Tandis que des apprenties cheffes jouent les chimistes sur Internet, l’Ivoirienne Sandrine Kouao, spécialiste en cosmétique naturelle, souhaite révolutionner le marché avec Masewa ; une plate-forme de produits cosmétiques Made In Africa.
« Absolument pas ! », répond Sandrine Kouao, quand tu lui demandes : « Si enfant, elle a été sensibilisée à tout ce qui touchait à la peau noire ? » La peau noire, c’est son domaine de prédilection, elle, l’ingénieure en chimie/biotechnologie.
Dans le brouhaha nocturne de l’Ivoire Trade Center, nouveau temple de la consommation abidjanais où la pause déjeuner, de jeunes cadres dynamiques font l’audit de menus divers et variés, en attendant de reprendre l’épluchage de comptes, après avoir claqué la bise à de vieilles connaissances, rencontrées par hasard, au détour d’un des pylônes qui soutient l’édifice, les premiers mots de la jeune femme noire résonnent. Sa voix a beau être petite, la cofondatrice de Masewa réussit à donner le ton. C’est parti pour 1 heure 21 minutes et 15 secondes d’un long entretien presque fleuve.
ALLONS ENFANTS DE LA PHARMACIE ET DE LA COSMÉTIQUE
Turban orange enroulé autour de sa tête bien pleine, kimono, dont la couleur principale rappelle le couvre-chef, qui tombe sur ses épaules avant de flotter au-dessus du sol et surtout recouvrir une petite robe noire, cette experte des peaux ébène porte avec fierté une qui n’a pas été altérée par des crèmes éclaircissantes. Dans un pays où plus de la moitié des femmes seraient dépigmentées la peau, c’est un exploit. Mais ce n’est pas le premier qu’elle a réalisé.
« J’avais 7 frères et que des cousins quasiment [autour de moi, NDLR]. Du coup, j’ai grandi dans un environnement typiquement masculin. [….] Les cosmétiques n’étaient vraiment pas, mais alors vraiment pas, dans mon champ de vision. »
Éduquée donc dans cet environnement typiquement masculin, les produits de beauté ne l’ont naturellement jamais intéressée même si sa mère était à l’époque l’une des pionnières dans le secteur de la distribution des cosmétiques importés.
« Je voulais révolutionner la pharmacopée africaine », partageant son rêve d’enfant avec ces mots d’adulte qu’elle n’était pas capable de sortir de sa bouche à l’époque.
Enfant, paraît-il qu’on veut tous devenir avocat(e), médecin, footballeur, etc.
Depuis qu’un certain Kylian a inscrit 3 buts en finale de la coupe du Monde sous « les yeux du plus grand marcheur blanc de tous les temps », le nombre de gamins qui y pensent est certainement monté en flèche. Pour elle, c’était le contraire.
« Mon père était pharmacien. Il avait une des plus grandes officines dans un quartier populaire d’Abidjan [Attécoubé, NDLR]. »
Ce soir-là, ce mardi 25 avril 2023, les embouteillages – toujours, eux – sont de taille : XXL. En plus, une pluie torrentielle est en approche et fait se trémousser les branches d’arbres. Il faut faire vite mais bien l’interview afin de rentrer sain et sauf. Alors, les consignes de sincérité, « Tout ce vous direz en off ne sera pas retenu, sauf si vous le souhaitez », sont mises à l’oubli.
C’est peut-être parce que l’interviewée ne les a pas encore entendues, ces instructions-là, qu’elle fait attention à ce qu’elle dit. Alors, tu les ressors.
« Pas de problème. », une fois qu’elle les a finalement écoutées. L’interview reprend et Sandrine lâche son premier rire.
« Non, je ne faisais pas l’école buissonnière. », tient-elle à préciser en évoquant son enfance passée dans la pharmacie de son père.
