Beyoncé redonne vie à l’histoire oubliée du Chevalier de Saint-George, un génie guadeloupéen du XVIIIe siècle, dans son dernier album Cowboy Carter. Quand la musique country rencontre les racines afro-descendantes, ça donne un hommage puissant et inspirant.
Quand Beyoncé fait un move, ça ne passe jamais inaperçu. Après avoir retourné l’industrie musicale avec Renaissance en 2022, elle revient en force en mars dernier avec Cowboy Carter, un album qui mêle country, héritage afro-américain et références historiques. Et dans la tracklist, il y a un morceau qui attire particulièrement l’attention : « Daughter« . Non seulement parce qu’il sort des codes habituels du genre, mais surtout parce qu’il contient un sample d’un compositeur guadeloupéen du XVIIIe siècle, Joseph Bologne de Saint-George, aussi connu sous le nom de Chevalier de Saint-George. Oui, Queen B a encore frappé.
Quand la Country rencontre l’histoire oubliée des pionniers Noirs
On ne s’attendait pas à ça, mais c’est exactement ce qui fait la magie de Beyoncé. Pour cette onzième piste de Cowboy Carter, elle a été puiser dans l’œuvre de Joseph Bologne de Saint-George, musicien, violoniste, et maître d’escrime guadeloupéen, fils d’une captive africaine et d’un nobliau français. Né en 1745 près de Basse-Terre, ce prodige est devenu l’un des compositeurs les plus influents de son temps en France. Son histoire est méconnue, mais pas pour longtemps.
Joseph Bologne de Saint-George, aka le Chevalier de Saint-George, c’est l’histoire d’un gosse né esclave en Guadeloupe, qui débarque en France et pète les scores, que ce soit à l’escrime ou au violon. Un talent brut qui ne met pas longtemps à exploser à Paris, où il devient une star des salons et des concerts. Il dirige le Concert des Amateurs, joue pour Marie-Antoinette, et compose des œuvres qui cartonnent, malgré un plafond de verre raciste qui l’empêche de prendre pleinement la lumière. Et pourtant, ce mec-là aurait dû être une légende, si ce n’était pas pour les limites imposées par son époque.
Saint-George, c’était aussi un combattant. En plein tourbillon révolutionnaire, il forme une unité militaire d’Afro-descendants pour défendre la République. Il traîne avec le prince de Galles, voyage à travers l’Europe, et reste une figure centrale, mais toujours confronté aux préjugés qui finissent par l’emporter. Pourtant, son histoire ne tombe pas dans l’oubli grâce à des artistes comme Beyoncé qui utilisent leur plateforme pour réparer les oublis de l’histoire. Dans une interview avec GQ US, Beyoncé explique pourquoi elle a samplé Saint-George dans « Daughter » :
« C’était si important pour moi. C’est un hommage à la vision du Chevalier de Saint-George. J’espère que cela incitera les artistes, ainsi que les fans, à approfondir leurs connaissances sur les pionniers noirs de la musique, qui sont passés avant nous. »
Le message est clair : il est temps de redonner aux artistes noirs leur place dans l’histoire musicale.
En redonnant vie à son œuvre dans son album Cowboy Carter, Beyoncé fait plus que de la musique : elle engage une conversation, une réécriture de l’histoire. Elle rappelle que les pionniers noirs, comme Saint-George, ont posé les bases de bien des sons qu’on adore aujourd’hui, et que leur contribution mérite d’être reconnue et célébrée. Parce qu’au final, c’est ça aussi le pouvoir de la musique : reconnecter le présent avec un passé qui ne demande qu’à être révélé.
« Daughter » ou quand le classique rencontre le moderne
Là où Beyoncé sort vraiment du lot, c’est dans sa capacité à mêler passé et présent. « Daughter » commence comme un morceau country classique, puis évolue vers une fusion audacieuse de sonorités modernes et classiques. À la fin du morceau, les cordes qui prennent le relais proviennent directement du Concerto pour violon en ré majeur, opus 3, N°1: Adagio du Chevalier de Saint-George. Un clin d’œil subtil mais puissant à un génie oublié.
Le sampling, c’est un art. Et dans ce cas précis, c’est aussi un acte de réappropriation culturelle. Beyoncé ne se contente pas de revisiter un genre comme la country, elle y ajoute une dimension éducative, en nous poussant à creuser plus loin, à découvrir ces figures historiques effacées par le récit dominant. Le but ? Remettre les pendules à l’heure.
Une trilogie musicale pour célébrer les racines afro-américaines
Cowboy Carter n’est que le deuxième chapitre d’une trilogie que Beyoncé a débutée avec Renaissance. Avec cette série d’albums, elle s’attaque à plusieurs genres musicaux qui, au fil du temps, se sont vus déconnectés de leurs racines noires. Après la house et la country, les fans attendent avec impatience le dernier volet de cette trilogie. Et si on se fie à ce qu’elle nous a déjà offert, ce sera encore une claque.
Pour Beyoncé, ce n’est pas juste de la musique. C’est une mission. Une manière de dire au monde que l’histoire doit être réécrite, que les contributions des Noirs doivent être reconnues et célébrées. Elle le fait avec style, avec créativité, et avec cette puissance qui la rend incontournable. « Certains des artistes les plus talentueux n’accèdent jamais aux louanges du grand public, surtout lorsqu’ils défient la norme, » déclare-t-elle. Et à travers cette trilogie, elle cherche à inverser la tendance.
Un acte de résistance et de réécriture culturelle
On le sait, Beyoncé est bien plus qu’une chanteuse. Elle est une conteuse d’histoires, une activiste, et une icône culturelle. Cowboy Carter est une preuve de plus de sa volonté de se réapproprier l’histoire, de briser les codes et de célébrer la diversité sous toutes ses formes. C’est un rappel que la culture noire a toujours été et sera toujours au centre de la création artistique.
Alors, que peut-on attendre de Queen B pour la suite ? Si cette trilogie nous a appris quelque chose, c’est de ne jamais sous-estimer sa capacité à surprendre et à éduquer. En attendant, plongez dans Cowboy Carter et laissez-vous emporter par cette fusion unique de country et d’histoire oubliée. Parce que, comme toujours, Beyoncé ne fait rien par hasard.