Rencontre avec Dido Mbalu Grédigui, ingénieure informatique et désormais autrice du roman “Tais-toi quand tu parles”.
Ingénieure informatique devenue autrice, Dido Mbalu Grédigui, présente “Tais-toi quand tu parles”, son premier roman sorti en début d’année. Léger, drôle et urbain, il met en scène Shadee, une héroïne “un peu” féministe, afro-française, amoureuse et romantico-rebelle. Dans cet entretien, Dido décortique les différents aspects de son œuvre, mais elle partage également ses inspirations et ses attentes.
Il y a quelques années, vous exerciez dans la communication et maintenant vous êtes ingénieure informatique, pourquoi avoir eu envie d’écrire un livre ?
Il y a des moments dans la vie où on a envie de tester des choses. Personnellement, je suis partisane du « on fait, on essaie, et on voit ce qui se passe ». Si ça fonctionne tant mieux, et si ça ne marche pas, on sera tout de même content de l’avoir fait. J’avais envie d’écrire depuis un moment donc j’ai commencé par un livre, ensuite j’ai écris un blog et je suis revenue sur mon idée de livre que j’ai fini par éditer.
Comment vous est venue l’inspiration pour ce livre ?
J’ai commencé ce roman quand j’étais plus jeune. Certes il ne s’agit pas d’une autobiographie, mais il y a des morceaux de ma vie, de la vie de mes proches et de personnes que j’ai rencontrées, croisées, ou imaginées. Je voulais raconter une histoire qui soit un peu légère et qui amène aussi à la réflexion. J’aspirais à faire un roman qui amène du bien-être, qui fasse sourire et qui permette d’avoir des petites réflexions du style “ah oui c’est vrai que ça me ressemble un peu”, “ah je n’aurais pas fait ça comme ça” ou encore “ce sont des situations professionnelles que j’ai connues”. C’est en ce sens que j’ai voulu porter l’écriture de ce roman.
Pourquoi ce titre ? Que signifie-t-il ?
C’est une phrase qu’on m’a souvent dite car je suis assez bavarde : “ tais-toi, tu parles beaucoup”. Par contre une fois qu’on se mettait à discuter avec moi, ce qui ressortait souvent était “elle est pas aussi bête la petite”. D’une part, il y avait ce côté où je parlais trop mais en même temps on me laissait la parole pour m’exprimer sur des choses que je connaissais. Étant donné que j’aimais bien cette sorte de dichotomie qu’amène l’expression, je me suis toujours dit que si un jour j’écrivais un livre, je l’appellerais “Tais-toi quand tu parles”. C’est resté dans ma tête pendant longtemps et aujourd’hui je trouve que ce titre concorde bien avec l’histoire derrière le roman.
Comment avez-vous créé Shadee, votre personnage principal ?
Le prénom du personnage principal est inspiré de celui de la chanteuse Sade qui est donc devenu Shadee. Disons que c’est une cousine, une soeur, une femme rencontrée en soirée, une femme afro-française. Et on se ressemble sur certains points. Je suis également afro-française et je suis d’origine congolaise. J’ai vécu toute ma vie en France mais l’Afrique ne me quitte pas, l’Afrique fait partie de moi. Je voulais donc un personnage qui s’interroge quotidiennement sur sa part d’africanité et sa part d’occidentalité. C’est un peu un personnage qui ressemble à beaucoup de femmes mais en même temps à elle-même.
Dans le synopsis du livre, vous précisez que Shadee est plus française qu’afro, pouvez-vous expliquer en quoi l’est-elle ?
Je pense qu’il y a dans l’état d’esprit commun une notion de choix. Quand tu arrives quelque part, on te dit soit tu vas à gauche, soit tu vas à droite. Le personnage s’est senti obligé de choisir à un moment donné de sa vie. Elle se dit plus française qu’afro car au final elle vit en France, elle consomme français et elle veut coller à ce que ses copines sont. Elles sont d’ailleurs de toutes les origines, de toutes les couleurs mais ce qui les rassemble c’est la France. Dans le livre on voit qu’elle est dans cette quête, cette recherche de retrouver ses origines. Il y a un côté où elle culpabilise de ne pas être un peu plus africaine sur des grandes choses et des petites choses, mais je pense qu’elle est plus africaine qu’elle ne pense l’être.
Toujours dans le synopsis, vous relevez également qu’elle est “un peu” féministe, que signifie être “un peu” féministe ?
Pour moi, l’indépendance de la femme, son pouvoir au travers du travail et d’autres choses, ses droits, c’est important. Mais dans tous les cas, je ne pense pas que le féminisme à la française me corresponde. J’ai précisé “un peu” féministe car qu’est ce qu’être féministe en France ? Est-ce coller à une idéologie ? Est-ce coller à des critères de bataille qui ne sont pas forcément les nôtres ? Ce qu’on attend du féminisme français ne colle pas à toutes les femmes.
Lorsque l’on voit des féministes françaises se battre contre le voile etc… ça n’a pas de sens. Soit on est féministe et on décide que toutes les femmes ont les mêmes droits, qu’elles sont égalitaires, soit on n’est pas féministe. On ne peut pas dire que l’on défend les femmes quand on ne défend qu’une seule catégorie de femmes, c’est en ça qu’elle est « un peu » féministe. C’est à dire qu’elle a certaines batailles qui correspondent à la définition du féminisme et d’autres qui la laissent un peu perplexe.
Vous contez l’histoire d’une femme noire en France. A qui est destiné votre livre ? Pour qui l’avez-vous écrit ?
Quand j’ai fait la campagne de pré-vente, j’ai eu des retours du type “ça à l’air sympa mais ce n’est pas pour moi, je ne suis pas noir”. J’entends mais je ne comprends pas. On a grandi avec Hélène et les garçons, Hartley coeur à vif et autres. Il n’y avait pas de personnages noirs dedans. Pourtant, cela ne nous a pas empêché de nous identifier à certains d’entre eux. Il y a très peu de personnes noires dans Sex and the city ou Friends par exemple. Malgré cela, on n’a pas grandi en se disant, non ce n’est pas pour moi. Je n’ai jamais entendu une personne racisée dire “Friends c’est pas pour moi”.
Autrement dit, ce roman est destiné à toute personne qui a juste envie de le lire et de se détendre. Il vise toutes les femmes qui pourraient se reconnaître en cette histoire et qui se posent des questions sur leur vie professionnelle comme sur leurs amours. Il vise également les hommes. A travers deux chapitres du livre, je leur laisse la parole afin qu’ils donnent leur point de vue.
Quel message voulez-vous faire passer à travers votre roman ?
L’importance de l’être versus le paraître. J’essaie de mettre un focus sur le fait qu’il y a les apparences, ce qu’on pense que Shadee est, ce que sa maman pense qu’elle est, ce que ses amis pensent qu’elle est et ce qu’elle est en réalité. Ce personnage évolue avec le temps. On n’est pas toujours la même personne. On est constant jusqu’à un certain point.
A un moment donné, le personnage principal rencontre un homme et au lieu de lui poser des questions, elle va aller se renseigner sur les réseaux sociaux. Je l’ai fait aussi quand j’étais plus jeune. On a ce réflexe aujourd’hui de googliser les gens. Donc il s’agit vraiment de l’importance du être, de se questionner soi-même et les autres plutôt que d’arriver à des conclusions et se déformer une vision de la réalité.
Qu’est-ce qui fait la force de votre livre ? Pourquoi les gens auront-ils envie de le lire ?
Il est drôle, divertissant et vrai. