Différentes populations noires, des Beta Israel/Falasha d’Ethiopie aux Igbo du Nigéria en passant par les Black Hebrew Israélites aux Etats-Unis se considèrent aujourd’hui comme des descendants des premiers Israélites. Les Lemba d’Afrique australe apparaissent comme différents dans cet ensemble, puisque leur rapport au Judaïsme semble avant tout légitimé par des études génétiques et d’anthropologie culturelle exercées par des chercheurs étrangers.
Un peuple à part en Afrique australe
Les Lembas, également connus sous divers noms tels que ‘Varemba’ au Zimbabwe (signifiant ‘ceux qui refusent’), Basoni (un terme de salutation utilisé par les femmes lemba), Mushavi (‘commerçants’), Vamwenye (‘les étrangers, peuples de la lumière’) et Vhalungu (‘blancs’), constituent un groupe ethnique comptant environ 50 000 membres en 2002. Ils sont principalement situés dans le nord-est de l’Afrique du Sud, notamment dans les régions du Sekhukhuneland et du Venda, ainsi qu’au sud du Zimbabwe.
Les Lembas parlent les langues des populations environnantes, telles que le venda, le sotho ou le shona, mais ils se distinguent par leur culture et leurs traditions uniques. Leur histoire et leur identité ont suscité l’intérêt de nombreux chercheurs en raison de leurs coutumes et pratiques religieuses particulières, qui semblent les distinguer des autres groupes africains.
En 1728, un Noir local du nom de Mahumane a décrit les Lembas comme un peuple ‘séparé’ et ‘de commerçants’. Cette distinction culturelle et commerciale a perduré au fil des siècles. En 1854, les Lembas ont été décrits comme des musulmans par des colons boers, probablement en raison de certaines de leurs pratiques religieuses et alimentaires similaires à celles de l’Islam.
En 1937, un chercheur boer nommé van Warmelo a suspecté une origine sémite pour les Lembas en raison de leurs coutumes et pratiques religieuses. Cette hypothèse a été renforcée par des observations ultérieures de chercheurs et par les propres revendications des Lembas. Aujourd’hui, les Lembas se définissent majoritairement comme des pratiquants de la religion israélite, affirmant être des descendants de Juifs du Yémen.
Les Lembas prétendent être originaires d’une ville appelée Sena, d’où l’un de leurs noms, Basena, signifiant ‘ceux de Sena’. Selon leur tradition orale, leurs ancêtres juifs auraient migré du Yémen vers l’Afrique, accompagnés d’Arabes, dans un but commercial après l’an 600 après J.-C. Cette migration aurait conduit à l’établissement des Lembas en Afrique australe, où ils auraient maintenu certaines pratiques religieuses et culturelles distinctives.
Les traditions des Lembas incluent la pratique de la circoncision, l’interdiction de consommer du porc, la consommation de viande uniquement si elle est abattue rituellement, et l’endogamie (se marier entre eux). Bien que ces pratiques puissent également être attribuées à l’Islam, les Lembas se distinguent par leur affirmation d’une origine juive et leur identification actuelle avec la religion israélite.
Les revendications des Lembas concernant leurs origines juives ont été soutenues par des études scientifiques et anthropologiques. Des recherches génétiques ont mis en évidence des marqueurs communs entre les Lembas et les populations juives du Moyen-Orient, suggérant une possible descendance commune. Ces études ont renforcé l’idée que les Lembas pourraient être des descendants de Juifs du Yémen, établis en Afrique australe depuis des siècles.
En résumé, les Lembas sont un groupe ethnique distinct avec des traditions culturelles et religieuses uniques, affirmant des origines juives et étant reconnus par des recherches scientifiques comme ayant des liens possibles avec des populations sémitiques. Leur histoire fascinante continue d’attirer l’intérêt des chercheurs et des historiens, contribuant à une meilleure compréhension des migrations et des interactions culturelles en Afrique australe.
Les coutumes et traditions des Lembas
Les Lembas ont suscité l’intérêt des chercheurs en raison de leurs pratiques culturelles et religieuses uniques, qui montrent des similitudes frappantes avec les traditions des populations de langue sémitique. Depuis le XIXe siècle, plusieurs traits culturels ont été observés parmi les Lembas, rapprochant leur mode de vie de celui des Juifs et des Musulmans.
Circoncision : La pratique de la circoncision chez les Lembas est l’un des traits les plus notables qui les rapproche des traditions sémitiques. La circoncision est une pratique courante chez les Juifs et les Musulmans, et son introduction par les Lembas dans la région renforce l’idée d’une influence extérieure sémitique.
Interdiction de manger du porc : Comme dans le Judaïsme et l’Islam, les Lembas interdisent la consommation de porc. Cette interdiction alimentaire stricte est un autre élément culturel significatif qui les distingue des populations environnantes et suggère une origine commune avec les peuples sémitiques.
Abattage rituel : Les Lembas consomment de la viande uniquement si elle provient d’animaux abattus rituellement, une pratique similaire à la shehita juive et au dhabihah musulman. Cela souligne encore une fois leur adhésion à des règles alimentaires strictes qui sont caractéristiques des religions sémitiques.
