Le panafricanisme est aujourd’hui un courant populaire auprès des masses populaires d’Afrique et de sa diaspora. Cependant, cette idéologie ne date pas aujourd’hui, elle repose sur une grande histoire. Ici, nous reviendrons sur les origines de la mouvance panafricaniste, ses objectifs et les problèmes auxquels elle a dû et continue de faire face à chaque époque depuis sa naissance.
INTRODUCTION SUR LA TRADITION UNITAIRE EN AFRIQUE ET LA DÉFINITION DU PANAFRICANISME
L’Afrique est un continent polycentrique et hétérogène, caractérisé par de multiples réalités, cultures et coutumes. On pourrait dire que c’est un espace à part entière qui constitue sa singularité. Ces différences n’ont pas toujours été synonymes de division sur le continent. Bien au contraire, le désir d’unité africaine dans la diversité a été un concept »endogénisé » et valorisé au sein des cultures africaines, comme le Dr. Cheikh Anta Diop nous le demontre dans ses ouvrages. Un désir qui a conduit à un idéal supérieur qu’on appelle le panafricanisme.
Historiquement, l’Afrique a vu naître et prospérer des royaumes et des empires sur son sol. De vastes empires qui n’étaient pas destinés à s’imposer de manière belliqueuse (contrairement à certains caricatures historiographiques), mais qui visaient à s’unir sous des confédérations. Emblématique est, par exemple, la Charte Kouroukan Fouga (plus connue sur le nom de Charte Manden à l’UNESCO) de 1235, qui était une charte des droits et devoirs consistant à unir l’Empire du Mali (ou Manden Kouroufa) suite à la victoire du Roi Mari Soundiata Keïta à Kirina.
Nous pouvons parler aussi des personnalités comme Shaka Zulu, qui a dédié son existence au désir d’unir une grande partie de l’Afrique du Sud, ou du roi Behanzin à la tête du Dahomey, Samory Touré et son Empire Wassoulou, ainsi que des femmes comme Kimpa Vita, qui ont consacré leur vie à la réunification du Kongo Dia Ntotila (plus connu sous le nom de Royaume Kongo).
À partir de ces éléments, nous voulons tisser la trame de la volonté d’unité africaine d’aujourd’hui, c’est à dire l’unité continentale. Une unité qui ne sera plus limitée à des royaumes.
PANAFRICANISME D’HIER ET AUJOURD’HUI : UNE SI LONGUE HISTOIRE
Comme l’indique le terme lui-même, le panafricanisme entend représenter l’unité des Africains présents sur le continent ou dans des zones géographiques comprenant une forte diaspora (Caraïbes, Amériques, etc.). C’est une idéologie sotériologique, c’est-à-dire de salut, puisque son but est de libérer les peuples africains à la fois des pouvoirs exogènes de domination et de l’asphyxie socio-politico-économique endogène.
Depuis sa genèse, la pensée panafricaniste s’est située aux antipodes des frontières établies par la conférence de Berlin de 1884-1885, qui a balkanisé l’Afrique et, par conséquent, créé des nations artificielles qui ne respectaient pas toujours le statu-quo de l’africain du continent. Le but ultime du panafricanisme est la construction d’une »Grande Afrique » unifiée, à travers la réappropriation de la »souveraineté continentale » sous tous ses aspects, et surtout l’émancipation des maux endogènes qui paralysent le progrès de l’Afrique.
Il devient nécessaire de se poser la première question : pourquoi penser en termes fédéraux ? Car, dans ce monde géopolitique, seules les civilisations qui ont décidé de s’unir au nom d’un destin commun et d’une matrice qui les unit, pèsent et sont respectées. Par exemple, en Europe de l’Est un concept continentaliste comme l’eurasisme s’est répandu et est soutenu, prôné et défendu par l’intellectuel russe Alexandre Douguine, puisqu’il soutient qu’une matrice unit cet espace.
