Le 3 novembre est un jour témoin de l’histoire africaine et de sa diaspora, mêlant la résistance face à la domination coloniale, l’émergence de voix indépendantes, et les contributions artistiques marquantes. À travers des personnages comme Félix-Roland Moumié, héros anticolonial camerounais, et Brenda Fassie, icône de la musique africaine, explorons comment cette date a marqué le destin de l’Afrique et de sa diaspora.
Événements marquants
3 novembre 1960 : Assassinat de Félix-Roland Moumié, un symbole de la résistance camerounaise
Le 3 novembre 1960, Félix Moumié, figure emblématique de la résistance camerounaise, s’éteint à Genève dans des circonstances qui révèlent l’ombre de la répression coloniale française. Médecin de formation et dirigeant de l’Union des populations du Cameroun (UPC), Moumié devient une voix puissante dans le combat pour l’indépendance de son pays face à l’influence persistante de la France. Ce combat, pour lequel il a risqué sa vie à de nombreuses reprises, s’achève tragiquement dans les arcanes d’une opération soigneusement orchestrée par les services secrets français.
Félix Moumié est introduit dans les cercles anticolonialistes dès le milieu des années 1950. Après la mort de son prédécesseur, Ruben Um Nyobè, en 1958, Moumié devient la cible privilégiée de la France, décidée à maintenir le Cameroun dans son « pré carré » africain. Le 15 octobre 1960, dans le restaurant « Le Plat d’Argent » de Genève, un agent infiltré du SDECE, William Bechtel, alias « Claude Bonnet », parvient à introduire du thallium dans le pastis, puis dans le vin de Moumié, un poison inodore qui condamne irrémédiablement le leader.
Durant ses dernières heures à l’hôpital, Moumié soupçonne un empoisonnement, et ses cris désespérés laissent entrevoir l’horreur de sa fin. L’autopsie révélera les traces de thallium dans son organisme, déclenchant un mandat d’arrêt pour Bechtel. Néanmoins, la justice française, protectrice de ses agents, parviendra à empêcher tout procès, et Bechtel finira par obtenir un non-lieu en 1980.
La mort de Félix Moumié, à seulement 35 ans, marque un tournant dans la lutte pour l’indépendance du Cameroun et illustre la violence de la répression coloniale française. Aujourd’hui, il demeure un symbole fort pour de nombreux Camerounais, et son héritage continue d’inspirer les mouvements de libération et de justice sociale.
3 novembre 1978 : Indépendance de la Dominique
Le 3 novembre 1978, l’île de la Dominique accède à l’indépendance, quittant ainsi le giron britannique pour devenir la Commonwealth of Dominica. Cette jeune nation, bien que désormais souveraine, se retrouve rapidement confrontée aux épreuves héritées de siècles de sous-développement économique. En août 1979, l’ouragan David, avec des vents dévastateurs atteignant 240 km/h, frappe l’île de plein fouet. Les destructions sont immenses : 42 morts et 75 % des habitations détruites ou sévèrement endommagées.
L’indépendance n’a pas suffi à apaiser les tensions sociales. En 1979, un gouvernement intérimaire dirigé par Oliver Seraphin prend le pouvoir en réponse aux troubles. Lors des élections de 1980, la Dominica Freedom Party triomphe, et Eugenia Charles devient la première femme à diriger un État dans les Caraïbes. Durant son mandat, elle survit à deux coups d’État manqués et soutient, en tant que présidente de l’Organisation des États de la Caraïbe orientale, l’invasion américaine de la Grenade en 1983.
La Dominique fait face à d’autres défis naturels, notamment des ouragans, et son économie reste dépendante de l’exportation de la banane, ce qui fragilise sa croissance. En 2000, après la victoire du Parti travailliste dominicain, Rosie Douglas devient Premier ministre, apportant un souffle nouveau avec des idées progressistes. Mais Douglas décède brusquement en 2000, suivi de son successeur Pierre Charles en 2004, des pertes marquantes pour le pays.
En 2017, l’ouragan Maria frappe l’île, causant des destructions sans précédent. Malgré les dévastations, la Dominique continue de faire preuve de résilience. En 2019, le Parti travailliste, sous la direction de Roosevelt Skerrit, obtient un cinquième mandat consécutif, affirmant la confiance populaire en une stabilité politique dans l’adversité.