Endogamie : Les Lembas pratiquent l’endogamie, c’est-à-dire qu’ils se marient principalement entre eux. Cette pratique de se marier au sein de leur propre communauté est courante chez les populations juives et musulmanes, renforçant l’idée d’une identité distincte et préservée au fil des générations.
Bien que les pratiques des Lembas montrent des similitudes avec celles du Judaïsme et de l’Islam, les premières études n’ont pas trouvé de preuves de textes religieux traditionnels, comme la Torah ou le Coran, ni d’observances spécifiques comme le Ramadan. Cette absence de textes religieux écrits ou oraux a initialement rendu difficile l’affirmation d’une identité religieuse précise.
Au fil du temps, la majorité des Lembas se sont convertis au christianisme, ce qui a influencé leurs pratiques religieuses et culturelles. Cependant, malgré cette conversion, les Lembas continuent de se définir comme des descendants d’hommes juifs du Yémen. Selon leur tradition orale, leurs ancêtres juifs auraient migré par bateau vers l’Afrique avec des Arabes après 600 après J.-C. pour des raisons commerciales.
Il existe des preuves historiques d’une communauté juive dans la ville de Sa’na au Yémen, qui pourrait être liée à la ville de Sena, dont les Lembas se disent originaires. Cette migration aurait amené les ancêtres des Lembas à s’installer en Afrique australe, où ils ont maintenu certaines pratiques religieuses et culturelles distinctives.
Les études anthropologiques et ethnographiques menées depuis le XIXe siècle ont fourni des éléments de preuve supplémentaires sur les origines sémitiques des Lembas. Les chercheurs ont documenté des récits oraux, des pratiques culturelles et des coutumes qui renforcent l’idée d’une migration ancienne et d’une préservation des traditions religieuses au fil des générations.
Les Lembas sont ainsi un exemple fascinant de la manière dont des groupes peuvent préserver des éléments de leur identité culturelle et religieuse malgré les migrations, les conversions religieuses et les influences externes. Leurs pratiques uniques et leur revendication d’une origine juive continuent de susciter l’intérêt des chercheurs et de contribuer à une meilleure compréhension des interactions culturelles et religieuses en Afrique australe.
Les Lembas et leur lien avec les anciens Israélites
Les études génétiques ont joué un rôle crucial dans l’exploration des origines des Lembas et ont apporté des preuves significatives pour soutenir l’idée de leur descendance juive. Voici un examen approfondi des découvertes scientifiques qui ont renforcé cette hypothèse.
Étude de Spurdle et Jenkins (1992)
En 1992, une étude pionnière menée par Spurdle et Jenkins a révélé la présence de marqueurs génétiques communs entre les Lembas et les populations du Moyen-Orient. Ces marqueurs spécifiques sont fréquemment trouvés chez les hommes du Moyen-Orient, ce qui suggère que les ancêtres des Lembas pourraient avoir migré du Yémen vers l’Afrique australe. Cette découverte est cohérente avec la tradition orale des Lembas, qui affirme que leurs ancêtres sont venus du Yémen en Afrique pour des raisons commerciales, puis se sont mariés avec des femmes locales.
Étude de Thomas et al. (2000)
Une étude plus approfondie publiée en 2000 par Thomas et ses collègues a fourni des preuves encore plus convaincantes de l’origine juive des Lembas. Selon l’Ancien Testament, Aaron, frère aîné de Moïse, a été le premier grand prêtre (Kohen Gadol) des Israélites, et cette fonction a été transmise de père en fils à travers les générations.
En 1997, Shorecki avait déjà découvert qu’une grande proportion de Juifs modernes possédant la fonction héréditaire de Kohen partageaient un marqueur génétique commun, connu sous le nom de Cohen Modal Haplotype. Ce marqueur indique une descendance à partir d’un seul ancêtre masculin, supposément Aaron.
Thomas et ses collègues ont étendu cette analyse aux Lembas, en se concentrant particulièrement sur leur classe de prêtres appelée Buba, dont la fonction est également transmise de père en fils. Les résultats ont montré que 53,8 % des membres de la classe Buba possédaient le Cohen Modal Haplotype, contre seulement 8 % dans le reste de la population lemba. En comparaison, ce marqueur est présent chez 45 % des Juifs ashkénazes (d’origine est-européenne) et 56 % des Juifs sépharades (d’origine espagnole, portugaise et du monde arabe) appartenant à la classe des Kohen, contre seulement 3 à 5 % chez les Juifs sépharades et ashkénazes non appartenant à cette classe.
Ces résultats sont significatifs car ils indiquent une forte probabilité que les Lembas, et en particulier leur classe de prêtres Buba, aient des ancêtres communs avec les premiers Israélites. Si le Cohen Modal Haplotype est effectivement un marqueur authentique de l’ascendance des premiers Israélites, alors les Lembas en seraient des descendants légitimes.
Ces découvertes génétiques renforcent l’idée que les Lembas possèdent un héritage juif, soutenu par des traditions orales et des pratiques culturelles spécifiques. Elles fournissent également une validation scientifique à leurs revendications d’une origine juive, reliant ainsi les Lembas aux communautés juives historiques du Moyen-Orient.
Références
The Lemba : a lost tribe of Israel in Southern Africa / Magdel Le Roux
Tudor Parfitt, Journey to the vanished city: the search for a lost tribe of Israël, St. Martin’s Press, New York, 1993, 278 p.