Décembre, un mois synonyme de fêtes, bûche de Noël, feu de cheminée et chalet sur-décoré de guirlandes lumineuses en tous genres… Pourtant, à près de 5000 Kilomètres de Paris, le dernier mois de l’année commence dans le sang et la désolation.
Nous sommes le 1er décembre 1944.1600 tirailleurs sénégalais – rassemblés à Thiaroye dans les camps militaires de la périphérie de Dakar – réclament les paiements de leur solde. Le salaire qu’ils ont reçu n’était pas vraiment celui auquel ils s’attendaient. Ils ont tous été massacrés par l’armée française à coup de mitraillette. Pourquoi ? Pour avoir songé, pardon osé, demander naturellement leur dû suite à la guerre avant d’être fait prisonniers par les nazis. Une revendication qui tournera au drame… Une page sombre de l’Histoire coloniale où la France doit répondre de ses actes. Le massacre de Thiaroye reste toujours enfoui profondément dans les mémoires, près d’un demi siècle plus tard. Si on réfère à la version officielle, il s’agissait d’une mutinerie (d’hommes SANS ARME) menée par des rescapés désignés arbitrairement comme meneurs du mouvement et qui seront condamnés à plusieurs années de prison. Ce soulèvement injustifié, conduira les français à se défendre causant (seulement?) 35 morts.
Armelle Mabon : ses connaissances au service de la vérité
La version des faits « officielle » des troupes françaises est contestée depuis plusieurs années par des historiens. L’historienne française Armelle Mabon, de l’université de Bretagne Sud, fait partie de ceux qui tenté de trouver la vérité sur cette sanglante histoire dont de nombreuses pièces du puzzle sont encore manquantes. Considérée comme l’une des plus grandes spécialistes sur la question, elle mènera durant 15 ans sa propre enquête sur le triste massacre de Thiaroye. Fouilles au fin fond des archives militaires, confrontations de différents documents, son travail besogneux portera finalement ses fruits. Elle démontrera qu’au-delà du bilan officiel des 35 morts, au moins 335 militaires ont disparus. Toujours basé sur ses recherches, on découvrira que la soit-disant mutinerie est une invention de toute pièce pour « montrer l’exemple et résoudre définitivement le problème ». La tâche de l’historienne était loin d’être aisée. « La compréhension de cet événement s’est accélérée avec l’intervention du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui m’a permis d’accéder aux dossiers de cinq victimes au sein des archives militaires », affirmera-t-elle.
Des œuvres culturelles pour dénoncer l’injustice
C’est dans des cas d’injustice comme celui-là que le travail de mémoire est très important. À l’occasion du soixante-dixième anniversaire du massacre de Thiaroye, plusieurs manifestations ont été organisées, en France comme au Sénégal, afin que le nombre incalculable de victimes ne tombent jamais dans l’oubli. C’est le cas du Conseil Représentatif des Associations Noires de défense contre le racisme (CRAN) qui avait organisé une conférence de presse, le matin du vendredi 28 novembre dans la cité parisienne, en compagnie du fils d’une des victimes, pour réclamer réparation à l’état français, lançant également une procédure judiciaire. Les personnalités locales ont rendu hommage aux victimes de ce jour noir, par le biais de divers supports. L’artiste sénégalais Ouza, auteur d’une chanson sur le sujet, a même été emprisonné à l’époque, pour avoir dénoncé cette boucherie. Le cinéaste sénégalais Ousmane Sembène s’en inspirera aussi dans son long métrage Camp de Thiaroye, film qui a eu un écho à l’international. Soixante-dix ans plus tard, après un travail de longue haleine, la vérité éclate enfin, un jour ou l’autre même si cela prend du temps tout fini par se savoir.
NOFI souhaite témoigner son respect à ses tirailleurs sénégalais, leurs familles, nous ne vous oublions pas.
Source : afrik.com, jeuneafrique.com