Jusque-là, le Sénégal n’avait pas de CAN mais ça c’était avant. Avant Édouard Mendy puis Sadio Mané.
Précédés d’immenses cris d’une joie libératrice et de courses folles, où le petit doigt de pied manque de cogner la table basse, de nombreux feux d’artifices déchirent le ciel étoilé. Ces bambins qu’on a envoyés au lit, malgré d’âpres négociations onusiennes pour voir la finale de la Coupe d’Afrique des Nations, ses prolongations puis ses tirs au but, ne les voient pas mais les entendent. Les plus futés l’auront compris et surtout les plus vieux, ces grands enfants qui y a encore quelques années tapaient dans le ballon rond, eux, l’ont vécu en direct. Il est un peu moins de 22 heures GMT, en Côte d’Ivoire où la prochaine CAN aura lieu. Ça y est ! Le Sénégal ramène la coupe d’Afrique à la maison, pour la première fois de son histoire. Retour sur une longue soirée historique.
LE SÉNÉGAL A RENDEZ-VOUS AVEC L’HISTOIRE
TRIBUNES PRÉSIDENTIELLES
Assis dans le fond, dans les tribunes présidentielles, qui n’ont jamais aussi bien porté leur nom, le président de la FECAFOOT Samuel Eto’o se fait voler la vedette par Chantal et surtout Paul Biya, dont les quarante ans au pouvoir (en novembre prochain) l’empêcheront de remettre en bonne et due forme le trophée aux Sénégalais. Qu’importe, puisque c’est ailleurs que les vraies choses se passent.
DAVID CONTRE GOLIATH
Sur la verte pelouse praticable du stade d’Olembé, située à Yaoundé, le Sénégal, au palmarès vierge, affronte l’Égypte, septuple champion d’Afrique ; la dernière remontant à 2010, déjà.
C’est aussi l’affrontement entre les deux derniers finalistes malheureux : les Pharaons face aux Lions Indomptables de Vincent Aboubakar, auteur du but victorieux ce jour-là, et les Lions de la Teranga face aux Algériens ; champions en titre néanmoins sortis dès le premier tour par la Côte d’Ivoire.
Mais c’est surtout un mano à mano entre les deux coéquipiers liverpuldiens.
À gauche, Sadio Mané : 2 passes décisives, 3 buts, depuis cette 33ème CAN, et une vraie influence certifiée sur le jeu sénégalais. Manque plus que la pastille bleue, pour confirmer.
À droite, Mohamed Salah : 1 passe décisive, 2 buts et un brassard apparemment trop serré pour qu’il fasse autre chose que disparaître des matchs avant de réapparaître comme si de rien n’était.
C’est une finale qui sur le papier a donc tout pour plaire et également plaire à tout le monde. Sauf au trouble-fête, l’invité surprise de cette CAN 2021.
LE SÉNÉGAL BUTE SUR LA PYRAMIDE GABASKI
Depuis qu’il a stoppé le pénalty d’Éric Bailly, puis ceux de James Léa Siliki et Harold Moukoudi, rentrés pendant la demi-finale face au Cameroun, le gardien autrefois remplaçant Mohamed « Gabaski » Gabal jouit d’une confiance inébranlable.
SALAH, LA FIN JUSTIFIE LES MOYENS
Et comme si ça suffisait, en ce very beginning de la première mi-temps, la 7ème minute pour être précis, le portier égyptien stoppe le pénalty tiré en force par…Sadio Mané ; lequel marche ainsi sur les traces d’un certain Didier Drogba, auteur d’un pénalty manqué lors de la finale de la CAN 2012 face à la redoutable et terrible Zambie.
Sadio Mané 1 – Gabaski 0. Merci Mohamed Salah, qui quelques instants auparavant, lui a à priori indiqué où est-ce que son coéquipier sénégalais tirerait. Vivement le retour à Liverpool !
L’ARBRITRE REFUSE DE SIFFLER
Ensuite par deux fois, l’ailier droit Ismaïla Sarr, que son club Watford a d’ailleurs félicité sans vergogne après avoir refusé de le libérer pour cette même compétition, prend le dessus sur son adversaire, centre dangereusement sans que personne ne reprenne le ballon. Les Sénégalais profitent finalement assez peu du fait que le défenseur égyptien Abdelmomem ait été averti après le pénalty.
C’est l’un des rares fois où M. Victor Gomes, l’arbitre sud-africain de la rencontre, porte son sifflet à la bouche. Puisqu’il fera preuve d’une étonnante clémence, envers les Égyptiens quand ceux-ci commettront des fautes ; un drôle de traitement qui n’échappera à la Toile.
ÉDOUARD MENDY À LA PARADE
À quelques minutes de fin de la première mi-temps, où Gabaski prouve encore en mondovision qu’il serait capable à lui tout seul « d’arrêter le conflit israélo-palestinien », Salah oblige Édouard Mendy à réaliser une parade décisive. Mi-temps : Sénégal 0 – Égypte 0.
