Au terme d’un match solide et efficace, les Ivoiriens ont sorti le champion en titre algérien de la CAN 2021. Abidjan Puissance.
« Wouoh ! » crient tes voisins d’ordinaire muets comme une tombe.
Ils se sont jetés dans les rues de ce quartier résidentiel d’Abidjan, « Babi » pour les plus pressés, après le 3ème but inscrit par Nicolas Pépé. Synonyme de qualification sûre et certaine pour les 8èmes finale face à l’Égypte et surtout d’élimination pour le tenant du titre, le champion d’Afrique 2019 : l’Algérie. Si Alger rit d’habitude au rythme de one, two, three, viva l’Algérie, depuis hier : Babi chante/danse/rit. One, two, three, viva Babi ! Retour sur ce match Côte d’Ivoire – Algérie ( 3 – 1) où les Éléphants, cliniques et solides, ont marché sur des Fennecs inoffensifs et méconnaissables.
CAN 2021 : CÔTE D’IVOIRE – ALGÉRIE, RENCONTRE AU SOMMET
Contrairement aux Algériens rapidement sortis par la petite porte (2 défaites, 1 match nul, 1 but marqué, etc.), l’Harmattan, avec son air frais, lui, tarde à faire ses valises et circule encore dans les rues embouteillées d’Abidjan. Au-dessus du « plus doux au monde » flottent nuages de poussière et de tensions. Oui, dans la capitale économique aux 5 millions d’habitants, selon nos informations, ils sont tendus et nombreux : ceux qui ont fini le boulot plus tôt pour s’installer confortablement dans leur salon ou sur la terrasse bondée d’un hôtel, profitant de l’occasion. Indépendamment du fait que la Côte d’Ivoire s’apprête à jouer l’Algérie, les rapports entre la Séléphanto et ses « supporters maso » sont plus tendus que ceux entre le séant et la ficelle qui (se) fend la poire en deux.
Malgré cela, dans un pays où fêtes chrétiennes et musulmanes, se chevauchent au calme, pour le plus grand bonheur d’amateurs de ponts et autres week-ends à rallonge, beaucoup d’Ivoiriens font monter leurs prières au ciel. Objectif : qualification ! Ils l’ignorent encore mais elles ont été entendues.
À plus de 2 000 kilomètres de là, à Douala, une détermination certaine se lit sur le visage des Ivoiriens, soutenus par le Comité National de Soutien aux Éléphants, venu garnir les travées du stade de Japoma.
Il est 16 heures quand l’arbitre sud-africain M. Victor Gomes porte le sifflet à sa bouche pour lancer cette rencontre au sommet.
DES ALGÉRIENS DOUILLETS, DES IVOIRIENS VIGOUREUX
Disposés en 4 – 2 – 3 – 1, emmenés notamment par le milieu de terrain lsmaël Bennacer, coéquipier de Frank Kessié au Milan AC, et le capitaine Riyad Mahrez, l’Algérie met la pression sur les Ivoiriens et surtout l’arbitre, extrêmement sensible à leur bien-être. Particulièrement en sanctionnant d’un carton jaune Simon Déli, coupable selon lui d’un coup de coude volontaire sur l’avant-centre Bounedjah.
Puis, plutôt que d’utiliser Périscope pour faire part de son mécontentement suite à cette drôle de décision, Captain Aurier vient dire deux mots à l’homme en noir. Résultat : carton jaune pour lui, aussi.
Le tableau d’affichage n’indique que la 12ème minute et déjà deux défenseurs de l’équipe entraînée par Patrick Beaumelle sont avertis.
Deux minutes plus tard, la catastrophe est évitée de peu quand le même Déli manque de prendre un second carton jaune après un nouvel accrochage. M. Gomes résiste à la pression des Algériens.
Ces derniers ont d’ores et déjà réalisé un exploit : pleurer davantage que Bhété dans funérailles. Sacrée performance quand tu sais à quel point ce peuple de l’Ouest de la Côte d’Ivoire sanglotent entre deux saltos et/ou roulades arrière, à même le sol. Paroles de bhété.