De même, en Amérique latine, on pense que seule une Amérique du Sud unie, comme l’espérait à son temps Simon Bolivar, peut conduire à un véritable salut face au dollarisme et aux contraintes endogènes qui bloquent le progrès et l’émancipation de ces peuples. Le panaméricanisme latin est un concept porté par des personnalités telles que Raphael Machado, dirigeant du mouvement Nova Resistencia, comme d’autres représentants continentalistes et anti-imperialistes de cet espace. Si l’on regarde la Chine, cette dernière apparaît comme une somme de plusieurs provinces, unies au nom d’un destin commun, tandis que les États-Unis d’Amérique (même si on peut leur apporter des critiques face à leur politique impérialiste) sont une fédération qui, dès l’instant où leurs pères fondateurs ont compris que seule l’unité aurait pu faire peser ce bloc dans le concert géopolitique, ont embrassé ce qu’ils croyaient être leur destin soteriologique d’unité.
On voit donc comment toutes les nations qui se sont unies au cours de l’histoire sont celles qui ont compris que l’unité fait basculer les rapports de force à leur avantage. Le panafricanisme représente la réponse de l’Afrique à ce concept global qu’est l’unité.
Mais on ne saurait parler en profondeur du panafricanisme, et de ses objectifs réels, sans analyser sa genèse, son origine et ses patriarches.
LE MARRONNAGE
Tout d’abord, il nous faut préciser que le panafricanisme n’est pas né en Afrique, mais dans la diaspora afro-descendante des Amériques, et trouve sa genèse dans la période de la traite négrière. Les souffrances que les Noirs ont traversées lorsqu’ils ont été kidnappés de leurs familles, ethnies, royaumes et déportées vers les Amériques ont conduit à un sentiment de maturité sociale commun. Dans un contexte de brutalité et d’oppression du grand Capital, un mouvement connu sous le nom de » marronnage » prend naissance.
Mais de quoi parle-t-on lorsque on invoque le concept de marronnage ?
Pour répondre correctement, il est nécessaire de remettre dans le contexte le comportement des déportés noirs. À l’époque de la traite négrière, il y avait trois types de noirs :
- le Noir de la plantation totalement soumis au maître,
- le Noir en quête d’une plus grande autonomie sans chercher à se débarrasser complètement de celui qui l’opprimait,
- et enfin, le Noir qui voulait une indépendance définitive vis-à-vis du maître, recherchant l’autodétermination intégrale et la liberté ; un Noir donc qui s’enfuit et bâtit avec ses semblables, des villages autonomes, où il pourrait être le seul maître de son destin.
Cette dernière catégorie appelée Neg-Marron (ou Nèg Mawon), réprésentait donc les Noirs prêts à tout pour leur liberté, au nom d’un sentiment »pan-négriste » (solidarité noire) commun.
LA RÉVOLUTION HAÏTIENNE
Au fil des siècles, la conscience noire s’était très »radicalisée », en particulier pendant la Révolution française de 1789, après quoi certains Noirs ont réalisé que la liberté ne devait et ne pouvait pas être un concept à géométrie variable. De cet événement et de cette prise de conscience naquit l’une des plus grandes révolutions noires de l’histoire : le 22 août 1791, plusieurs Neg-Marrons, en compagnie du prêtre vaudou Dutty Boukman, se réunirent sur l’île française de Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti) à fin de débuter la Révolution haïtienne contre le système esclavagiste colonial français. La révolution fut menée par le général François Doménique Toussaint Louverture (1743-1803), qui, entre actions plus ou moins diplomatiques, se battit pour racheter Saint-Domingue du colonialisme français, se retrouvant souvent en collaboration avec les Britanniques ou les Espagnols dans une tonalité anti-coloniale française. Ce fut une lutte qui dura des années et qui fut plus tard remportée par d’autres personnalités comme Jean-Jacques Dessalines (1758-1806). Ceux qui ont mené la révolution ont réussi à discipliner et à former les habitants de l’île, faisant front uni contre le même ennemi, au point que Napoléon Bonaparte, craignant que ses intérêts impériaux ne soient perturbés, décide de rétablir l’esclavage dans les colonies (aboli juste après la Révolution française) et d’arrêter Louverture en 1802, qui fut déporté en France et emprisonné jusqu’à sa mort. Avec l’arrestation de Louverture, l’Empire napoléonien pensait pouvoir étouffer la révolution haïtienne, mais ce fut une erreur : lors de son arrestation, en effet, Louverture a déclaré :
» En me renversant, on n’a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l’arbre de la Liberté des Noirs, il repoussera par les racines parce qu’elles sont profondes et nombreuses ».
