Le Moors Sundry Act de 1790 est un jalon méconnu mais significatif de l’histoire juridique des États-Unis. Cette loi, adoptée en Caroline du Sud, a reconnu les droits des Noirs du Maroc, les distinguant ainsi des lois appliquées aux esclaves africains et aux Afro-Américains. Cet article plonge dans les détails de cette législation, explorant son impact sur les marocaines et son rôle dans le contexte plus large des droits civiques et de l’histoire raciale américaine.
Un acte méconnu : Le Moors Sundry Act de 1790
Le Moors Sundry Act de 1790 est une résolution consultative historique adoptée en Caroline du Sud, États-Unis. Ce texte législatif reconnaissait spécifiquement les droits des Noirs du Maroc, les distinguant des personnes noires et des esclaves. Il répondait aux inquiétudes des « Free Moors« 1 qui craignaient d’être réduits en esclavage ou privés de droits en raison de leur couleur de peau. Cette loi marque un moment important dans l’histoire juridique américaine, reflétant la complexité des identités raciales et le statut juridique des personnes dites « de couleur » à cette époque.
La condition des Maures en Amérique du Nord
Avant 1790, la situation des Noirs du Maroc en Amérique du Nord était complexe. En tant que sujets du sultan du Maroc, Sidi Mohammed ben Abdallah2, ils se distinguaient des esclaves africains et des Afro-Américains. Leur statut juridique était souvent flou, les exposant parfois à des traitements racistes similaires à ceux subis par les personnes dites « de couleur ». Leur relation avec les États-Unis, en tant qu’alliés via le Traité d’amitié maroco-américain de 17863, leur conférait une position unique mais pas toujours clairement définie dans le contexte juridique et social négrophobe de l’époque.
À cette époque, la Caroline du Sud avait un contexte socio-politique marqué par l’esclavage et la ségrégation raciale. La société était dominée par une élite blanche qui maintenait un système strict de discrimination raciale, et l’économie reposait largement sur l’asservissement des populations d’origines africaines. Les lois comme le Negro Act de 17406 étaient en place pour réglementer la vie des personnes noires et des esclaves, en réponse à la sanglante rébellion de Stono de 17397.
Ce texte interdisait notamment aux Africains esclavagisés diverses libertés, comme se déplacer librement, se rassembler, cultiver leur nourriture, gagner de l’argent, ou apprendre à écrire. Les propriétaires avaient le droit de tuer des esclaves s’ils se rebellaient. Le Negro Act de 1740, en vigueur jusqu’en 1865, reflétait les restrictions sévères imposées aux esclaves et soulignait le racisme systématique dans le Sud.
Une loi pionnière : les Maures et la législation de Caroline du Sud
Le Moors Sundry Act de 1790 a été promulgué en réponse à une pétition présentée à la Chambre des représentants de Caroline du Sud8 par un groupe de huit personnes qui étaient sujets du souverain marocain résidant dans la colonie. Ces « Free Moors« , Francis, Daniel, Hammond et Samuel, ainsi que leurs épouses, adressèrent cette pétition après avoir été capturés par les Portugais et vendus comme esclaves en Caroline du Sud. Ils réussirent ensuite à racheté leur liberté et demandèrent à être jugés comme sujets libres de naissance du sultan Mohammed ben Abdallah, plutôt que selon le Negro Act que nous évoquions plus haut. Leur cas fut examiné par un comité influent, soulignant leur combat pour une reconnaissance juridique juste.
Finalement, l’ordre pour l’examen immédiat de la question des « Free Moors » établira que les lois de l’État de Caroline du Sud ne s’appliquaient pas à eux en tant que marocains. Ils ne furent donc pas soumis aux lois régissant les esclaves et les personnes noires dans l’État :
« Ils ont considéré la même chose et sont d’avis qu’aucune loi de cet État ne peut, dans sa construction ou son fonctionnement, s’appliquer à eux, et que les personnes qui étaient des sujets libres de l’empereur du Maroc dans cet État ne peuvent pas être jugées par les lois « pour le meilleur ordre et le gouvernement des nègres et autres esclaves »
En résumé
L’histoire du Moors Sundry Act de 1790 en Caroline du Sud est un témoignage fascinant de la complexité des identités raciales et juridiques dans l’Amérique précoce. Ce cas des Maures libres, luttant pour leur reconnaissance et leurs droits, illustre un aspect moins connu mais essentiel de l’histoire afro-américaine. Il nous rappelle l’importance de reconnaître et de comprendre toutes les facettes de l’histoire pour apprécier pleinement la diversité de l’expérience humaine.
