Avec Scheena Donia, « C’est maman qui commande » !

« C’est maman qui commande » de la gabonaise Scheena Donia aborde le sujet de la parentalité tout en honorant les mamans africaines sur le ton de l’humour.

« La maman parfaite n’existe pas et l’enfant parfait non plus » affirme Scheena Donia. Mère de quatre enfants, l’influenceuse gabonaise installée à Paris depuis dix ans partage son quotidien et celui de ses enfants dans sa première Bande dessinée « C’est maman qui commande ». Un ouvrage qui se moque de l’enfant roi, mais qui rend également hommage aux mères africaines avec amour, humour et fermeté.

Pourquoi avoir abordé le sujet de la parentalité ? Et pourquoi l’avoir traité sous forme de bande dessinée ?

Je voulais raconter nos histoires. Et, étant donné que ce sont des histoires de famille, je souhaitais que les petits comme les grands puissent la lire. La BD était donc le bon compromis. Je voulais quelque part écrire un livre que les enfants et les parents peuvent lire ensemble. Il fallait évidemment de belles illustrations. Mon inspiration c’était TomTom et Nana, avec lesquels j’ai grandi. Il s’agit d’un frère et d’une soeur très espiègles, dans un univers où l’on ne voyait jamais les parents. Je souhaitais donc que le parent soit aussi au cœur de l’histoire et pas n’importe lequel, la maman. Au final, c’est elle qui, au quotidien, est le plus souvent au contact des enfants. C’est elle qui gère les choses drôles et moins drôles de la journée, et elle a besoin de se faire obéir pour que ça roule. Un peu de parents, les enfants, et on a un livre que tout le monde peut lire.

Pourquoi avoir choisi le titre “C’est maman qui commande”?

C’est simplement la façon dont j’élève mes enfants. Je défends le bien derrière cette manière d’être ferme avec eux dans les choses essentielles. C’est comme cela que j’ai été élevée par beaucoup de mamans, par ma mère, mes tatas, les amies de ma mère, les cousines de ma mère et mes grands-mères. J’ai toujours remarqué que les femmes de chez nous avaient de la poigne. Il n’y avait pas de “attend quand ton père va rentrer”. Donc dans mon quotidien, la mère est l’autorité. On ne la conteste pas. Je regardais beaucoup d’émissions comme Pascal le grand frère et c’était souvent les mamans qui étaient dépassées par les enfants. Mon réflexe était toujours de me dire : “à quel moment nous on va fatiguer notre maman comme ça là ?”. C’est ainsi que m’est venu le “C’est maman qui commande”.

C'est maman qui commande

Comment vous est venue l’inspiration pour tous les épisodes de la BD ? 

Tous les épisodes sont des anecdotes vécues avec mes enfants. Ce sont des petites choses qu’ils ont dites ou faites. Souvent, les enfants ont des petites phrases magiques sorties de nulle part. J’avais pris l’habitude d’en faire des postes Facebook sur mon portable par exemple “on était au super U et puis Nathan a fait çi ça bla bla”. Par la suite, beaucoup de parents commentaient et rigolaient de mes postes. Facebook a tendance à nous ramener à des souvenirs postés des années auparavant. Un jour, l’application m’a renvoyé un souvenir de ma fille qui allait à l’école maternelle pour la première fois. Je me suis dit “oh mon dieu ma chouchoute”.

J’ai alors regardé tous les autres souvenirs et c’était un régal, je riais tellement. Je me suis dit “mais c’est fou, je peux en faire un livre”. J’ai donc commencé à copier/coller toutes ces petites histoires et à les noter dans un document word. Je me disais qu’elles racontaient un quotidien différent de celui que l’on pouvait voir dans Super Nanny : la maman qui est fatiguée de ses enfants. Ici, c’est plutôt la maman qui fatigue ses enfants. Et oui, on aime bien les fatiguer, il n’y a aucun mal à cela. C’était aussi aussi une manière de dire à ces mamans-là qu’elles ne sont pas seules et que la meilleure maman du monde n’existe pas.

Qu’aimeriez-vous que les enfants retiennent après avoir lu cette BD ?

J’aimerais que les enfants de la diaspora, surtout ceux qui sont nés ici, en France, se disent plusieurs choses. La première est qu’on les voit. Ces enfants qui ont une maman et une vie similaire, on les voit. La deuxième est que leur vie, leur quotidien est si intéressant qu’on veuille les raconter en BD. Beaucoup de mamans m’ont écrit pour me dire que leurs enfants se sont identifiés aux miens. Je souhaiterais que les enfants qui lisent “C’est maman qui commande” se disent que le champ des possibles pour eux est infini, que si une maman de 42 ans se lève pour écrire une BD, ils peuvent en faire de même. Se lancer dans des métiers créatifs, peu importe leur âge.

