« CANDYMAN » : L’ABEILLE ET LA BÊTE

Candyman aurait probablement battu les Destiny’s Childs au jeu du Say My Name.

« Si tu ne vas pas te coucher, Il va venir te chercher hein ! » menace fantôme d’adultes en manque d’inspiration, quand leurs chiants chiards refusent catégoriquement de dormir comme s’ils faisaient la Guerre des Étoiles.

Que ce soit une affreuse créature qui s’est glissée sous le lit, quand personne ne regardait bien sûr, ou encore Mami Watta, le « Il » renvoie à un personnage fictif qui effraie donc de petits chenapans.

Pour des adultes, dont les nuits sont bercées par des cauchemars et des calculs sans fin, pour savoir comment pouvoir bien terminer le mois, nul besoin d’une quelconque sommation, les problèmes suffisent largement à les tenir éveillés.

Et si jamais c’est insuffisant, après avoir jeté son nom à la figure d’un miroir, Candyman apparaîtra. Ou plutôt réapparaîtra après la version de 1992. Sous les traits d’un photographe-peintre noir en délicatesse avec son art : Anthony McCoy ; lequel est joué par Yahya Abdul-Mateen II que tu as récémment vu dans le navet The Matrix Ressurections.

Cette fois-ci Jordan Peele, le scénariste de Get Out et Us, l’utilise pour mettre bien fort l’accent sur le Black Lives Matter, les violences policières dont sont régulièrement des afro-américains et/ou afro-descendants. Malheureusement, avec cette dissonance, tu ne peux ni entendre le message sous-jacent, ni même le bourdonnement de l’abeille qui transforme ce citadin noir en bête de foire.

Gros plan sur Candyman, l’abeille et la bête.

CANDYMAN REVIENT À CHICAGO

Artiste talentueux et inconsistant, Anthony mène une belle et tranquille vie dans ce beau loft, né de la gentrification de Cabrini-Green, quartier pauvre de Chicago. Il vit avec sa curatrice de petite-amie : la sublime Brianna Cartwright (Teyonah Parris, If Beale Street Could Talk). Dans le petit monde merveilleux de ce couple afro-américain, tout va bien hormis le manque d’inspiration chronique de l’homme au bonnet estival, qui fend le crâne en deux.

« CANDYMAN » : L'ABEILLE ET LA BÊTE
Anthony dans ses oeuvres. ©️Tous droits réservés

À LA RECHERCHE DU MALHEUR

Et puis un beau jour, nourri par des histoires d’un beau-frère bavard, le cerveau déjà irrigué par une naturelle curiosité artistique qui s’avèrera malsaine, McCoy part à la recherche du malheur. Celui qui a transformé Daniel Robitaille, fils d’un esclave noir qui a eu « l’outrecuidance » de tomber amoureux d’une fille blanche. What A Time To Be Alive !

Excédé par cette union, le père fera appliquer sur le corps du jeune homme les pires sévices corporels : crochet en guise de main droite et piqûres d’abeilles qui le transformeront définitivement.

Ainsi naquit Candyman.

« CANDYMAN » : L'ABEILLE ET LA BÊTE
L’ombre du premier Candyman plane au-dessus du film.

C’est après ce mythe urbain qu’une étudiante blanche courait également, dans la première version, avant de perdre la tête puis la vie.

BURKE, C’EST DÉGOÛTANT !

Lancé sur cette pente glissante, encouragé par le propriétaire de tous les dossiers et d’une laverie William Burke (Colman Domingo, vu notamment dans Sans aucun remords) qui lui narre les sombres aventures de cet homme noir, McCoy s’aventure là où il ne faut pas et se fait piquer par une abeille. C’est le début des problèmes.

Peu à peu, tandis que des hommes et des femmes, qui l’énervent la plupart du temps, se font violemment crocheter par son ombre maléfique, le badigeonneur gagne en inspiration mais perd en raison avant de sombrer définitivement.

ANTHONY FEATURING BRIANNA, WILLIAM, SHERMAN, ETC.

Hipster le jour, peintre la nuit, Anthony McCoy porte plutôt bien cette double casquette quand ce n’est pas son indécrottable bonnet.

Ce fils qui refuse de rendre visite à sa maman, jusqu’à ce qu’il y apprenne un terrible et lourd secret, a pour défaut de toujours vouloir creuser, y compris sa propre tombe. C’est donc tout naturellement que ses pérégrinations en terre inconnue, ces quartiers abandonnés de Chicago, l’y conduiront. Repose en paix, Anthony.

Jusqu’à ce que la mort les sépare, Brianna aimait/adorait/soutenait son homme. Et ce malgré sa capacité à se tirer une balle dans le pied dans des dîners mondains, où trois de crevettes décortiquées, recouvertes d’une sauce signée en spirale, constituent un bon et savoureux repas. Incrédule au départ, parce que concentrée à la fois sur son boulot et son couple, donc, elle peine à croire que Candyman existe. Mais elle finira par le voir de ses propres yeux.

En fait, celui qui a toujours su : c’est l’intrigant William Burke.

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Il lui dira la vérité, rien que sa vérité. ©️Tous droits réservés

Avec ce phrasé à la fois simple et sophistiqué, cette narration qui fait froid dans le dos, l’homme est la mémoire ambulante de ce quartier qui porte sur ces quelques murs délabrés des traces d’histoire et d’horreur.

C’est lui qui fait la transition entre le passé et le présent, entre Anthony McCoy et Sherman Fields. Le bougre que des policiers ont tabassé jusqu’à la mort parce qu’il aurait soi-disant distribué des bonbons avec une lame dans l’emballage.

