Anton Wilhelm Amo, le philosophe africain qui a marqué l’Europe du 18ème siècle

Né vers 1703 dans ce qui est aujourd’hui le Ghana, Anton Wilhelm Amo fut arraché à sa terre natale et emmené en Europe par la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales. Adopté par la famille de Dukes of Brunswick-Wolfenbüttel en Allemagne, Amo a eu l’opportunité rare pour un Africain de cette époque d’accéder à une éducation occidentale de haut niveau.

Né vers 1700 et décédé en 1758, Anton Wilhelm Amo, originaire de l’actuelle Ghana, est un exemple exceptionnel de résilience et d’intelligence. Sa vie, passant d’un jeune Africain capturé et arraché à sa terre natale à un érudit et philosophe renommé de l’Europe du 18ème siècle, représente un parcours à la fois inspirant et révélateur pour les lecteurs contemporains d’ascendance africaine. Sa contribution à la pensée européenne et son impact durable soulignent l’importance de reconnaître les contributions africaines à l’histoire mondiale.

Enfance d’Anton Wilhelm Amo

Anton Wilhelm Amo
Francke Augustus William de Brunswick

Anton Wilhelm Amo, figure emblématique de la philosophie du XVIIIe siècle, voit le jour vers 1700, possiblement en 1703, à Axim, une localité du territoire nzima, relevant de l’ethnie akan située dans le sud-ouest de l’actuel Ghana.

Dès l’âge de trois ans, Amo est transporté vers les Pays-Bas, sous des circonstances qui restent l’objet de débats parmi les historiens. Certains avancent qu’il aurait été enlevé, tandis que d’autres suggèrent que ses parents, probablement chrétiens, auraient consenti à son départ vers l’Europe pour y recevoir une éducation chrétienne. Peu après son arrivée en Europe, la Compagnie Néerlandaise des Indes Occidentales présente Amo comme un « cadeau » aux Ducs de Wolfenbüttel en Allemagne, marquant le début de sa vie européenne. Son frère jumeau, Atta, connaît un destin radicalement différent, étant envoyé au Surinam en tant qu’esclave.

En 1708, le jeune Amo reçoit le baptême et adopte les prénoms Wilhelm Anton, en hommage à ses protecteurs les comtes de Wolfenbüttel, signant ainsi le commencement de son intégration dans la culture européenne.

Formation académique et contributions intellectuelles d’Anton Wilhelm Amo

Leucorea à Wittenberg, Saxe-Anhalt, Allemagne

Bien que le statut social d’Anton Wilhelm Amo reste incertain, il est clair qu’il n’était pas traité comme un esclave par ses protecteurs en Europe. En 1727, Amo entame des études supérieures à l’Université de Halle, où il se distingue rapidement par son engagement en faveur des droits des Noirs. Il obtient une maîtrise en droit avec une thèse qui explore les droits des Noirs en Europe, prenant des positions fermement anti-esclavagistes. Cette thèse, en particulier, reflète son plaidoyer pour la libération de son frère Atta, esclave au Surinam, démontrant son engagement précoce pour la justice sociale. Sa signature, Antonius Guilielmus Amo, Guinea Afer, souligne son identité africaine et son engagement intellectuel.

En 1730, Amo poursuit ses études à l’Université de Wittenberg. Là, il défend avec succès en 1734 sa thèse de doctorat intitulée « Sur l’apathie de l’esprit humain : Sur l’absence de sensation dans l’esprit humain et sa présence dans notre corps vivant et organique« . Cette œuvre philosophique majeure lui permet de devenir la première personne d’origine africaine à obtenir un doctorat de philosophie en Europe, marquant un tournant important dans l’histoire académique.

Carrière académique d’Anton Wilhelm Amo

Anton Wilhelm Amo

Suite à l’obtention de son doctorat, Anton Wilhelm Amo a continué à enrichir le monde académique par son enseignement et ses recherches. De 1734 à 1736, il enseigne à l’Université de Wittenberg, où il avait obtenu son doctorat. Il retourne ensuite à l’Université de Halle, lieu de ses premières études supérieures, pour y exercer de 1736 à 1739. Durant cette période, il publie un ouvrage influent intitulé « Traité sur l’art de philosopher sobrement et correctement« , qui reflète son approche rigoureuse et éthique de la philosophie.

En 1739, Amo rejoint l’Université d’Iena, marquant une autre phase significative de sa carrière académique qui durera jusqu’en 1746. C’est là qu’il se distingue non seulement comme un érudit, mais aussi comme un membre respecté de la communauté académique, recevant le titre de Conseiller d’État par la cour de Berlin. Cette reconnaissance est un témoignage de son influence et de son statut dans les cercles intellectuels de l’époque.

Tout au long de sa carrière universitaire en Allemagne, Amo a exploré divers domaines d’études, y compris la philosophie, le droit, la théologie, la logique, l’astronomie, l’astrologie, la science politique, et la physiologie. Il maîtrisait plusieurs langues, telles que le latin, le grec, l’hébreu, l’allemand, et le néerlandais, ce qui lui permettait d’accéder à une vaste littérature académique et de contribuer de manière significative à la recherche universitaire européenne.

Dernières années et héritage d’Anton Wilhelm Amo

En 1747, Anton Wilhelm Amo retourne à Axim, sa ville natale située dans l’actuel Ghana, clôturant ainsi sa période académique en Allemagne. Cette décision, enveloppée de mystère, est souvent attribuée à la perte de ses protecteurs influents, notamment le prince de Brunswick, et à l’isolement croissant dû à un racisme sociétal en hausse. Ces facteurs auraient contribué à une profonde dépression.

Amo retrouve son père et sa sœur à Axim, où il est respecté et considéré comme un sage local. Cependant, son séjour est marqué par des défis significatifs. En 1753, David-Henri Gallandat, un savant européen, rend visite à Amo et documente leur rencontre, témoignant de la vie qu’il menait en Afrique. La légende locale suggère que son retour n’était pas entièrement de son fait, mais qu’il pourrait avoir été contraint, sous la pression des autorités locales et européennes, à s’installer dans le fort d’esclavagistes à Chama, un acte peut-être punitif envers un esprit libre et critique.

Anton Wilhelm Amo décède en 1758 à Chama. Son parcours, de l’Afrique à l’Europe et inversement, ainsi que ses écrits philosophiques et son engagement contre l’esclavage, continuent d’inspirer. Sa vie et son œuvre sont souvent citées aux côtés de figures illustres telles que W.E.B. Du Bois et Kwame Nkrumah, tous deux influencés par son héritage intellectuel. Amo est célébré non seulement pour ses contributions académiques mais aussi comme symbole de la lutte contre les préjugés raciaux et de la quête incessante de la justice.

Références

Sources académiques sur Anton Wilhelm Amo:

  1. McClendon, John H. (2008). « Anton Wilhelm Amo: Philosophe africain en Europe. » In Les Africains et leurs descendants en Europe avant le XXe siècle: Actes du colloque international, édité par Dieudonné Gnammankou & Yao Modzinou, 149-163. Toulouse: MAT Éditions. Ce travail explore en détail les contributions philosophiques de Amo et son impact sur la pensée européenne.
  2. Somet, Yoporeka. (2007). « Anthony William Amo: sa vie et son œuvre. » ANKH, numéro 16, pp. 128-151. Gif-sur-Yvette: Khepera Publishing. Cet article fournit une analyse exhaustive de la vie d’Amo et de son œuvre, mettant en lumière son parcours unique et son héritage.

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