Une prédiction qui se réalisa grâce au général Dessalines, qui prit les rênes de la situation et continua la mission de Louverture jusqu’à la Bataille de Vertières (18 novembre 1803), qu’il voit s’affronter les Neg-Marrons et les troupes napoléoniennes et sanctionne la défaite de ces dernières. Suite à la défaite militaire de la France, le 1er janvier 1804, Saint-Domingue, obtient son indépendance de fait. Rebaptisé du nom de »Haïti’, cette dernière était devenu la première république noire de l’histoire.
Depuis lors jusqu’à aujourd’hui, Haïti n’a cessé d’être déstabilisée car elle paie le prix de sa résistance et de son insoumission. Mais on pourrait dire que la révolution haïtienne représente le premier sentiment pan-négriste et panafricain.
PANAFRICANISME MODERNE ET DÉCOLONISATION EN AFRIQUE
De nombreux intellectuels haïtiens, dont Martin Robinson Delany (1812-1885) et Benito Sylvain (1868-1915), ont lutté pendant leur vie pour un projet panafricain. Plus tard encore, c’est un Jamaïcain qui a osé mettre le projet unitaire panafricain au centre de la table, parmi toutes les catégories sociales noires : Marcus Mosiah Garvey (1887-1940), le leader le plus influent du monde noir de au début du XXe siècle. Né à Saint Ann’s Bay (Jamaïque), Garvey a beaucoup voyagé à travers le monde ; s’installant aux États-Unis, il fonda en 1914 l’Universal Negro Improvement Association (UNIA). UNIA a été la première organisation nationaliste noire et panafricaine qui s’articulait autour de l’idée du Grand Retour en Afrique (Back To Africa), de l’autodétermination et de la décolonisation totale du continent. Dans les années vingt du XXe siècle, il est le premier à proférer le concept » États-Unis d’Afrique » : Garvey, en effet, a compris que seul un grand bloc panafricain uni d’Afrique pouvait résister en face au colonialisme exogène et être respectée dans le concert des nations. Pour ce faire, Garvey a réussi – par l’intermédiaire de la compagnie maritime qu’il possédait, la Black Star Line – à transporter de nombreux afro-descendants au Libéria de 1919 à 1922. Il était devenu une menace pour les intérêts du gouvernement américain aux USA et au Libéria (ainsi que dans les colonies limitrophes). Le gouvernement américain avait donc décidé de l’arrêter d’abord, puis l’expulser vers la Jamaïque. Cependant, ses idées ne sont pas mortes, car elles étaient l’essence du cinquième Congrès panafricain de 1945, qui a vu la participation des futurs » nouveaux dirigeants » des néo-nations africaines, dont Kwame Nkrumah, Ahmed Sékou Touré et Jomo Kenyatta. Ces hommes étaient des personnalités qui ont opté pour une » voie africaine du socialisme » qui, combinée au panafricanisme, représentait la seule voie (selon leur vision) pour trouver le salut en Afrique. Profondément et fermement anticolonialistes, ils placèrent l’urgence de la décolonisation africaine sur la scène internationale : suite à ce Congrès, en effet, et à une démarche de lutte, de nombreuses nations africaines parvinrent à obtenir leur indépendance dans les années qui suivirent.
