Abraham Hanibal : le parcours inspirant d’un visionnaire africain au cœur de la Russie impériale

Découvrez l’incroyable histoire d’Abraham Hanibal, le génie africain devenu général en chef de l’armée russe et ancêtre d’Alexandre Pouchkine. De son enlèvement à sa gloire, explorez le parcours exceptionnel d’un homme qui a traversé continents et cultures pour marquer l’histoire.

Arraché à sa terre natale africaine et devenu filleul du Tsar Pierre le Grand, Abraham Hanibal, également connu sous le nom d’Abram Petrovitch Gannibal, a marqué l’histoire en tant que premier général en chef noir de l’armée russe. Sa remarquable carrière, qui l’a vu exceller en tant que mathématicien et ingénieur militaire, préfigure l’héritage de son arrière-petit-fils, le célèbre poète russe Alexandre Pouchkine. La vie d’Abraham Hanibal, empreinte d’accomplissements exceptionnels malgré les défis, incarne une source d’inspiration intemporelle, illustrant la richesse des contributions africaines au patrimoine mondial.

Les origines mystérieuses d’Abraham Hanibal

Abraham Hanibal : le parcours inspirant d'un visionnaire africain au cœur de la Russie impériale

Les racines africaines d’Abraham Hanibal, bien que floues, sont évoquées à travers divers récits historiques et familiaux. Les écrits de Hanibal, son gendre et biographe estonien Rotkith, ainsi que ceux de son illustre arrière-petit-fils, Alexandre Pouchkine, suggèrent des origines dans une cité nommée Logone. Selon Rotkith et les premiers anthropologues russes, Hanibal serait originaire de l’Abyssinie, aujourd’hui l’Éthiopie et l’Érythrée. Cependant, l’historien béninois Dieudonné Gnammankou1 propose une interprétation plus large, identifiant Logone-Birni, située dans l’actuel nord du Cameroun, comme le lieu de naissance d’Hanibal. Cette ville, appartenant à l’ethnie Kotoko et située près d’un fleuve, était souvent la proie de razzias, ce qui pourrait expliquer l’enlèvement d’Hanibal et son arrivée ultérieure à Constantinople en 1703.

Une autre théorie, moins connue et discutée, mentionne un village en Érythrée nommé « Lagwen », qui conserverait la mémoire d’un certain Abraha Zerai, retraçant son histoire depuis son enlèvement jusqu’à sa vie en Russie. Bien que cette hypothèse suggère l’Érythrée comme lieu de naissance de Hanibal, elle reste peu étudiée et suscite le scepticisme, notamment parce qu’elle provient d’un blog dédié à l’héritage historique érythréen.

Face à ces diverses interprétations, il est clair que l’origine exacte d’Abraham Hanibal reste un sujet ouvert à la recherche. Pour l’instant, il est reconnu comme une figure africaine emblématique dont l’histoire transcende les frontières et les époques.

Du palais Ottoman à la cour de Russie : le voyage d’Hanibal

Abraham Hanibal : le parcours inspirant d'un visionnaire africain au cœur de la Russie impériale

En 1703, alors âgé d’environ sept ans, celui qui deviendra Abraham Hanibal est amené à la cour du sultan ottoman, un lieu où les Africains occupaient divers rôles administratifs, et y reçoit le nom d’Ibrahim. Peu après, en 1704, des marchands russes le rachètent secrètement et l’envoient en Russie, à la cour de Pierre le Grand2. Le tsar, désireux de démontrer que les Africains avaient des capacités intellectuelles égales à celles des autres hommes, accueille le jeune garçon avec une affection particulière. Abraham, ainsi renommé, est rapidement intégré dans la famille du tsar, élevé presque comme son propre fils.

En 1705, Abraham est baptisé à Vilnius, actuelle Lituanie, avec Pierre le Grand comme parrain, marquant ainsi son introduction formelle dans la société russe. Entre 1708 et 1714, il accompagne le tsar dans ses campagnes militaires, acquérant une expérience pratique précieuse dans l’art de la guerre. Devenu secrétaire et valet de Pierre le Grand, Abraham voyage avec lui aux Pays-Bas et en France, où le tsar le place pour poursuivre ses études en ingénierie. Cette période formatrice jette les bases de sa future carrière exceptionnelle en tant que mathématicien et ingénieur militaire, soulignant son ascension remarquable de la cour ottomane à l’éminence dans l’empire russe.

En France

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À Paris en 1717, Abraham Hanibal enrichit son éducation en suivant des cours de mathématiques et de français, tout en se constituant une bibliothèque personnelle par l’acquisition de livres. Dans le but d’améliorer ses qualifications pour l’entrée dans une école militaire, il s’engage volontairement comme élève-ingénieur dans l’armée française pendant la guerre franco-espagnole de 1719. Cette expérience lui vaut une promotion au rang de lieutenant ingénieur. Par la suite, il est admis à la prestigieuse école d’artillerie de La Fère, une institution fondée par le roi Louis XV, où il poursuit sa formation entre 1720 et 1723.

Retour en Russie

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Après une année éprouvante en France due à une crise financière, Abraham Hanibal retourne à Saint-Pétersbourg en 1723, retrouvant ainsi son mentor et « père adoptif », le tsar. Nommé lieutenant bombardier, il se voit confier l’enseignement des mathématiques et des techniques de fortification aux jeunes ingénieurs.

