Jacob Desvarieux : le grand méchant zouk

Monument de la musique antillaise et créateur du zouk, Jacob Desvarieux est mort des suites du Covid-19. Retour sur les moments qui ont marqué son histoire

Figure emblématique du collectif antillais Kassav’, Jacob Desvarieux, est décédé vendredi 30 juillet au CHU de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) à l’âge de 65 ans. Transplanté du rein et diabétique, le chanteur était hospitalisé depuis le 12 juillet 2021. Plongé dans un coma artificiel pour stabiliser son état, il a tout de même été emporté par le Covid-19.  

Rencontre avec la musique

Né à Paris en 1955, Jacob Desvarieux grandit entre la Guadeloupe, la Martinique et le Sénégal. Il atterrit en Guadeloupe à l’âge de trois mois, emmené par sa mère qui voyageait beaucoup. Pendant dix ans, il fera des allers retours entre la Martinique et la Guadeloupe. C’est arrivé au Sénégal, où il vécut jusqu’à l’âge de douze ans, qu’il tombera amoureux de la musique. A dix ans, alors qu’il voulait un vélo, sa mère préféra lui acheter une guitare.  

Jacob Desvarieux

Le futur chanteur, ayant eu un coup de cœur pour la musique, commence alors à lui donner de plus en plus de place dans sa vie. Dès l’âge de 16 ans, il rejoint un groupe de rock et devient arrangeur. Accompagné de ses amis proches, Francis Cauletin, Phillippe Drai, Christophe Zadire et Achille Ango, il fonde un groupe de rock The Bad Grass qui deviendra ensuite Sweet Bananas pour des raisons commerciales. 

Création de Kassav’ 

De retour à Paris, Jacob Desvarieux fait la rencontre qui changera sa vie, celle de Pierre-Édouard Décimus, routier de la musique antillaise et membre du groupe Les Vickings et de son frère Georges Décimus. Le trio aspire à créer un groupe qui revienne aux sources des musiques antillaises pour les adapter aux techniques musicales modernes. 

En 1979, Kassav’, qui signifie “galette de manioc » en créol, naît d’une inspiration commune aux trois artistes.  Au début de cette même année, le groupe rentre en studio et sort son premier album, intitulé Love and Ka Dance

Jacob Desvarieux

Au fil des années, plusieurs musiciens et chanteurs intègrent puis quittent le groupe avant de trouver le combo parfait que nous connaissons tous. Le collectif fonctionne alors comme une famille où chacun apporte sa pierre à un édifice musical : chant et guitare pour Jacob Desvarieux, chant pour Jocelyne Béroard qui a rejoint Kassav’ en 1982, claviers pour Jean-Claude Naimro, basse pour Georges Decimus et chant pour Jean-Philippe Marthély et Patrick Saint-Eloi (mort en 2010). 

Popularisation du Zouk 

Ce n’est un secret pour personne : Kassav’ est bel et bien le créateur du zouk. Ce nouveau style musical des années 80 naît d’un mélange de musiques antillaises comme le Gwoka (musique traditionnelle de la Guadeloupe), accompagné d’influences caribéennes en passant par le rock à la musique funk et un combo de flambées de cuivres. Le groupe associe également des influences de compas, de salsa, de reggae de la fin des années 1970, aux rythmes de la biguine (musique et danse traditionnelle de la Martinique) et du merengue. 

Jacob Desvarieux

En 1984, Jacob Desvarieux et Georges Décimus composent à Haïti un tube devenu légendaire : Zouk la sé sèl médikaman nou ni. Le zouk devient alors un hymne à la fête et Kassav’ propulse ce nouveau genre musical à l’international dans les Caraïbes comme en France, en Afrique et dans le reste du monde. 

Un succès planétaire

Entre 1979 et 2013, Kassav’ compose 16 albums. Disque d’or à maintes reprises, disque de platine en 1988 avec l’album Vini Pou, lauréat d’une Victoire de la musique en 1988 pour meilleur groupe de l’année et enchaînant une ribambelle de tubes, dont Zouk la sé sèl médikaman nou ni , qui sera samplé par le groupe de hip-hop américain The Fugees, Kassav’ a marqué l’industrie musicale de son empreinte.

Parallèlement à la vie du groupe, Jacob Desvarieux travaille également sur ses propres albums, comme Euphrasine’s Blues en 1999. Il compose une chanson avec Passi en 2003 qui figure sur l’album Dis l’heure 2 zouk

Jacob Desvarieux

Kassav’ fut la première formation française à remplir le Stade de France. Elle a donné des concerts dans plus de 70 pays aussi bien au Congo-Brazzaville qu’au Sénégal, aux États-Unis, au Japon et même en URSS, devenant le premier groupe noir à y jouer.  En mai 2019, le groupe entame une tournée pour ses 40 ans d’existence, dont un concert à La Défense Arena devant 40 000 personnes.

A titre personnel, la renommée en Afrique de Jacob Desvarieux était telle, qu’il lui a souvent valu d’être invité à titre personnel par des artistes africains de premier plan à partager le micro avec eux : le duo togolais Toofan, l’Angolaise Yola Araujo, la Gabonaise Patience Dabany, la Béninoise Angélique Kidjo, l’Ivoirien Alpha Blondy, le Camerounais Manu Dibango et plein d’autres. 

Jacob Desvarieux et son engagement envers la communauté noire

Investi dans la valorisation des artistes ultramarins, Jacob Desvarieux s’était exprimé à de nombreuses reprises pour dénoncer la faible représentativité des communautés ultramarines et africaines dans les médias et au cinéma, ou encore à la cérémonie des Victoires de la Musique en 2020, après la suppression des catégories “musiques du monde” et “musiques urbaines”. 

Lors d’une interview accordée au quotidien Libération en 2016, le père du zouk expliquait : « À travers notre musique, nous interrogions nos origines. Qu’est-ce qu’on faisait là, nous qui étions noirs et parlions français ? ». « Comme les Afro-Américains des Etats-Unis, nous cherchions des réponses pour reprendre le fil d’une histoire qui nous avait été confisquée », ajoutait-il.

La légende du groupe Kassav’ a fait danser le monde entier et a jeté des ponts entre les Antilles, l’Europe et l’Afrique.

Sources :

RFI Musique

Le Monde

Libération

France info Martinique

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