« J’aimais bien être dans son bureau, se replongeant dans son enfance en nous tenant la main pour qu’on la suive. Devant la pharmacie, il y avait toujours du monde car une mosquée se trouvait juste à côté parce qu’il y avait une mosquée devant. […] Les vendeurs étaient installés sous les arbres juste là, utilisant sa bouteille de jus de côcôta pour désigner l’endroit imaginaire. […] »
AU COMMENCEMENT ÉTAIT LA PAROLE
La jeune femme, aujourd’hui elle-même maman de plusieurs enfants, qui l’attendent d’ailleurs « pour une soirée pyjama », continue à évoquer ce passage « Dans mon esprit d’enfant, voir tous ces gens assis par terre, sous les arbres devant la pharmacie… pour moi, ils n’avaient pas d’argent pour prendre soin d’eux, se soigner ou s’occuper d’eux ». Elle voulait donc les aider.
Plus pressée que la boisson contenue dans la bouteille transparente qu’elle a reposée sur le plateau couleur bois, la femme d’affaires, qui a fondé Nature et Traditions, « une marque cosmétique naturels pour la réparation de la peau », saute les étapes, fait avance rapide pour se retrouver à… l’adolescence. Pause. Belsunce Breakdown. Rewind.
« […] On me disait souvent que je ferais une bonne avocate car j’aimais argumenter. Entourée d’hommes, ma seule arme était la parole. […] » Avant de s’esclaffer en ajoutant :
« Ça a changé maintenant. J’ai pris de cours de boxe. »
Les rires de l’hyperactive sont plus nombreux. La musique pop façon Rihanna qu’on make me feel like the only girl in the world, les couverts de personnes venues dîner entre vieux amis de longue date, en famille, sont les autres morceaux de l’album de la soirée.
Ses mains s’agitent et la faim trouve le gîte mais pas les couverts. « J’ai faim ! », avant de poursuivre comme si de rien n’était, comme si elle n’avait rien dit.
L’entrepreneure avoue avoir été autrefois attirée par le métier d’avocat. Mais sa passion pour aider les autres et son intérêt pour la fabrication des médicaments l’ont finalement emporté.
Cette double vocation est d’ailleurs au cœur de Masewa, sa nouvelle entreprise.
« Nous voulons valoriser le savoir-faire Made In Africa et changer les mentalités. », avec conviction.
Sa détermination, elle, n’a pas changé ou alors très peu. Elle l’a héritée aussi de ses parents. La seule fille de la famille Kouao qui tenait tête à ses frères a donc grandi dans un environnement : « Scientifique, business, cosmétiques et pharmacie. »
BASKET, DANSE, PLAYSTATION
Son enfance dont elle continue à relater les faits saillants a été « très joyeuse […] beaucoup de cousins [à la maison, NDLR] […] un environnement où les gens jouaient à la Playstation, au basket. J’avais beaucoup d’amis à la maison. […] J’ai aimé danser depuis très longtemps. Ma mère avait peur que je devienne trop masculine. […] J’étais sa seule fille. »
Puis vient le seul et unique moment de la soirée où l’émotion se fait plus intense lorsque la jeune femme enjouée évoque le triste souvenir d’un frère récemment décédé.
« Du coup, reprenant le film de ses idées, elle m’a fait faire des activités tels que le chant mais en groupe. », avant de lâcher le nom du sien : les Oiseaux du Monde.
Il s’agit d’un groupe extrêmement populaire dans les années 90. Tu parles d’un temps que les moins de vingt ans ne connaissent pas.
« C’était une super expérience pour moi. », dit celle qui, du haut des six ans, était la plus petite du groupe.
Celle « qui a sauté la moyenne section » rit de plus en plus et son débit s’accélère surtout quand elle se remémore l’atmosphère insouciante de cette époque, ses « gens qui jouent au basket, s’amusent, se taquinent ». De cette époque pas si lointaine, elle a longtemps conservé une habitude : aller voir ce grand frère dont elle est très proche, jouer au basket le samedi matin.