En quoi ce livre redéfinit la parentalité moderne ? 

Les médias mainstream ne nous décrivent que des mamans douces, dont les enfants sont bien blancs et qui ont de belles maisons instagrammables. La parentalité y est décrite comme Disneyland, sans hauts et bas. La réalité est que dès la grossesse, ce sont les montagnes russes entre les nausées, l’accouchement et les premiers mois. Je trouve qu’on ne donne pas souvent la parole aux parents, et notamment aux mamans qui avouent qu’il est difficile d’être parent. Pour moi, la parentalité c’est de parler du fait d’être parent de manière honnête, sans la saupoudrer de mensonge. Évidemment, c’est la chose la plus gratifiante et noble que j’ai faite dans ma vie. Mais c’est également la chose la plus épuisante physiquement, mentalement et financièrement.

C'est maman qui commande

Il y a des jours où je me dis : “mon dieu est-ce que je ne peux pas les abandonner sur une île quelque part, foutre le camp en Australie et devenir chanteuse, j’en ai marre”. Et il y a surtout les jours où j’adore mes enfants, je les regarde et je me dis juste qu’ils sont trop mignons. La maman parfaite n’existe pas et l’enfant parfait non plus, et on peut en rire. C’est pour ça que la BD est avant tout humoristique. Elle se moque de mes enfants, de moi-même, mais elle se moque aussi de l’enfant roi à qui l’on ne peut pas dire non.

Lorsque l’on donne la parole à des parents d’enfants de tous âges et de toutes origines, on se rend compte qu’il n’y a pas qu’une seule façon d’être parent. Donc je pense que parler de parentalité de manière moderne, c’est aussi être plus inclusif. 

Quels éléments de votre culture gabonaise avez-vous inclus dans la BD ? 

J’ai inclus parfois le fang, ma langue maternelle. Ensuite, si l’on regarde bien la décoration de la maison, il y a des masques du Gabon. Sur la couverture même de la BD, il y a un hommage au Gabon que les férus de politique reconnaîtront. Il s’agit du fauteuil de Louis XIV. Je me souviens que quand le président Omar Bongo avait des audiences, il y avait ce salon avec ces fauteuils qui signifient l’autorité même. Quand je cuisine dans « C’est maman qui commande”, on retrouve aussi des petites choses d’origine africaine et gabonaise comme la pâte d’arachide, le gombo, LA bouteille d’huile, la boîte de tomate entière qu’on met dans le poulet… Dans le parler aussi, il y a un épisode ou à la fin je dis à ma fille “si je trouve le sac là je te fais quoi ?”. Si on est Gabonais et qu’on le lit, on le lit avec l’accent, on l’entend même. Ma correctrice pensait que je m’étais trompée et que je voulais dire “Si je trouve ce sac je te fais quoi là”. J’ai mis aussi un “lèlèlè” et un “kinguinguin”. Les gabonais qui sont ici et qui la lisent se reconnaissent. 

C'est maman qui commande
Scheena Donia et sa fille

 En quoi “C’est maman qui commande” est aussi une ode à la femme africaine?

Pour les mamans africaines, tout n’est pas toujours facile. Elles portent le poids du monde sur le dos en plus de porter leurs enfants, parfois les enfants de leurs sœurs, de leur neveu, de leurs enfants. Combien de mamies nous ont élevées ? Je voulais célébrer ces femmes-là parce que j’ai l’impression que le monde ne les met pas en avant, ne les magnifie pas, on les caricature. On la moque pour sa peau, ses cheveux etc… Mais, la mère africaine elle est tellement digne, forte, résiliante. C’est une éponge, elle aspire tout et elle repart. Je pense que pour quiconque a été élevé par une maman en Afrique, une grand-mère ou des tantes, ce sont des personnes qui te marquent à vie, qui te nourrissent humainement en termes de principes. Et c’était ma manière de leur dire merci, je vous vois, je vous célèbre avec humour. Peut-être que visuellement, je ne vous ressemble pas, mais je suis le fruit de la continuité de ce que vous faites et même si je vis loin de chez nous, je vais perpétuer ce que vous nous avez appris. Il est hors de question que je rompe cette manière de faire.

Envisagez-vous une suite à « C’est maman qui commande » ?

L’un des prochains tomes est intitulé “C’est maman qui commande et tata c’est pas mieux” car j’élève mes enfants avec la certitude que mes sœurs et mes amies sont aussi leurs mamans. Si ma fille demain a du mal à me confier quelque chose, j’aimerais qu’elle se dise qu’elle peut aller chez maman « telle » qui pourra peut-être mieux l’écouter. C’est un hommage à ces tatas là.

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