À la suite du décès de Pierre Ier en 1725, l’impératrice Catherine, veuve du tsar et appréciant grandement Abraham, lui confie l’éducation du futur tsar Pierre Alexeevitch. Cependant, le décès de l’impératrice en 1727 voit l’ascension au pouvoir du général Manchikov, peu enclin à favoriser Abraham. Ce dernier, s’opposant aux abus de Manchikov, est exilé en Sibérie.

En 1730, après la chute de Menchikov, Abraham revient à Saint-Pétersbourg, enrichi d’un nouveau nom, Hanibal, en hommage au général carthaginois Hannibal, adopté durant son exil. Il est réintégré comme lieutenant bombardier sous le commandement du comte de Münnich.

En 1731, Abraham épouse Eudoxie, fille d’un militaire grec, mais leur union se détériore rapidement, culminant dans des scandales d’infidélité et une tentative d’assassinat contre lui. Suite à ces événements, il se retire en Estonie en 1733, où il acquiert des terres et épouse Christina-Régina de Schöeberg, fille d’un officier suédois. Cette seconde union est plus harmonieuse et voit la naissance de plusieurs enfants, consolidant le foyer d’Abraham.

Malgré les conflits avec sa première épouse, qui finit emprisonnée pour adultère, Abraham ne parvient à légaliser son second mariage qu’en 1753. Avec le décès de l’impératrice Anna en 1740 et la nomination du comte de Münnich comme Premier ministre, Abraham est promu lieutenant-colonel et affecté à Reval (actuelle Tallinn), près de ses terres en Estonie, marquant ainsi une nouvelle étape dans sa remarquable carrière.

Ascension et fin de vie

Abraham Hanibal : le parcours inspirant d'un visionnaire africain au cœur de la Russie impériale

La trajectoire ascendante d’Abraham Hanibal atteint de nouveaux sommets avec la naissance de sa deuxième fille, Anna, en 1741. L’année suivante, l’ascension d’Elisabeth, fille de Pierre Ier, au trône marque un tournant favorable pour Hanibal. Reconnaissant ses compétences et son dévouement, Elisabeth le promeut lieutenant-colonel de l’artillerie et général-major de l’armée. En 1752, Hanibal se voit confier la responsabilité technique de l’armée impériale russe, supervisant la construction de fortifications essentielles à la défense de l’empire. Son expertise et sa vision stratégique lui valent la nomination de général-lieutenant en 1755, et peu après, celle de Principal général ingénieur de l’Empire.

Abraham Hanibal : le parcours inspirant d'un visionnaire africain au cœur de la Russie impériale
Alexandre Pouchkine, arrière-petit-fils de Gannibal par Osip.

Peu avant sa retraite en 1762, Hanibal est élevé au rang prestigieux de général en chef de l’armée russe, couronnant ainsi une carrière militaire exceptionnelle. Il se retire ensuite dans sa propriété de campagne à Souida, près de Saint-Pétersbourg, où il décède en 1781. Sa vie se clôt sur le succès de son fils Ivan, promu amiral de la flotte russe, et le mariage de sa fille Elisabeth avec le lieutenant-colonel André Pouchkine. Leur petit-fils, Alexandre Pouchkine3, deviendra le plus illustre poète russe, fier de son héritage africain par son aïeul, Abram Petrovitch Gannibal.

Notes et références

  • Dieudonné Gnammankou, Abraham Hanibal, l’aïeul noir de Pouchkine, Paris : Présence Africaine, 1996.
  • « La redécouverte d’un village érythréen et ses liens avec Abraham Hanibal. » Kemey Blog, novembre 2008.
  1. Dieudonné Gnammankou : Historien et chercheur béninois, reconnu pour ses travaux approfondis sur Abraham Hanibal. Sa biographie, Abraham Hanibal, l’aïeul noir de Pouchkine, publiée chez Présence Africaine en 1996, est considérée comme une référence incontournable pour l’étude de la vie d’Abraham Hanibal et de son impact sur la Russie et la descendance de Pouchkine. ↩︎
  2. Pierre le Grand (1672-1725) : Tsar de Russie de 1682 jusqu’à sa mort, fondateur de l’Empire russe et instigateur de la modernisation et de l’expansion de la Russie. Sa rencontre avec Abraham Hanibal, qu’il adopte comme son fils, est un épisode marquant de son règne, illustrant son ouverture aux cultures et son désir de moderniser la Russie par l’éducation et l’innovation. ↩︎
  3. Alexandre Pouchkine (1799-1837) : Poète, dramaturge et romancier russe, souvent considéré comme le plus grand poète de la Russie et le fondateur de la littérature russe moderne. Arrière-petit-fils d’Abraham Hanibal, Pouchkine était fier de son héritage africain, qui a influencé certaines de ses œuvres et lui a donné une perspective unique sur la société russe de son époque. ↩︎
Naya
Naya
Fan de séries, de rock indé et des années 1990, elle pond des chroniques sur sa vie de femme noire en France et sur sa phobie des joggings Lacoste. Sur le net, vous la retrouverez plus facilement sous le nom de "La Ringarde", son identité secrète de super héroïne.

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