Figures emblématiques
Martin de Porrès, Saint et symbole de l’ascension des Afro-descendants dans la foi chrétienne
En 1579, Martin de Porrès naît à Lima, dans la vice-royauté du Pérou, d’un noble espagnol et d’une ancienne esclave noire panaméenne. Enfant métis dans une société marquée par la ségrégation raciale, il se distingue très jeune par sa profonde piété et sa compassion envers les plus démunis. Dès l’adolescence, il apprend le métier de barbier, qui, à l’époque, inclut aussi les fonctions de médecin et de chirurgien, et soigne gratuitement les malades pauvres de Lima.
À 16 ans, il rejoint les Dominicains, acceptant humblement les tâches les plus ingrates du monastère. Martin devient ainsi un symbole de charité, utilisant ses compétences pour soigner les pauvres et accomplir des miracles de guérison qui lui valent une grande réputation de sainteté. Avec douceur et humilité, il distribue nourriture et soins aux nécessiteux et montre une attention particulière pour les orphelins, fondant un refuge pour eux dans la ville.
Martin de Porrès n’est pas seulement un frère convers. Il incarne un idéal de service et de modestie qui transcende les frontières sociales et raciales de son temps. Mort le 3 novembre 1639, il est canonisé en 1962 et demeure une figure respectée, patron des causes antiracistes et de la justice sociale. Au-delà des siècles, Saint Martin de Porrès inspire aujourd’hui encore par sa vie de dévouement et sa compassion pour les plus vulnérables.
Brenda Fassie, la Madonne des townships
Née le 3 novembre 1964 dans le quartier de Langa, au Cap, Brenda Fassie, surnommée « MaBrrr », est une figure incontournable de la musique sud-africaine. Très jeune, elle développe un talent pour le chant, soutenue par sa mère pianiste. À seulement 16 ans, elle s’installe à Soweto, où elle rejoint le groupe Joy avant de fonder Brenda and The Big Dudes en 1983, rencontrant un succès immédiat.
Brenda Fassie est une artiste engagée. Ses chansons, telles que Weekend Special, Too Late for Mama et Vul’indlela, explorent la vie des townships et deviennent des hymnes de la jeunesse sud-africaine. Son album Memeza, porté par le succès de Vul’indlela, se hisse au sommet des ventes en 1998, marquant son triomphe dans le genre kwaito. Elle devient rapidement une icône pour les habitants des bidonvilles et est surnommée « La Madone des Bidonvilles » par Time Magazine en 2001.
Cependant, sa vie personnelle est marquée par des drames et des excès. Brenda Fassie lutte contre une addiction à la cocaïne, qui affecte sa carrière. Malgré ses déboires, elle conserve une popularité intacte et utilise sa voix pour défendre les opprimés, faisant régulièrement des visites dans les quartiers les plus défavorisés de Johannesbourg.
Le 9 mai 2004, elle décède des suites d’une crise d’asthme, aggravée par une surdose de cocaïne. Malgré une vie tourmentée, Brenda Fassie demeure une légende, incarnant la résilience et la passion des Sud-Africains. Son héritage musical, symbolisé par son surnom affectueux de « Reine du Pop africain », perdure, continuant d’inspirer les générations actuelles et futures.
Amédé Ardoin, précurseur de la musique créole en Louisiane
Amédé Ardoin voit le jour le 11 mars 1898 près de Basile, en Louisiane. Descendant de personnes à la fois libres et réduites en esclavage, il est exclusivement francophone, comme beaucoup dans la région acadienne. C’est dans cette atmosphère créole qu’il découvre l’accordéon, et avec des partenaires tels que Dennis McGee, il forge un style unique mêlant traditions européennes et rythmes africains. Sa voix aiguë et expressive et sa virtuosité sur l’accordéon marquent profondément la musique cajun et zydeco, influençant des générations de musiciens et artisans d’accordéons.
Ardoin surmonte de nombreuses épreuves pour s’imposer. Il enregistre ses premières chansons en 1929, brisant les frontières raciales dans le Sud ségrégationniste des États-Unis en jouant pour des publics métissés. Malgré sa popularité, il subit les affres du racisme : une violente attaque en 1939, suite à une interaction avec une femme blanche, laisse des séquelles physiques et mentales irréversibles. Admis dans un asile de Pineville en 1942, il y décède le 3 novembre de la même année, à seulement 44 ans.
Malgré une vie marquée par la souffrance, le legs musical d’Amédé Ardoin est inestimable. Ses 31 enregistrements sont devenus des classiques du répertoire cajun et créole, et son histoire, célébrée par une statue en Louisiane en 2018, incarne le combat pour la reconnaissance et la préservation des racines culturelles créoles et cajuns.