Peu de temps après les indépendances, cependant, un nouvel obstacle est apparu, à savoir celui représenté par le » néo-colonialisme ». Si d’une part le colonialisme consistait, à l’esclavage à domicile, au pillage évident sur le terrain par les grands capitalistes caucasiens, le néocolonialisme, quant à lui, s’était posé comme une forme paternaliste des pays ex-colonisateurs sur les pays néo-indépendants à travers la cooptation des élites africains, les accords des coopération qui consistaient à être des accords de domination unilatérale, le contrôle du systèmes militaire et économique, à travers le concept plus connu comme Françafrique (pour ce qui concerne la zone franc). Le néocolonialisme était devenu une forme plus latente par rapport au colonialisme : le colon ne se distinguait plus par la couleur de sa peau, car certains élites africaines avaient accepté ce nouveau système.
Cela accentue de plus en plus le désir d’unité fédérale chez les dirigeants dit »radicaux » , qui raisonnaient davantage dans une perspective panafricaniste, comme Nkrumah, Modibo Keita, Patrice Lumumba, Sékou Touré et Julius Nyerere. Le sentiment fédéral conduira à la création, le 25 mai 1963, d’un organisme international appelé Organisation pour l’unité africaine (OUA), qui, d’un point de vue politique, était le précurseur de l’actuelle Union africaine (UA). Mais avec le temps, le projet initial d’unité africaine avait commencé à être abandonné, les élites politiques pensait davantage en termes de micro-nationalismes au lieu de comprendre que les néo-nations indépendantes étaient facilement attaquables par l’impérialisme.
Les dirigeants panafricains et patriotes qui ont osé s’opposer à toute hégémonie exogène ont été éliminées par l’impérialisme. Très souvent, les impérialistes ont collaboré avec des Africains pour renverser des régimes. A cet égard, on ne peut manquer de penser à des hommes comme le président du Burkina Faso, Thomas Isidore Sankara (1949-1987), panafricaniste non-aligné s’opposant à la dette coloniale et partisan de la pleine autosuffisance africaine. On ne peut que penser à des hommes comme le Premier ministre congolais Patrice Emery Lumumba (1925-1961), le révolutionnaire camerounais Ruben Um Nyobe (1913-1958), ou encore, le panafricain marocain Mehdi Ben Barka (1920-1965) et tous celles et ceux qui ont voulu et rêvé que l’Afrique pouissent décoller de sa condition.
LE PANAFRICANISME AU XXIEME SIÈCLE : DE KADHAFI À LA RÉSISTANCE CITOYENNE AFRICAINE
Au cours de son existence, l’OUA n’a pas toujours été capable de résoudre la plupart du temps les problèmes internes du continent africain et cet échec a conduit à la dissolution de l’organisation, pour céder la place à l’Union africaine (officialisée le 9 juillet 2002).
Mais bien que cette dernière se soit présentée comme une structure panafricaniste, par ses choix politiques, elle n’est qu’une structure imprégnée de néolibéralisme dans le domaine économique, qui suit donc l’agenda du globalisme et est financé par des forces exogènes (l’Union européenne, les États-Unis, entre autres). L’Union Africaine est aujourd’hui dans un état d’asphyxie, de paralysie et dépendante des autres. On pourrait donc définir – pour reprendre un néologisme employé par Kemi Seba dans son livre »Black Nihilism » publié en 2014 – cette structure n’est pas panafricaniste, mais »para-fricaniste ». Si le panafricanisme représente cette pensée de libération et d’unité pour le continent africain, plébiscitée par les masses populaires, le »PARA-FRICANISME » est, selon Kemi Seba, une pseudo-grille de lecture de l’unité africaine, qui consiste à voir le continent africain selon la lentille euro-centriste et élitiste. Pourquoi une telle affirmation ? Car si l’africanisme représente l’étude de tout ce qui concerne l’Afrique, ce dernier est presque toujours mené dans une perspective euro-centrée. Dans la sphère politico-économique, l’UA suit le modèle de l’Union européenne. L’Union africaine dans ses nombreuses lacunes n’a donc pas été en mesure de résoudre les problèmes les plus fondamentaux du continent africain.