FUNÉRAILLES BHÉTÉ À LA SAUCE ALGÉRIENNE
Désireux de faire sortir « les faire sortir, [après l’élimination en 2019, NDLR]», c’est Frank Kessié, natif d’Ouragahio, ville bhété, qui fait couler les premières larmes sur le visage pâle des fans algériens beaucoup trop confiants à l’image du vidéaste exubérant Mohamed Henni, pour qui « Battre la Côte d’Ivoire est une formalité ! »
Depuis la VAR et des Ivoiriens se sont occupés de lui. Ils ont même oublié les moqueries sous lesquelles ils avaient enseveli le même Kessié, après son pénalty manqué il y a quelques jours face à la Sierra Leone et son brillant gardien Kamara (2-2).
Bien servi par Nicolas Pépé, lancé en pleine vitesse dans la surface de réparation, le milieu relayeur et futur homme du match ouvre donc le score d’un plat du pied gauche. Côte d’Ivoire 1 – Algérie 0. Les hommes de Belmadi n’ont pas su concrétiser les quelques occasions qu’ils ont eues auparavant. Les Fennecs qui n’ont plus le choix repartent à l’attaque mais les Éléphants sont bien organisés.
En effet, disposés dans leur habituel 4 – 3 -3, dans les faits ils évoluent en 4 – 1 – 4 – 1 avec un Jean Michaël Séri, « le Pirlo de Koumassi[1] », placé devant la défense pour bien organiser la relance, les Ivoiriens ne laissent que très peu d’espaces entre les lignes.
Nerveux, paralysés par l’immense enjeu et cette élimination au premier tour qui se dessine par cette même Côte d’Ivoire qui l’avait déjà ainsi éliminée en 1992 malgré son statut de champion en titre, les Algériens font des fautes. À l’image de Mandi qui pousse Haller dans le dos ; ce dernier heurte le coéquipier du premier…Bennacer. Là encore, pas de sanction administrative pour M. Gomes mais plutôt un simple coupfranc. (33ème minute)
SANGARÉ, LA CÔTE D’IVOIRE PASSE LA SECONDE
Six minutes plus tard, sur un centre de Serge Aurier, le longiligne Ibrahim Sangaré, d’une puissante tête rageuse, inscrit le deuxième but ; juste récompense pour l’un des joueurs sinon le joueur le plus régulier côté ivoirien depuis le début du tournoi. Mi-temps : Côte d’Ivoire 2 – Algérie 0.
ONE, TWO, THREE, VIVA BABI !
Malgré l’entrée d’Islam Slimani, venu apporter ses 188 centimètres sur le front de l’attaque, la seconde mi-temps est un copier-coller de la fin de la première : les Algériens boivent le bouillon pendant que leurs bourreaux ont la balle. Deux balles de match même : d’abord la frappe puissante d’Aurier (50ème) puis celle de Pépé arrêtée par M’Bolhi à la 51ème minute.
PÉPÉ, LE ROBBEN DE KOUMASSI
Quelques minutes plus tard, tu prends les mêmes et tu recommences.
Bien servi par Haller, dont la puissante mobilité a posé de gros soucis à l’Algérie, Pépé fait la spéciale Robben : rentrer à l’intérieur avant d’enrouler le ballon du pied gauche. Côte d’Ivoire 3 – Algérie 0.
La messe est dite : l’Algérie est éliminée !
Alors, tes voisins se jettent dans les rues de ce quartier aux rues désertes et étroites, pour faire entendre leur joie : « Wouoh ! » Et tout le reste du quartier crie aussi d’une seule voix : « But oh ! »
Ni le pénalty généreusement accordé par M. Gomes et divinement manqué par Mahrez, très discret pendant la rencontre, ni le but de Bendebka à la 74ème minute, le seul et unique du champion d’Afrique dans toute la compétition, ni même la petite frustration née du joli but de la tête refusé à Haller pour un hors-jeu (93ème minute), ne viendront changer quoi que ce soit, encore moins altérer cette joie visible dans ces vidéos qui tournent en boucle depuis hier et aujourd’hui encore.
Que ce soit sur du Meïway ou sur un autre son, pendant que des étudiants étrangers se feront probablement et gratuitement agresser, des Ivoiriens chantent/dansent/rien. One, two, three, viva Babi !
[1] Quartier populaire d’Abidjan Sud, Koumassi est désormais utilisé pour décrire la copie beaucoup moins originale que