICS élargissent leur influence mondiale, l’Afrique, avec ses ressources naturelles et son potentiel démographique, est un atout stratégique dans la construction d’un ordre multipolaire. Les dirigeants africains devront cependant veiller à équilibrer ces relations afin de maximiser les bénéfices pour leur population et d’éviter une nouvelle forme de dépendance.
En définitive, l’avenir de l’Afrique au sein des BRICS dépendra de sa capacité à naviguer les intérêts divergents des membres tout en promouvant ses priorités propres. Si le continent parvient à renforcer sa position, les BRICS pourraient bien offrir une alternative durable aux modèles de développement traditionnels.
Notes et références
- O’Neill, J. (2001). « Building Better Global Economic BRICs ». Goldman Sachs.
- Cheru, F., & Obi, C. (2010). The Rise of China and India in Africa: Challenges, Opportunities and Critical Interventions. Zed Books.
- Lopes, C. (2019). Africa in Transformation: Economic Development in the Age of Doubt. Palgrave Macmillan.
- Bond, P. (2015). BRICS: An Anti-Capitalist Critique. Pluto Press.
- New Development Bank. (2023). « Annual Report ».
- Biziwick, M., Cattaneo, N., & Fryer, D. (2015). « The rationale for and potential role of the BRICS Contingent Reserve Arrangement ». South African Journal of International Affairs.
- Moyo, D. (2009). Dead Aid: Why Aid is Not Working and How There is a Better Way for Africa. Farrar, Straus and Giroux.
- Prashad, V. (2014). The Poorer Nations: A Possible History of the Global South. Verso.
- Stuenkel, O. (2020). The BRICS and the Future of Global Order. Lexington Books.
- Sharma, R. (2022). Emerging Markets and the Green Revolution. Global Policy Institute.
- Dagres, H. (2023). « China’s De-dollarization Message Finds a Receptive Audience in North Africa ». Atlantic Council.