Pourtant, un homme comme Mouammar Kadhafi (1942-2011) avait compris ces enjeux et considérait l’UA comme obsolète et incapable de résoudre les problèmes politiques, économiques et sociaux de l’Afrique.
C’est pourquoi il a décidé, lors de sa présidence de l’UA en 2009, de re-proposer la question des Etats-Unis d’Afrique, unis par un gouvernement unique, une monnaie souveraine unique, un passeport africain commun et une armée panafricaine unique. Kadhafi considérait, comme ses prédécesseurs, que seule une Afrique véritablement unie, pourrait être en mesure de surmonter tous les problèmes auxquels elle est confrontée tels que : le manque de souveraineté monétaire de 14 nations africaines, la faiblesse des armées nationales incapables de faire face l’avancée du fondamentalisme islamique, l’impossibilité pour les Africains de certaines régions continentales de se déplacer vers d’autres et le faible taux d’échanges entre les nations africaines, car trop dépendantes des puissances étrangères. Au début de ce XXIe siècle, ce sont des questions que Kadhafi avait beaucoup abordées lorsqu’il était en vie. Il a commencé à Lomé (Togo) en 2000 lorsqu’il a commencé à proposer l’initiative des États-Unis d’Afrique, puis à Conakry (Guinée) en 2007 et plus tard à Addis-Abeba (Éthiopie) au sein de l’Union africaine. L’initiative d’une Afrique fédérale a été bien acceptée et partagée par plusieurs chefs d’État du continent, à la seule exception de l’Afrique du Sud et du Nigeria qui à l’époque étaient moins intéressés.
Kadhafi a travaillé sur le projet du dinar-or, espérant la mise en place d’une monnaie continentale unique qui aurait du être arrimée, principalement à l’or, mais aussi aux diverses ressources minérales du continent africain. La Libye avait réussi à accumuler une grande quantité d’or grâce aux revenus pétroliers et avec cet or elle voulait se libérer de la domination impérialiste occidentale sur son territoire. Cette dynamique aurait pu permettre un décollage économique en Afrique et aurait garanti la souveraineté de toutes ces nations africaines sous otage du colonialisme économique. Parallèlement à cela, Kadhafi pensait que l’Afrique aurait du avoir un Fonds Monétaire Africain et une Banque centrale africaine pour garantir le statut de la future dinar d’or.
Un autre grand problème pour lequel il s’est battu était la création d’un passeport africain. Il faut savoir qu’à l’heure actuelle, les Africains de la zone CEDEAO (Communauté Economique des Etats d’Afrique Occidentale), ne peuvent se déplacer librement vers les pays de la zone CEMAC (Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale). Un seul passeport africain aurait pu éradiquer à jamais ce problème et faire de la libre circulation, un projet dont Nkrumah rêvait à l’époque, une réalité.
Kadhafi était déterminé dans ses actions, mais ses projets représentaient un grand danger pour les puissances exogènes qui voyaient dans tout cela la destruction de leurs intérêts en Afrique. Raison pour laquelle, les mêmes puissances impérialistes (France, Union européenne, Royaume-Uni, États-Unis à travers l’OTAN) ont orchestré l’assassinat de Kadhafi, décédé le 20 octobre 2011. Kadhafi représentait le dernier espoir du processus d’unité continentale initiée par les patriarches du panafricanisme. Par conséquent, sa mort a été une tragédie, car elle a représenté le dernier bastion de la solidarité africaine, de l’équilibre et de la stabilité dans la mer Méditerranée, cette mer qui depuis quelques années est devenue un cimetière à ciel ouvert et voit une »émigration thalassique » des Africains.
