Connu pour sa résistance face au colonialisme portugais, Vita Nkanga est une figure emblématique de la lutte pour la souveraineté et l’unité du Kongo, marquée par la bataille de Mbuila en 1665 et son martyre.
Les origines de Vita Nkanga
Kongo dia Ntotela (kintotila kya Kongo) connu sous le nom de “royaume de Kongo” est l’un des anciens Etats africains les plus connus. Ses souverains se nomment les ntotila (ou ntotela), et portent aussi le titre de Mwene Kongo (seigneur de Kongo). Si Affonso 1er Nzinga Mvemba est connu pour sa conversion au catholicisme ainsi que sa politique de modernisation du royaume, Antonio 1er Vita Nkanga est lui connu dans la mémoire collective pour être le martyr de la cause Kongo face au colonialisme portugais.
Probablement né aux alentours de 1636 à Mbanza-Kongo (capitale de Mbanza Kongo), Vita Nkanga est le fils de Garcia (Galasiya) II Nkanga a Lukeni, roi de Kongo de 1641 à 1661. Il appartient à la maison royale Ki-Nlaza, nouvelle dynastie Kongo inaugurée par son oncle Alvare VI puis son père Garcia II Nkanga A Lukeni.
Il grandit donc en tant que prince royal. En 1655, Vita Nkanga, connu aussi sous le nom de Dom Antonio, obtient sa première fonction politique en tant que Mwene Mpangu (gouverneur de la province de Mpangu). Il s’y distingue en combattant les “Jagas”, des mercenaires africains razziant les campagnes à la recherche de butin et capturant les personnes pour les revendre en tant qu’esclaves aux Portugais installés à Luanda.
Se rapprochant de son père au fil des ans, il est préféré à son frère aîné Affonso, jugé trop proche des missionnaires catholiques capucins, par son père mais aussi par le reste du Lumbu (le conseil royal désignant et consacrant les ntotila).
Vita Nkanga, un roi intransigeant et rusé face à la convoitise portugaise
En 1661, Garcia II Nkanga A Lukeni meurt, probablement empoisonné. Conformément à sa volonté et à celle du Lumbu, Vita Nkanga est intronisé ntotila sous le nom d’Antonio 1er. En tant que membre de la maison Ki-Nlaza, il est aussi surnommé “Mani Nlaza” (Mwene Nlaza).
Vita Nkanga en tant que souverain se marque par sa défiance envers l’Eglise catholique, son intransigeance pour la traitrise. Il tue son frère le soupçonnant d’avoir empoisonné son père, sa première épouse et son amant.
Épaulé par les prêtres catholiques Kongo ainsi que les nganga (prêtre traditionnel kongo), Vita Nkanga affirme la pleine souveraineté Kongo face à la colonie portugaise de Luanda, critiquant les traités de paix signés entre Kongo et la colonie portugais de Luanda.
Ces traités font suite au soutien de Garcia II Nkanga A Lukeni aux Provinces Unies (la Hollande actuelle) attaquant les Portugais à Luanda entre 1641 et 1648. Or Luanda réclamait en dédommagement des cession territoriales ainsi que l’accès et le contrôle des mines de cuivre de Kongo. Ce que Garcia II Nkanga A Lukeni a toujours refusé.
Vita Nkanga poursuit ce combat, voulant préserver l’intégrité territoriale de Kongo ainsi que la souveraineté de Kongo sur les mines.
Le gouverneur de Luanda, André Vidal de Negreiros, cherche lui à la fois à contrôler les mines Kongo et de mener une guerre contre Kongo, permettant d’avoir des esclaves. Possédant des plantations au Brésil, les guerres menées en Angola et au Kongo lui bénéficient personnellement.
Face à ces prétentions, Vita Nkanga répond fièrement en 1664 que ”Ces mines n’existent pas et même si elles existaient, il ne les devait à personne”.
En parallèle, il essaie de convaincre le Vatican de jouer l’arbitre afin de dissuader le gouverneur de Luanda d’une attaque contre Kongo.
Cette action diplomatique lui permet de gagner du temps car Vita Nkanga cherche à réunifier Kongo, divisé par des conflits internes. En 1663, la mort de l’alliée et rivale de son père, Ana Njinga Mbandi, reine de Ndongo et de Matamba, rabat les cartes. Certains de ses territoires reviennent à Kongo mais la colonie portugaise de Luanda cherche aussi à s’en emparer.