« Tu peux le mentionner. Je vais plus là-bas. », d’un air résigné. Une habitude qu’elle a très récemment abandonnée, au profit de ses enfants et du sommeil, avec une bonne pointe de regret.
CHOCS EN STOCK
Emportée par le flot de souvenirs, la jeune femme badine ne parle plus ni de sa faim, ni de la « pyjama party ».
« À 15 ans, on est partis. », entamant ainsi la deuxième et avant-dernière partie de l’interview. Et le décès de son père, lorsqu’elle avait 14 ans, qui fut un choc traumatisant avant un second : le déménagement dans un environnement totalement nouveau.
Ce qui devait être de simples vacances à Montréal devient finalement un séjour longue durée.
« […] Ma mère avait perdu sa mère une semaine avant de perdre son mari. […] Alors quand on est parti, on s’est retrouvé en famille. », évoquant ainsi la présence d’un de ses six grands frères déjà sur place.
« Nous étions très unis avant ça, alors on a décidé de se réunir. », se rappelle-t-elle.
Pour la petite histoire, ses grands frères l’ont aidée à grandir dans un environnement musical, lui faisant découvrir particulièrement des sons R&B et bien d’autres.
Oui, avant Apple et iTunes, sur lequel Société Suspecte, le nouvel album de Suspect 95 qui caracole en tête des charts, Deezer, Spotify & Cie, il n’y avait que ces cassettes audio ramenées depuis l’étranger pour écouter en boucle les sons à la mode ; jusqu’à ce que la bande magnétique ne sorte du support principal et que tu sois incapable de la rembobiner même avec un crayon à papier ou un stylo bille.
Là encore, tu parles d’un temps que les moins de vingt ans ne connaissent pas.
UNITED COLORS Of BENETTON
Sur le regroupement familial, la go noire ne tarit pas d’éloges. « C’était génial ! Dans ma tête d’enfant, j’imagine qu’il y avait des difficultés que je ne devais pas voir. […] », admet-elle en souriant.
Il est bien connu que le fait de vivre à l’étranger pousse certains à aller vers les autres, s’ouvrir.
Bien intégrée, la néocanadienne en fait autant malgré le froid mordant au pays des caribous, et se lie d’amitié avec pêle-mêle : des Canadiens, des Haïtiens, des Rwandais, des Guinéens, etc.
La nostalgie l’a déjà envahie quand elle évoque cette époque où ils se retrouvaient chez elle pour discuter, chiller ou aller au terrain de basket.
« C’est ce qui m’a permis d’avoir cette facilité d’intégration. », avant de lâcher du bout de ses lèvres nues, sans gloss, ni rouge à lèvres : « Même l’une des mes activités favorites est d’être seule. »
Seule, Sandrine le sera quand au bout d’un an à Montréal, elle « sait qu’elle veut rentrer reprendre la pharmacie de mon père ».
À seulement 16 ans, l’adolescente semble déjà savoir ce qu’elle veut.
« C’était important pour moi. », déclare la seule scientifique de la famille. Et pendant ce temps-là, ses frères, eux, travaillent dans la finance, le droit, l’immobilier, etc. Malheureusement, le système de quotas la contraint à différer son rêve malgré le soutien de sa famille.
VRAI-FAUX RETOUR AU PAYS
À cette époque-là, les relations entre la France et la Côte d’Ivoire sont plus tendues que la ficelle, qui sépare le séant en deux. Il est notamment reproché au premier d’avoir ourdi un coup d’État contre le président Laurent Gbagbo.
Les rapports sont envenimés. Pas question donc de délivrer des visas à des étudiants ivoiriens, même si certains en obtiendront.
Le refus catégorique que celle à qui « on n’avait jamais refusé de visa de toute sa vie » fut un choc pour elle dans la mesure où elle venait tout de même de prendre la décision de laisser sa famille pour embrasser son rêve.