Notes et références
- Les « Maures Libres » (XVIIIe siècle) : Groupe d’individus marocains en Caroline du Sud, ayant sollicité la législature de l’État pour être reconnus comme sujets libres, distincts des esclaves africains. Leur démarche juridique a conduit à l’adoption du Moors Sundry Act de 1790, reconnaissant leur statut libre et les exemptant des lois discriminatoires appliquées aux Africains esclaves et aux Afro-Américains libres. ↩︎
- Sidi Mohammed ben Abdallah (1720-1790) : Sultan du Maroc de 1757 à 1790. Connu pour ses réformes et sa politique étrangère, il a notamment signé le Traité d’amitié maroco-américain en 1786, établissant des relations diplomatiques avec les États-Unis. Son règne a été marqué par des efforts de modernisation et une ouverture aux relations internationales, contribuant ainsi au développement historique et culturel du Maroc. ↩︎
- Le Traité d’amitié maroco-américain de 1786 : L’un des plus anciens traités des États-Unis toujours en vigueur, établissait des relations diplomatiques et commerciales entre le Maroc et les États-Unis. Signé par le Sultan du Maroc et les représentants américains, ce traité a joué un rôle important dans les relations internationales et le commerce transatlantique, et a influencé la situation juridique des Maures en Amérique, comme vu dans le Moors Sundry Act de 1790. ↩︎
- Thomas Jefferson (1743-1826) : Troisième président des États-Unis et principal rédacteur de la Déclaration d’indépendance. Diplomate influent, il a joué un rôle clé dans les relations internationales, notamment en tant que signataire du Traité d’amitié maroco-américain de 1786. Jefferson est également reconnu pour ses contributions intellectuelles et politiques, ayant profondément influencé l’histoire et la culture américaines. ↩︎
- John Adams (1735-1826) : Deuxième président des États-Unis et l’une des figures clés de la Révolution américaine. En tant que diplomate, Adams a joué un rôle important dans la formation des États-Unis, notamment en tant que signataire du Traité d’amitié maroco-américain de 1786. Il est également connu pour ses contributions à la rédaction de la Constitution américaine et son influence dans l’établissement des institutions gouvernementales du pays. ↩︎
- Le Negro Act de 1740 : Adopté en Caroline du Sud, fut une réponse à la rébellion de Stono de 1739. Cette loi restrictive et discriminatoire réglementait sévèrement la vie des esclaves africains et des Afro-Américains, interdisant entre autres leur liberté de mouvement, leur droit de se rassembler, de cultiver leur propre nourriture, de gagner de l’argent, et d’apprendre à écrire. Elle autorisait également les propriétaires à tuer des esclaves en cas de rébellion. Ce texte législatif est un exemple marquant des lois sévères sur l’esclavage en vigueur jusqu’en 1865. ↩︎
- La rébellion de Stono de 1739 : Une des plus grandes insurrections d’esclaves dans les colonies britanniques en Amérique du Nord. Débutée en Caroline du Sud, cette révolte menée par des esclaves africains a entraîné un durcissement des lois sur l’esclavage, notamment avec l’adoption du Negro Act de 1740. Cette rébellion a marqué un moment crucial dans l’histoire de la résistance des esclaves à l’oppression. ↩︎
- La Chambre des Représentants de Caroline du Sud : L’une des deux chambres de l’Assemblée générale de l’État de Caroline du Sud, aux États-Unis. Elle joue un rôle clé dans le processus législatif de l’État, y compris dans l’examen et l’adoption de lois telles que le Moors Sundry Act de 1790. Cette chambre est composée de membres élus représentant divers districts de l’État, et ses décisions ont un impact significatif sur la législation et la politique de la Caroline du Sud. ↩︎