Joseph Bologne : le Chevalier de Saint-Georges

L’histoire des peuples africains est si vaste et si spectaculaire qu’on ne sait pas par où commencer. Et ce n’est pas seulement l’histoire des nations, des royaumes et des communautés, mais aussi celle d’individus exceptionnels, de grands hommes et de grandes femmes. L’un des plus extraordinaires de ces individus nous vient de l’Europe du XVIIIe siècle, et il attire notre attention comme un puissant aimant. Il s’agit de Joseph Bologne, connu dans l’histoire sous le nom de Chevalier de Saint-Georges.

Portrait de Joseph Bologne de Saint-George. Éditeur : Thomas Bradshaw, Londres. « D’après une photo originale de l’Académie de M. H. Angelo.

Dans un essai intitulé « Le Chevalier de Saint-Georges« , Edward Scobie a documenté la vie de ce compositeur, chef d’orchestre, violoniste, épéiste, cavalier et soldat français, l’une des figures les plus remarquables du XVIIIe siècle. Ce fils d’une esclave africaine, Nanon, largement considérée comme la plus belle femme de l’île de la Guadeloupe, et d’un père membre d’une riche famille de la colonie française de la Guadeloupe, dans les Caraïbes, a réussi à se hisser au sommet de la société française.

Il s’est hissé au sommet de la société française grâce à sa maîtrise de l’escrime et à son génie pour la musique classique européenne. Sa carrière diversifiée est immortalisée dans le célèbre portrait peint en 1787 par l’artiste américain Mather Brown à Londres. Dans ce portrait, Saint-Georges est habillé pour un concert mais tient une épée à la place de la baguette d’un chef d’orchestre.

Né un joue de Noël

Joseph Bologne, qui allait devenir le Chevalier de Saint-Georges, est né le jour de Noël 1745 et s’est installé en France en 1755. Malgré le statut de son père, l’héritage africain de Saint-Georges le rendait inéligible à la noblesse et à ses titres selon la loi française. Il finit par prendre les titres, légalement ou non. C’était l’époque des Lumières en France et pourtant, des philosophes comme Voltaire faisaient partie de ceux qui soutenaient que les Africains étaient génétiquement inférieurs aux Européens.

Chevalier de Saint-Georges
Le jeune Saint-Georges en 1768, âgé de 22 ans. Les trois roses sur son revers sont un symbole maçonnique.

Un Code Noir restreignant et réglementant la vie des Africains, existait en France depuis le 17ème siècle. Il est indéniable qu’il était doué, mais ses talents innés ont été magnifiés par des efforts incessants, lui permettant non seulement d’être meilleur, mais surtout de surmonter la barrière raciale qui le plaçait dans la classe sociale méprisée des « Mulâtres » parce que son père était Blanc et sa mère Noire. Les mariages interraciaux sont officiellement interdits, mais certains se marient malgré l’interdiction.

En raison de la richesse et du statut de son père, Saint-Georges a bénéficié d’une éducation supérieure. À l’âge de 13 ans, il entre dans une académie d’escrime et un internat d’élite. Les matinées à l’académie étaient consacrées à des cours de mathématiques, d’histoire, de langues étrangères, de musique, de dessin et de danse. Les après-midis étaient consacrés à l’escrime. Un de ses camarades de classe a écrit que Saint-Georges était l’homme d’armes le plus extraordinaire jamais vu. Plus tard, on l’appellera « le dieu des armes« .

Il semblait exceller dans tout ce qui était athlétique. On le voyait souvent traverser la Seine à la nage avec un seul bras, et en patinage, son habileté dépassait celle de tous les autres. Quant au pistolet, il manquait rarement sa cible. En course à pied, il avait la réputation d’être l’un des meilleurs coureurs de toute l’Europe.

En plus de ses talents d’athlète, Saint-Georges était également un excellent danseur. En effet, en matière de musique, et malgré les barrières raciales, Saint-Georges maîtrise rapidement le clavecin et le violon, et compose une sonate pour flûte et harpe. Il est devenu l’un des premiers compositeurs français de quatuors à cordes. On a fait grand cas de la réputation de Don Juan Noir de Saint-Georges. Saint-Georges a eu au moins une relation amoureuse sérieuse, mais les attitudes raciales l’ont empêché d’épouser quelqu’un de son niveau social.

Chevalier de Saint-Georges
Chevalier de St-Georges par l’Abbé Alexandre-Auguste Robineau

En 1778, Saint-Georges avait atteint son apogée professionnelle en tant que compositeur. Il a publié deux symphonies concertantes en 1776 et deux autres en 1778. En 1777, il a écrit trois concertos pour violon et six quatuors à cordes. Certains appellent Saint-Georges le Mozart noir. Au début de 1779, Saint-Georges commence à jouer de la musique avec la reine Marie-Antoniette à Versailles, à sa demande. Il est également l’un des premiers Noirs maçons de France.

Les voyages de Saint-Georges en Angleterre lui font découvrir le mouvement anti-esclavagiste. Il finit par participer à la fondation d’un groupe français appelé la Société des amis des noirs. Le soutien de Saint-Georges à la libération des Africains réduits en esclavage était bien connu en Angleterre, et était sans doute suffisamment irritant pour justifier les tentatives d’assassinat du cartel des esclaves britannique.

En septembre 1791, une délégation de Noirs demande à l’Assemblée nationale française de l’autoriser à se battre pour défendre la Révolution et ses idéaux égalitaires. L’Assemblée approuve la création d’un corps composé principalement de Noirs, avec 800 fantassins et 200 cavaliers. Saint-Georges en est nommé colonel. Son nom officiel est légion franche de cavalerie des Américains, mais elle est bientôt connue de tous sous le nom de Légion Saint-Georges.

Le colonel choisit son ami et protégé, Alexandre Dumas, comme lieutenant-colonel. Comme son colonel, il était le fils d’un aristocrate français et d’une femme africaine asservie. Il eut ensuite un fils, également nommé Alexandre Dumas, qui devint célèbre en tant qu’auteur des Trois Mousquetaires, du Comte de Monte Cristo et de L’Homme au masque de fer.

Chevalier de Saint-Georges
St. Georges soutenu par « Mlle » d’Éon boxant avec le Col. Hanger et le Prince de Galles.

Saint-Georges a vécu seul dans un petit appartement à Paris pendant les deux dernières années de sa vie. À la fin du printemps 1799, une infection de la vessie non traitée le rendit faible et fiévreux. Il meurt le 10 juin 1799 (l’année de la naissance d’Alexandre Pouchkine). Les journaux ont célébré sa mémoire avec respect et émotion. Depuis 1912, une rue de la Guadeloupe porte son nom. En décembre 2001, le conseil municipal de Paris a voté le changement de nom d’une rue parisienne de la rue Richepance en rue du Chevalier de Saint-George.

Notes et références

*Runoko Rashidi est un historien réputé, un globe-trotter et l’auteur ou l’éditeur de plusieurs livres. Parmi ses ouvrages les plus récents, citons Black Star : The African Presence in Early Europe, en 2012, et African Star over Asia, en 2013.

Article traduit et initialement publié par le site atlantablackstar.comLire l’article original

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Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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