Que ce soit au niveau du score ou des cartons, les Pharaons, et leurs nombreuses fautes d’antijeu récurrentes, s’en sortent finalement bien.
SADIO MANÉ OFFRE LA COUPE À SON PAYS
La seconde mi-temps est un copier-coller, beaucoup mieux réalisé que celui d’un étudiant obligé de procéder ainsi pour terminer son travail en retard, de la première mi-temps.
Aux Sénégalais les occasions, aux Égyptiens les solutions.
PLANS DE JEUX
Et ce peu importe la situation : ils arrivent toujours à contenir les assauts !
Il faut dire que depuis le début de la seconde phase du tournoi, les hommes de Carlos Queiroz, présent dans les tribunes après son pétage de plombs face au Cameroun, les Pharaons s’appliquent uniquement à bien défendre, colmater les brèches, tendre les nerfs de leurs adversaires, excédés par leur roublardise, et surtout attendre la séance de tirs au but. Là, leur gardien, qui sera élu « homme du match », fait le reste.
C’est d’ailleurs comme ça qu’ils ont éliminé la Côte d’Ivoire (On l’a déjà dit mais ça fait encore mal…).
En un mot, les Sénégalais jouent et les Égyptiens les font déjouer.
Si bien que le spectre d’une troisième finale perdue se profile à l’horizon, après celle de 2002 face au Cameroun, où l’actuel sélectionneur Aliou Cissé manque le dernier pénalty, puis celle de 2019 donc.
LA BAMBA
Les changements opérés en seconde mi-temps par le sélectionneur au masque noir assorti à ses dreadlocks, avec entre autres l’entrée du virevoltant attaquant Bamba Dieng, ne changeront rien : ni à la fin du temps réglementaire, ni en prolongations.
ÉDOUARD MENDY RASSURE LES SIENS…
Pis encore par deux fois, le nouvel entrant échouera face à Gabal. Encore et toujours lui ! Mais, il était dit/écrit/inscrit quelque part, dans son incroyable parcours semé d’embûches, avec un passage par la machine à broyer corps et âme Pôle Emploi en 2014, que c’est le gardien d’en face, superbement protégés par Kalidou Koulibaly et Abdou Diallo, qui serait le plus décisif : Édouard Mendy.
D’abord à la 117ème minute, lorsque le coéquipier de N’golo Kanté repousse des poings le ballon frappé par Marwan Hamdy.
Mais particulièrement lors de la séance des tirs au but.
Avant que le joueur, « dont le cœur penche pour le Sénégal depuis tout petit », ne réalise la désormais fameuse parade décisive, il eut un moment de chance et d’angoisse.
…AVANT QUE SADIO MANÉ NE LES DÉLIVRE
De la chance quand le tir de Mohamed Abdelmomem trouve le poteau et que le portier de 29 ans a la bonne idée, le bon réflexe de baisser la tête pour éviter un potentiel contre son camp.
De l’angoisse quand Bouna Sarr manque le sien. Les Égyptiens égalisent ensuite 2 tirs au but partout ! Ensuite, Bamba Dieng leur donne un avantage. Balle de match !
Sûr de son talent, Édouard Mendy n’a pas besoin qu’on le hype.
Quelques mois auparavant, il a été méchamment ignoré/oublié/snobé pour le trophée Yachine du Ballon d’Or, récompensant le meilleur gardien de but de la saison. Il s’agit d’un oubli encore plus scandaleux que le 7ème Ballon d’Or du marcheur blanc : Lionel Messi. Game Of Thrones vie.
Depuis qu’il joue sur la verte pelouse magnifique de Stanford Bridge, Édouard Mendy sait que : « Hype means nothing » La hype, ça veut rien dire en VOSTFR.
Alors, calme et serein, il le reste quand Mohanad Lasheen avance vers lui : il déploie ses 194 centimètres et repousse son tir. Premiers cris de joie aussi forts que ceux que des fans de feu DJ Arafat appelés…la Chine.
C’est maintenant autour de « l’autre grand footballeur sénégalais à évoluer en Angleterre ».
Houpette qui le gêne assez peu finalement, épaules croulant sous le poids des mains moites et tremblantes d’un peu moins de 17 millions d’habitants (chiffres de 2020, publiés par la Banque Mondiale), mais aussi images de l’échec de la dernière édition qui passent en boucle, le futur « meilleur joueur de la CAN 2021 » Sadio Mané, réconforté après son raté puis « béni » par ses coéquipiers, a la pression.
« S’il marque le Sénégal est champion d’Afrique ! » annonce Lilian Gatounes, présentateur-supporter des Lions de la Teranga.
La suite, tu la connais déjà : le Sénégal ramène la coupe à la maison, pour la première fois de son histoire.
Pour le plus grand plaisir de nombreux internautes. Morceaux choisis.
Et pendant ce temps-là…précédés de tohu-bohus, synonymes d’une ivresse enfouie puis enfin libérée, et de dérapages contrôlés, où le petit doigt de pied manque de cogner la table basse, de nombreux feux d’artifices abidjanais déchirent le ciel étoilé. Sénégal rek !