André Vidal de Negreiros cherche alors à soudoyer les élites locales, garantissant d’en faire des vassaux. Isabel Ne Mbuila et Affonso Ne Wandu veulent se placer sous sa protection afin de ne pas perdre leurs positions, Vita Nkanga voulant les destituer. Isabel Ne Mbuila promet même d’indiquer au gouverneur de Luanda l’emplacement des mines de Kongo. Le casus belli est tout trouvé.
La bataille de Mbuila du 29 octobre 1665
Face à cette menace, Vita Nkanga rassemble ses forces. Il s’allie avec le Mâ Loango, bien que Loango soit indépendant depuis plus de 100 ans, de contacter l’Espagne, afin de jouer entre la rivalité entre le Portugal et l’Espagne, le chargeant d’envoyer une ambassade à ce dessein.
Il convoque l’ensemble des mwene (gouverneurs des provinces) et fait ce qu’il convient un appel à la mobilisation générale le 13 juillet 1665 )”pour partir défendre nos terres, propriétés, enfants et femmes, nos propres vies et nos libertés, dont la nation portugaise veut s’emparer pour les dominer”.
Suite à cet appel, Vita Nkanga prépare une offensive non seulement contre Isabel Ne Mbuila et Affonso Ne Wandu, mais également contre la colonie portugaise d’Angola et Luanda. C’est alors la première fois qu’un roi Kongo, qu’un souverain africain organise une offensive contre les Portugais. Ana Njinga Mbandi n’avait mené qu’une guerre défensive territoriale contre les Portugais et son cousin Felipe Ngola Hari.
L’armée Kongo rassemblée est menée par Vita Nkanga en personne, accompagné par plusieurs mwene. Composée de plusieurs dizaines de milliers de de guerriers, elle se dirige à Ulanga dans le district de Mbuila (en Angola actuel, dans la province de Uige). Luanda a dépéché le capitaine Luis Lopes de Sequiera, accompagné d’un contingent de mousquetaires portugais ainsi que de troupes mercenaires africains “Jagas”, afin d’accueillir l’armée royale Kongo (kilombo kia Kongo).
Bénéficiant de pièces d’artillerie et en hauteur, l’armée de Luanda bénéficie d’un avantage tactique. Mais l’armée de Vita Nkanga est supérieure en nombre. Menant avec fourgue et rage son armée, après la mort de deux de ses lieutenants, Vita Nkanga lance l’assaut voulant lui même tuer Luis Lopes de Sequeira. L’armement est similaire des deux côtés : mousquets, arcs, épées et haches.
Vita Nkanga est décrit comme “égal à un grand capitaine , l’homme le plus courageux à travers les âges, il marchait avant tout avec une machette (épée)”.
Mais l’artillerie lourde portugais le cible en priorité. L’isolant lui et ses hommes, elle fait feu constamment sur lui. Assommé par les coups de canons, Vita Nkanga meurt, entouré par son aumonier l’abbé Lubeladio, décapité par un mercenaire “Jaga”. Sa mort désorganise l’armée et sonne la défaite de Kongo.
A la suite de cette bataille, où une grande partie de la noblesse Kongo est morte, plusieurs candidats au trône se déclarent. Il s’en suit une guerre civile entre les maisons royales Kongo, divisant le royaume et vidant Mbanza-Kongo de sa population. Face à cette crise, Antonio 1er incarne la défense de la souveraineté Kongo et la lutte pour son unité. Héros du royaume et du peuple Kongo, c’est son esprit qui aurait inspiré quarante années plus tard à Ndona Beatriz Nsimba Kimpa Vita de prêcher la réunification de Kongo et le départ des missionnaires catholiques.
Conclusion
Si son règne est bref, il est riche en événements et emblématique de la lutte du royaume Kongo (Kongo dya Ntotila/Kongo dya Ntotela) contre le colonialisme. Figure martyr de la bataille de Mbuila, l’une des plus grandes batailles de l’Afrique Centrale avant la colonisation, Vita Nkanga est un des rois Kongo dont la mémoire est célébrée jusqu’à nos jours. Sa tête est enterrée à Luanda dans l’Eglise Notre Dame de Nazareth.