Depuis pour se venger, l’accusé à tort apparaît quand tu cites son nom cinq fois.

Si le message de Jordan Peele contre les brutalités policières n’était pas autant matraquée, l’histoire de cette vengeance aurait finalement pu être mieux mise en scène par la réalisatrice et co-scénariste Nia DaCosta pour qui : « Candyman est une victime des violences policières ! », dans les colonnes du Journal Du Dimanche.

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Yahya Abdul-Mateen II, sous les ordres de Nia DaCosta. ©️Tous droits réservés

CANDYMAN OU LE PÉCHÉ ORIGINEL

Un homme qui commet « un péché » par amour pour une femme, ça existe depuis que le monde est monde, depuis qu’un certain Adam, bonne poire sur le coup, cueilli une pomme pour sa moitié Eve.

Le genre de choses folles que tu fais quand tu es amoureux plutôt que fan.

En se réappropriant la commission de ce péché originel, sous les traits noirs de Daniel Robitaille, la première version posait déjà un cadre bien précis : à savoir une transgression.

L’ASSASSIN REVIENT SUR LES LIEUX DU CRIME

« CANDYMAN » : L'ABEILLE ET LA BÊTE
Quand tu lèves les yeux au ciel et que tu vois le mal. ©️Tous droits réservés

Dans cette nouvelle version de 91 minutes, Costa et Peele reprennent les mêmes ingrédients et les assaisonnent avec un peu de modernité par-ci et beaucoup de bavures par-là. Décryptage.

D’abord, Candyman revient à Cabrini-Green. 

Autant te le dire tout de suite : ce quartier, dans lequel ce film, qui n’a d’horreur que le nom a été tourné, existe bel et bien.

À la base, le projet Cabrini-Green Homes avait pour but d’offrir des logements pas chers à des afro-américains. Mais hélas comme toute fausse bonne idée, il finira par devenir un haut lieu de drogue et de violence dans les années 90.

Dans la version 2021, la gentrification a presque complètement effacé cela. Ce qui n’empêche pas l’assassin de revenir sur les lieux du crime. Son come-back peut s’analyser de deux façons : d’abord une piqûre de rappel sur la façon dont de nombreux afro-américains sont mal logés et ensuite sur les effets négatifs de la transformation d’un quartier populaire dès qu’une classe plus aisée y pose valises et trolleys. C’est le premier troll utilisé, ici.

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L’art du pied de nez, en tout temps, en tout lieu. ©️Tous droits réservés

L’ABEILLE, CE TROLL QUI VOLE

Peut-être moins évident de prime abord, le second est néanmoins intéressant.

Batman, mâle blanc qui s’ennuie tellement avec son immense fortune qu’il décide de la jouer chauve-souris,

Spider-Man, qu’une morsure d’araignée oblige à enfiler une combinaison moulante bicolore et tisser des Toiles comme s’il était Internet, mais aussi Black Panther, qui sort les griffes après avoir absorbé une potion magique au vibranium.

Ou encore, Catwoman, dont les pouvoirs félins lui permettent de toujours retomber sur ses pieds. Mais aussi The Falcon, et cette armature en forme de faucon, etc.

Qu’ils soient de DC Comics ou de Marvel Studios, la plupart des super-héros ont un lien étroit avec une créature : un animal totem.

Ici, Candyman est piquée sur la main droite est piquée par une abeille. Celle-ci le transformera si profondément, avec l’apparition d’une épaisse croûte, qu’une partie de son corps, dissimulée sous un manteau XXL, prendra une forme hideuse et repoussante qui déplairait à n’importe quel trypophobe ! Âmes sensibles, s’abstenir !  Ces insectes volants, dont la fonction est de produire du miel, lui servent à asseoir une domination sur une partie de l’espèce humaine par des attaques.

Pas sûr que Beyoncé Knowles-Carter, Queen Bee, « la reine des abeilles », l’accepte à bras ouverts dans sa ruche.

La contre-utilisation de symboles étant sa marque de fabrique, Peele continue à enfoncer le clou.

VICTIMES NOIRES D’UN CÔTÉ, MEURTRE DE BLANCS DE L’AUTRE

Tout au long du film sorti il y a quelques mois, fin 2021, le réalisateur-comédien, connu aussi pour ses sketches hilarants et noirs avec Keegan-Michael Key, s’efforce d’énoncer puis de dénoncer les violences faites aux noirs américains. Dans une Amérique où Kyle Rittenhouse, un jeune homme blanc, tueur de deux manifestants antiracistes, peut être acquitté. Au calme. C’est cette White America suprémaciste que Candyman crible de balles ou plutôt de crochets de sa main droite.

Oui dans ce remake, la majorité des victimes sont blanches.

Que ce soit le curateur qui veut coucher avec son assistante, l’assistante elle-même, mais aussi la critique d’art qui dénonce l’embourgeoisement certain d’Anthony McCoy ou encore les policiers blancs qui tentent de l’arrêter. Même ce groupe de filles blanches, bêtes d’avoir dit le nom interdit dans les toilettes de leur école, y passe aussi. Alors qu’une adolescente noire qui mind son business tranquillement dans les toilettes y échappe. Tout un symbole.

À trop jeter à la figure de cinéphiles dopés par la bande-annonce et surtout l’envie de voir ce projet de Jordan Peele, oscarisé pour le meilleur scénario original avec Get Out en 2018, Candyman n’ a que finalement que peu d’intérêt. C’est pas demain la veille que des adultes autrefois apeurés par, « Si tu ne vas pas te coucher, Il va venir te chercher hein ! », auront une frousse monumentale.

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