Jean-Bédel Bokassa : Une figure complexe de l’Afrique postcoloniale
Le 22 février 1921, Jean-Bédel Bokassa naît à Bobangui, en Afrique équatoriale française, dans une famille Mbaka. Orphelin très jeune après l’exécution de son père par l’administration coloniale et le suicide de sa mère, Bokassa est élevé par la mission catholique où il reçoit une éducation militaire française. Après avoir combattu dans les forces françaises libres pendant la Seconde Guerre mondiale et en Indochine, il rejoint en 1962 l’armée de la République centrafricaine, devenant rapidement le commandant en chef.
Le 1er janvier 1966, Bokassa renverse son cousin David Dacko par un coup d’État. Sa gouvernance, marquée par un culte de la personnalité, se radicalise lorsqu’il s’autoproclame empereur du nouvel Empire centrafricain le 4 décembre 1977, dans une cérémonie somptueuse inspirée de Napoléon et financée par la France. Ce régime impérial ne durera que trois ans, marqué par la répression violente, des accusations de cannibalisme, et des allégations de massacre d’étudiants.
En septembre 1979, la France intervient par l’opération Barracuda, renversant Bokassa. Exilé en France, il est finalement jugé en 1987 pour crimes contre l’humanité et condamné à mort, peine commuée en détention à vie. Libéré en 1993, Bokassa passe ses dernières années en Centrafrique avant de mourir le 3 novembre 1996. En 2010, il est réhabilité posthumément, devenant une figure controversée de l’histoire centrafricaine.
Sticky Fingaz : La voix rap de la lutte afro-américaine
Kirk Jones, plus connu sous le nom de Sticky Fingaz, voit le jour le 3 novembre 1973 à Brooklyn, New York. Dès son plus jeune âge, il est confronté aux défis de la rue et à des démêlés avec la justice, ce qui l’amène à être incarcéré à plusieurs reprises. Sa carrière musicale débute véritablement avec son cousin Fredro Starr, sous l’égide du légendaire Jam Master Jay. Ensemble, ils fondent le groupe Onyx en 1990, et leur premier album, Bacdafucup, sorti en 1993, rencontre un succès immédiat, en partie grâce à l’énergie brute et au style de voix agressif de Sticky Fingaz.
Après plusieurs albums avec Onyx, Sticky entame une carrière solo, marquée par la sortie en 2001 de Blacktrash: The Autobiography of Kirk Jones, un album-concept racontant sa vie fictive et ses péripéties criminelles. Cet album est bien accueilli et permet à Sticky de s’imposer comme un artiste solo. Il poursuit avec Decade: « …But Wait It Gets Worse » en 2003 et A Day in the Life: The Soundtrack en 2009.
Sticky Fingaz explore aussi le monde du cinéma et de la télévision. Il est notamment reconnu pour son interprétation de Blade dans la série télévisée éponyme, et pour son rôle dans le film Clockers de Spike Lee. Sa filmographie inclut des apparitions dans The Shield, Next Friday, et des rôles marquants dans le film Doing Hard Time.
Sticky Fingaz demeure une figure incontournable du rap hardcore, avec un parcours qui incarne la transition d’un style de vie tumultueux vers une reconnaissance artistique et cinématographique.
Sommaire
Sources :
- Njami, Simon, Félix Moumié, le poison du colonialisme, Paris, L’Harmattan, 2004.
- Péan, Pierre, La République des mallettes, Paris, Fayard, 2011.
- « Félix Moumié : L’homme qui voulait la liberté pour le Cameroun », Jeune Afrique, consulté le 3 novembre 2023.
- Hubbard, Vincent, A History of Dominica, Macmillan Caribbean, 2001.
- Jones, Marie-Hélène, From Colonialism to Nationhood: The Postcolonial Transition of the Caribbean, Routledge, 2003.
- Ancelet, Barry Jean, Cajun and Creole Music Makers: Musiciens cadiens et créoles, University Press of Mississippi, 1999.
- Tisserand, Michael, The Kingdom of Zydeco, Arcade Publishing, 1998.
- Boonzaier, Emile, Brenda Fassie: The Madonna of South Africa, David Philip Publishers, 2005.
- Iken, Emma, « Brenda Fassie : A Voice of the South African People », Time Magazine, 2001.
- Mado, Sylvia, Jean-Bédel Bokassa : Empereur malgré lui, Paris, Le Seuil, 2017.
- Titley, Brian, Dark Age: The Political Odyssey of Emperor Bokassa, MQUP, 1997.
- Tucker, Sheila, The History of Creole and Cajun Music, Louisiana Folklife, 2015.