Les révoltes d’esclaves à bord des navires négriers

Découvrez l’histoire fascinante des révoltes d’esclaves à bord des navires négriers. Bien avant l’abolition de l’esclavage, de nombreux captifs se sont soulevés pour réclamer leur liberté, marquant l’histoire de leurs actes de bravoure.

Courage et résistance en haute mer

Souvent, on commémore l’abolition de l’esclavage par la France en 1848 grâce à l’initiative de Victor Schoelcher. Cependant, il ne faut pas oublier que l’esclavage colonial a perduré bien après cette date. Plus important encore, ce sont les esclaves eux-mêmes qui se sont révoltés pour obtenir leur liberté.

Ces révoltes, marquées par leur courage et leur détermination, ont joué un rôle crucial dans la lutte contre l’oppression et ont souvent été le catalyseur des changements historiques menant à l’abolition définitive de l’esclavage.

Exemples de révoltes d’esclaves dans les colonies

Les révoltes d'esclaves à bord des navires négriers
La Bataille de Saint-Domingue, huile sur toile de Janvier Suchodolski, 1845, Musée de l’Armée polonaise, Varsovie.

Des révoltes éclatèrent en Guadeloupe (1656, 1710, 1730, 1752, 1802), en Guyane (1733), en Martinique (1678, 1699, 1748, 1752, 1822, 1833), à Saint-Domingue (1791), et à Cuba (1810). Ces soulèvements secouèrent les colonies esclavagistes, obligeant les métropoles à envisager l’abolition de l’esclavage par crainte d’une répétition des événements de Saint-Domingue, où l’insurrection de 1791 conduisit à la proclamation de la première république noire indépendante, Haïti, en 1804, après une longue guerre.

Conditions inhumaines à bord des navires négriers

Les révoltes d'esclaves à bord des navires négriers
« Negres a fond de calle » (« Navio negreiro ») de Johann Moritz Rugendas (vers 1830).

Les captifs étaient entassés dans des cales exiguës, souvent enchaînés, et souffraient de malnutrition et de maladies. Les voyages étaient marqués par une mortalité élevée due aux conditions insalubres et à la brutalité des équipages.

Description des navires négriers

Les révoltes d'esclaves à bord des navires négriers
Schéma d’un navire négrier, le Veloz, pouvant contenir 550 captifs (1831).

Les navires négriers étaient conçus pour maximiser la capacité de transport des esclaves, souvent au détriment des conditions de vie des captifs. Les cales étaient aménagées pour entasser le plus grand nombre de personnes possible, dans des espaces si restreints qu’ils ne pouvaient ni se tenir debout ni se coucher confortablement. Les captifs étaient enchaînés par paires, ce qui limitait encore davantage leurs mouvements et exacerbait les souffrances physiques et psychologiques.

Révoltes réussies

Quelques insurrections furent couronnées de succès, démontrant la détermination et le courage des esclaves :