La globe-trotteuse, qui n’est rentrée qu’il y a quelques années seulement en Côte d’Ivoire, part alors pour Dakar chez un oncle maternel qui a chaleureusement accepté de l’accueillir. Elle y restera deux ans. C’est là-bas qu’elle a un déclic.
DAKAR, TERRE DE RÉFLEXIONS
Les baffles jouent encore et encore du Rihanna qui found love in hopeless place, dans cet Ivoire Trade Center où il y en a pour tous les goûts culinaires.
Placé à la droite de ses mains qui s’agitent toujours autant, son téléphone ne sonne que par intermittence. Son turban ne lui prend absolument pas la tête en se détachant de temps en temps : il lui colle bien à la peau. Aussi bien que ces idées qu’elle a eues au Sénégal.
« Seigneur quand je pense que j’ai une soirée pyjama avec mes enfants. », avant de commencer finalement à expliquer ce que elle, l’Ivoirienne a vécu au pays de la Teranga et des dibiteries, avec ces juteux morceaux de viande braisée qui éclaboussent le palais.
« À Dakar, ça a été une révélation.[…] Et en fait pourquoi je dis que c’est important parce que je me suis plus mise en observatrice des autres. […] Et en observant les personnes, je me suis rendu compte qu’à cause de la dépigmentation dont on voyait plus les dégâts. J’ai observé des beautés en souffrance. »
Ses « beautés en souffrance », dont parle celle qui « aimait jouer avec l’argile rouge que son père lui ramenait de son village d’Agnibilékrou [située au nord-est d’Abidjan] », sont des femmes « qu’elle trouvait super belles mais qui se dépigmentaient la peau ».
Alors, l’observation de ces ravages cutanés lui fait prendre conscience du besoin d’agir pour réparer et prévenir les dommages causés par la pratique de dépigmentation.
En effet, Sandrine refuse l’idée selon laquelle il suffirait de passer de beaucoup de temps et dépenser énormément d’argent pour essayer d’atteindre un idéal de beauté, qui n’est pas naturellement atteignable et qui pourrait être en réalité être nuisible.
Si la femme chocolat noir est arrivée à ce stade, à préconiser l’acceptation de soi et la confiance en soi, en promouvant des produits qui respectent et valorisent la peau, c’est parce que plus jeune, elle suivait aveuglément tendances et mode. Les tissages qu’elle a notamment portés à l’époque n’ont plus désormais plus leur place dans sa garde-robe.
Ce sont ces valeurs-là qui sont d’ailleurs à l’origine de son engagement avec Masewa, où la nappy girl travaille entre autres contre les idées reçues et les stéréotypes sur la beauté de la peau noire.
PEAUX NOIRES, IDÉES CLAIRES
Proposer des alternatives saines et naturelles pour prendre soin de la peau, tel serait en une phrase, l’objectif de la scientifique ivoirienne. Pour certaines femmes, jeunes ou moins jeunes, noires ou déjà claires de peau, les produits de dépigmentation font partie intégrante de leur routine.
Quand tu lui demandes ses habitudes beauté, à elle, la femme savante en parle rapidement mais sincèrement.
« Je fais ça en quatre secondes ! », parlant de sa routine.
« Je trouvais ça paradoxal de mettre autant d’argent et de temps pour être toujours insatisfaite, [finalement, NDLR] », s’exprimant sur ces nombreuses femmes en quête de solutions diverses pour leur problème de peau, pourtant récurrent.
Pour arriver à conseiller, aiguiller ces dames, ces nanas, afin de les aider à sublimer leur beauté naturelle, il a fallu bien entendu suivre parfaire sa connaissance, suivre une formation.
Les siennes, d’études, elle les a faites au pays des horlogers qui mettent pendules et montres à l’heure : en Suisse.