Aussi discutable que puisse être Kadhafi sur certains aspects, sa mort a été un désastre à bien des égards.
Pourtant son assassinat n’a jamais découragé la jeunesse africaine indomptable et recherchant sa souveraineté intégrale. Il existe aujourd’hui une nouvelle génération panafricaniste, en Afrique et dans la diaspora, mûre sur de nombreuses questions qui ont compris le danger qui pèse sur le continent.
Le panafricanisme a connu plusieurs phases de changement depuis sa genèse : la résistance contre l’esclavage dans les Amériques (le fameux marronage), la lutte contre le colonialisme à la fin de la Seconde Guerre dit » mondiale », la résistance au néo-colonialisme à partir de 1960 jusqu’à arriver au dernier stade représenté par le globalisme néo-libéral généralisé d’aujourd’hui. Un globalisme (ou mondialisme) qui étouffe le continent africain, et est la nouvelle forme de colonialisme d’aujourd’hui.
Au siècle dernier, le colon capitaliste caucasien a pénétré en Afrique et exploité les territoires qu’il a rencontrés sur son chemin (souvent avec le laxisme et la complicité des autorités locales qu’il a rencontrées).
Aujourd’hui, le colonialiste moderne a compris que pour maintenir sa suprématie il doit faire pénetrer en Afrique des ONG apatrides » thalassocratiques » (sous les financements de Georges Soros) suivant un agenda ultra-globaliste afin de les introduire dans les sociétés africaines ultra-millénaires enracinés dans la Tradition primordiale, pour coopter la société civile autochtone enraciné et la convaincre que la modernité occidentale (qui n’est rien d’autre que l’illustration d’un concept métaphysique hindou développé par Réné Guénon, concept connu sous le nom de » kali yuga », c’est-à-dire l’obscure époque, du désordre, du matérialisme, de l’individualisme, de l’anti-Messie, la même époque qui prophétisait le chef spirituel du Congo Simon Kimbangu en 1921 dans ses prophéties ) est leur salut, et que tout ce qui vise leurs valeurs traditionnelles est à vaincre ou à diaboliser. Bref, que l’Eldorado est l’Occident.
C’est donc ici qu’entre en jeu la lutte (si on utilise ces mots dans une optique géopolitique) entre les civilisations tellurocratiques (les civilisations multipolaires de la Terre, la Tradition, l’Identité, la souveraineté) contre les civilisations thalassocratiques (les civilisations impérialistes qui se sont construites grâce à l’exploitation maritime, le mondialisme, le néolibéralisme, l’unipolarité, la modernité kaliyugien et le capitalisme déréglementé).
C’est dans cette dichotomie que la jeunesse africaine se retrouve aujourd’hui face à de nouvelles forces exogènes de domination.
Par conséquent, ces ONG occidentales mondialistes qui penetrent en Afrique, qui n’ont été plébiscitées par personne, représentent un danger pour l’Afrique. Kwame Nkrumah dans son livre »Neo-Colonialism: The last stage of Imperialism » a parlé du néo-colonialisme comme de la dernière étape de l’impérialisme. On purrait dire, que aujourd’hui le vrai ennemi est globalisme (qui est le paroxysme de la globalisation). Pour cette raison, ils existent aujourd’hui des mouvements de résistance africains comme »Urgences Panafricanistes’‘ de Kemi Seba, »Yéréwolo : débout sur les remparts » de Adama Ben Diarra (dit Ben Le Cerveau) et Bassaro Sylla, ou des personnalités comme Nathalie Yamb, parmi tant d’autres, qui ont décidé de se battre et de résister face aux nouveaux dangers que l’Afrique connait.
LE FRONT ANTI-CFA, LES URGENCES PANAFRICANISTES ET LES MOBILISATIONS INTERAFRICAINES
Le franc CFA est une monnaie du patrimoine colonial français, imprimée par la Banque française et affiliée à l’euro, qui paralyse l’économie africaine locale et prive quatorze nations africaines de leur droit inaliénable à la souveraineté monétaire. Le franc CFA représente le dernier vestige du néocolonialisme français, du néolibéralisme et represente le symbole d’une finance apatride qui par son imposition en 1945 a détruit le sort economique (mais aussi politique) de la dit »zone franc » de l’Afrique.