  • Le Misericordia (1532) : En 1532, 109 esclaves prirent le contrôle du Misericordia, un navire portugais. De l’équipage, il ne resta que trois rescapés, qui réussirent à s’enfuir. On n’entendit plus jamais parler du navire.
  • Navire espagnol (1650) : En 1650, un navire espagnol sombra au large du cap de San Francisco. Les Espagnols survivants furent tués par les captifs africains.
  • La Galère Mary (1742) : En 1742, les prisonniers de la galère Mary se soulevèrent. Seuls le capitaine et son second en réchappèrent.
  • Le Marlborough (1752) : En 1752, les esclaves du Marlborough se révoltèrent. On n’entendit plus jamais parler d’eux.
  • Le Willingmind (1751) : En 1751, au moment de son départ, le Willingmind, battant pavillon britannique, qui était au mouillage sur un fleuve de Sierra Leone, fut pris et incendié par les captifs qui regagnèrent les côtes.
  • L’Industry (1767) : Après quatre jours de navigation, les déportés du navire britannique L’Industry, destinés à être vendus en Caroline, massacrèrent l’équipage, prirent le bâtiment et remirent le cap sur l’Afrique. Ils réussirent à échouer le bateau et à regagner le rivage de Sierra Leone.
  • Le Nancy de Liverpool (1769) : Alertés par les coups de feu tirés à bord du Nancy de Liverpool, qui venait de lever l’ancre, signal de la révolte, des Africains de New Calabar (Nigeria) partirent en pirogue porter secours aux déportés. La lutte fut victorieuse et les déportés regagnèrent le continent.
  • L’Ave Maria (1770) : L’Ave Maria, en partance pour la Guadeloupe, fut pris d’assaut par des Africains du littoral qui libérèrent les captifs et épargnèrent la vie de l’équipage.
  • Le Nécessaire (1771) : Le Nécessaire de La Rochelle fut pris par les 52 déportés qu’il transportait. Après avoir vaincu l’équipage, ils se libérèrent et mirent le cap sur l’archipel des Bijagos où ils échouèrent le bâtiment, à l’embouchure du Rio Geba (Guinée-Bissau).
  • La Vigilantie (1780) : Les côtes de Guyane étant en vue, 200 déportés prirent le contrôle du bateau hollandais La Vigilantie, tuèrent les marins et gagnèrent le rivage à la nage avant de se fondre dans la nature.
  • La Amistad (1839) : En 1839, La Amistad, navire espagnol transportant des esclaves africains venus de Sierra Leone, fut pris dans une violente tempête au large de Cuba. Une cinquantaine de prisonniers réussirent à se libérer de leurs chaînes et se retournèrent contre leurs bourreaux, qu’ils massacrèrent. Cinqué, leur meneur âgé de 25 ans seulement, obligea le capitaine qu’ils avaient épargné à les ramener vers l’Afrique. Mais celui-ci, profitant de leur ignorance, mit le cap sur les États-Unis, vers New York. Deux mois plus tard, le bateau atteignit les côtes américaines et fut arraisonné par la marine américaine. Les Africains furent emprisonnés en attente de leur procès pour meurtre. L’affaire fit grand bruit dans les médias de l’époque, cristallisant les divisions de la jeune nation entre les États anti-esclavagistes au Nord et les États pro-esclavagistes au Sud. Alors que les armateurs espagnols du navire déposèrent un recours en justice pour récupérer leur « cargaison », un avocat abolitionniste de la ville demanda que soit reconnu le statut de réfugiés pour ces naufragés, et contesta l’affirmation que ces personnes soient de la marchandise. Finalement, considérant qu’il était illégal de transporter des esclaves sur le sol américain depuis l’Afrique et que les Africains avaient agi en état de légitime défense, le juge déclara finalement les accusés non coupables et autorisés à retourner en Afrique. Trente-cinq des survivants retournèrent finalement en Sierra Leone trois ans plus tard.

Conséquences et impact des révoltes

Les révoltes d'esclaves à bord des navires négriers
La révolte des nègres. Estampe parue dans Deux prix de vertu d’Edouard de Lalaing, éditions Alfred Mame et Fils, Tours, 1898.

Ces insurrections inspirèrent peur et respect, démontrant la détermination des esclaves à lutter pour leur liberté. Elles contribuèrent à la pression sur les métropoles pour abolir l’esclavage, illustrant l’inéluctabilité de la résistance. La crainte de révoltes similaires et le succès des insurrections influencèrent grandement la décision des puissances coloniales d’abolir l’esclavage.

Les révoltes d’esclaves, bien que souvent brutalement réprimées, jouèrent un rôle crucial dans la prise de conscience des injustices de l’esclavage. Elles montrèrent que les esclaves n’étaient pas de simples victimes passives, mais des acteurs déterminés de leur propre libération. Leur courage et leur lutte pour la liberté sont des témoignages puissants de la résilience humaine face à l’oppression.

Conclusion

Les révoltes d’esclaves à bord des navires négriers sont des exemples poignants de résistance et de courage face à des conditions inhumaines. Ces événements ont non seulement marqué l’histoire, mais ont également joué un rôle crucial dans le processus de l’abolition de l’esclavage. En comprenant ces révoltes, nous rendons hommage à ceux qui ont bravé l’oppression pour réclamer leur liberté et nous reconnaissons leur contribution essentielle à la lutte pour la justice et l’égalité.

Ce chapitre sombre mais essentiel de l’histoire souligne l’importance de commémorer non seulement les actes de législation qui ont aboli l’esclavage, mais aussi les actes héroïques des esclaves eux-mêmes, dont le courage et la détermination ont pavé la voie vers la liberté.

SK
SK
SK est la rédactrice/ journaliste du secteur Politique, Société et Culture. Jeune femme vive, impétueuse et toujours bienveillante, elle vous apporte une vision sans filtre de l'actualité.

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