Avec Masewa, l’autrice beauté milite pour un recours aux principes actifs (l’aloe vera, le moringa, le neem, etc.) Il est déjà 20 heures quand celle qui se considère comme « privilégiée » fait bifurquer la conversation vers la spiritualité.
« Je considère que tout le monde a une mission [sur terre, NDLR]. »
La sienne est née lors d’un stage sur l’Île de la Réunion où elle fait un projet sur le diabète.
« J’ai eu un professeur de recherches qui me laisse en totale autonomie sur un projet énorme. Je travaille sur le Cyroi, un hub de start-ups qui utilisent énormément la nature qui la combine avec la technologie et qui arrivent à sortir énormément de produits. »
Sur Masewa, eux, les produits sont tracés. C’est une des garanties de l’entreprise installée depuis à Abidjan. L’autre élément auquel elle tient c’est la transparence.
Et pendant ce temps-là, Rihanna elle Shine like a Diamond avant que The Weekend ne prenne le relais. Rien que ça.
Riche de ces expériences suisses et réunionnaises, Sandrine retourne finalement en Côte d’Ivoire déterminée à mettre en pratique ce qu’elle a appris.
« Là-bas, j’ai réalisé que ce que je voulais n’était pas uniquement de la pharmacie mais que c’était bien plus large. », en faisant une pause dans le flot de ses souvenirs avant de rajouter : « Je voulais comprendre comment faire pour fabriquer des médicaments. Je voulais comprendre comment utiliser les plantes que nous avons en Afrique pour soigner les gens. J’ai réalisé que c’était ma passion. »
De la passion à la réalisation, il n’y a qu’un pas ou plutôt un pas de porte : celui de Nature et Traditions, sa marque de cosmétique qui fait la part belle aux ingrédients issus de la biodiversité africaine.
C’est à ce moment-là que le groupe Noru Capital, qui est derrière Masewa, vient la voir. « Ils croient en une Afrique émergente. », en guise de mini-présentation.
AVEC MASEWA, SANDRINE FAIT LA PEAU AUX IDÉES REÇUES
Dix ans plus tard, depuis devenue cofondatrice de Masewa, poursuit sa mission audacieuse : sélectionner les meilleurs cosmétiques naturels Made In Africa et les porter dans les salles de bain du monde entier.
CONFIANCE AVEUGLE
« C’est une plateforme d’e-commerce qui va se positionner en tant que distributeur numéro un des cosmétiques Made In Africa. », développe-t-elle
Et pour se faire, la cheffe d’entreprise « source toutes les meilleures marques cosmétiques en Afrique, que ce soit au Tchad, au Malawi, au Maroc, etc. […]»
La musique a baissé d’un ton. Et les mots captés à la volée permettent d’identifier ces anglophones sur la droite. Ils attendent leur nourriture.
Ce qui nourrit l’esprit de celle, dont le teint noir était « plébiscité quand elle prenait l’avion avec son papa », c’est ce fastidieux travail quotidien.
« Aujourd’hui, faisant une pause pour bien choisir ses mots, on sélectionne selon une charte selon une charte beauté qu’on a mise en place. […] Ce sont des produits naturels qui « respectent » le consommateur dans ce qu’il est et dans ce qu’il veut avoir. On donne des conseils. »
Pour lui donner des conseils, l’entreprise de cosmétique naturelle offre la possibilité au consommateur, à la consommatrice de faire « un bilan en ligne ». « Peau, cheveux, visage, corps », précisant les parties concernées.
Cette possibilité de faire un bilan en ligne, donc, pour orienter les choix de soins est un exemple palpable de la façon dont l’entreprise s’efforce de servir au mieux ses clients.
« […], Nous, on se charge de faire en sorte que sur ce site d’e-commerce ce qui est mis en avant c’est la sécurité du consommateur. Tout ce que tu prends sur le site ne constitue pas de danger pour ta santé. Les yeux fermés, tu peux shopper et prendre ce que tu veux.[…] »
Mais des scientifiques du dimanche qui pullulent sur Instagram viendront t’expliquer que cette crème a l’aspect repoussant et dont tu ignores tout est LE produit qu’il te faut. Oh honte !