Entre 2016 et 2017, Urgences Panafricanistes, que je dirige en Italie, a organisé des mobilisations simultanées à travers le continent et dans la diaspora contre le néo-colonialisme, qui ont fait écho à l’échelle mondiale. Urgences Panafricanistes (URPANAF) est une ONG internationale africaine, fondée en 2015 et présidée par l’activiste anticolonialiste Kemi Seba (figure de proue de la résistance africaine au XXIe siècle). Idéologiquement panafricaniste et souverainiste, Urgences Panafricanistes a fondé un an après sa naissance le Front Anti-Cfa (Front Anti-Colonialisme Français en Afrique), un réseau qui regroupe plusieurs organisations anti-colonialistes contre la Françafrique.
Le Front Anti-CFA est devenu un promoteur et un acteur de la question de la souveraineté monétaire. Le 19 août 2017 , date à laquelle s’est organisée une grande mobilisation internationale et à laquelle le militant Kemi Seba a brûlé ( non pas en tant qu’acte de vandalisme mais en tant qu’acte symbolique et de contestation pacifique )un billet de 5 000 francs CFA, déclarant à la fin de la mobilisation :
» Au 21ème siècle, normalement, chaque peuple a le droit de posséder sa propre monnaie, et de décider de son propre avenir politique. Mais aucun avenir ne peut se décider sans la maitrise de son économie. Nous avons des forces exogènes, en l’occurrence la Banque de France, qui a le droit de dire si oui ou non elle est d’accord avec les décisions que nous prenons. Cela montre que nous avons une monnaie qui est caduque, qui est une monnaie de servitude, d’esclavagisme, et de soumission. Le symbole recherché en brûlant ce billet, même si nous ne sommes pas riches, mieux veut vivre la liberté dans l’incertitude que l’esclavage dans l’allégresse et l’opulence. »
Pour ce geste, il a été arrêté au Sénégal et libéré (et expulsé vers la France après une semaine) au bout de quelques jours à la suite de mobilisations massives de la société civile sénégalaise et africaine sur le continent, qui réclamaient sa libération.
Les mobilisations anticoloniales ont suscité un écho mondial. Nous parlons des mobilisations pacifiques et anticolonialistes qui ont contraint la France à revoir la question monétaire africaine, et un an plus tard , un projet d’une nouvelle monnaie unique ,l’ECO, est annoncé. Une monnaie qui n’est pas encore en vigueur, mais qui devraient être mise en place dans les pays de la zone franc en Afrique de l’Ouest, y compris les pays anglophones Nigeria et Ghana) de cette région. Mais le système de cette future monnaie est critiqué par la société civile africaine pour certains critères qui n’ont pas été éliminés, comme l’affiliation pérenne à l’euro. Il avait été également critiqué par le gouvernement ghanéen de Nana Akuffo-Addo et Muhammadu Buhari, ils etaient opposés à l’affiliation à l’euro, exigeant que c’est les Africains que devront gerer leur monnaie. Une maturité de la situation, dont, humblement, le mérite revient au front anti-CFA.
Y A-T-IL UN ESPOIR POUR LE PANAFRICANISME ?
Il y a de l’espoir pour la cause panafricaniste, sur le plan sociale et populaire. Parce qu’il y a une conscience générationnelle jamais vue auparavant. La volonté d’unité, la critique des bases militaires occidentales et des multinationales étrangères sur le sol africain, la volonté de souveraineté, mais surtout, la critique de la mal-gouvernance interne. Tous ces facteurs, doivent nous pousser à penser positivement. La nouvelle génération africaine et afro-descendante est debout. Le résultat sera visible dans quelques années.