« Aujourd’hui, les ingrédients sont connus mais pas la cosmétique parce qu’on ne fait pas confiance aux experts sur place. On va faire beaucoup plus confiance à des grands laboratoires, poursuivant sur sa lancée, à l’extérieur alors que, pour connaître beaucoup de marques, on se rend compte que nos produits plus riches en principes actifs parce que nous, on utilise directement la nature, on ne fait pas beaucoup de transformations. »
On ne l’arrête plus. Ni les bribes de conversations qui interfèrent de temps en temps, ni ces couverts qui ne sont pas leur assiette mais plutôt dans les petites mains d’enfants qui dînent avec Papa et Maman. Ceux de la défenseuse du Made In Africa attendent le début de « leur pyjama party ».
Pour elle, la combinaison entre ce qui « a été appris avec la mondialisation » et ce qu’on sait déjà sur les produits naturels fait la différence. « C’est plus secure », lâchant un petit mot d’anglais.
« Ta peau normalement doit te protéger. Quand tu utilises un produit conventionnel, il va venir mettre une grosse plaque de silicone, faisant le geste d’un dépôt sur la peau. C’est elle qui elle va jouer le rôle de protection que la peau était censée jouer. […] »
Aujourd’hui, Masewa 15 marques de 5 pays et une centaine de produits, livrables partout dans le monde entier à des prix attractifs. « 90% des marques sont détenues par des femmes. »
Parmi les pays, figurent le Bénin, la Côte d’Ivoire, mais aussi l’Éthiopie, la Guinée et enfin le Maroc.
« Ils te couvrent de la tête au pays. », parlant de tous ces biens disponibles. De nouveaux d’autres pays sont à venir. D’ici là, l’objectif à long terme, l’essor de l’A-beauty, l’industrie cosmétique Made In Africa, sera peut-être atteint.
NON, À LA PAUVRE AFRIQUE
En tout cas, Sandrine Kouao, elle, continuera sa mission possible : un développement qui passe par le bien-être.
« Je suis convaincue que l’Afrique a un potentiel énorme. Nous avons des richesses naturelles incroyables, une créativité débordante, une jeunesse dynamique…Il faut juste changer de perspective et arrêter de voir l’Afrique comme un continent en retard ou en difficulté. Nous pouvons être des leaders dans de nombreux domaines, y compris la beauté et la santé. »
Sur cette lancée, continue l’afro-optimiste :
« On est tous en train de dire aujourd’hui on doit développer l’Afrique, on doit donner des fonds, on doit les accompagner… Sauf qu’en fait si l’africain ne sent pas bien pas dans ce qu’il est, ça ne sert à rien de lui donner des ressources pour qu’il puisse le maximum de faire ce qu’il est capable de faire. », avant de modérer ses propos par rapport à la faiblesse des revenus certains :
« Des femmes dépensent 100 000 francs pour se dépigmenter ou pour mettre des perruques alors que leurs revenus ne leur permettent pas toujours une telle dépense. Donc la question que je me pose, c’est : » Quel est le schéma mental qui te permet d’oublier ta faim pour te dire que, être plus claire, ou bien dépigmenter ton enfant sera beaucoup plus profitable pour toi que de te débrouiller pour manger ? »
Avant d’asséner le coup de grâce, tuer ceux qui pensent que l’africain est forcément pauvre :
« Moi, je dis toujours que l’Afrique c’est le malheur des richesses. » Ainsi parla Sandrine Kouao.
La conversation touche à sa fin. Son discours rôdé est terminé. Place à « la pyjama party » avec ses enfants à qui elle explique que : « Maman est en train de révolutionner le monde. »
Et dire qu’enfant, elle n’était « absolument pas ! » intéressée à tout ce qui touchait à la peau noire.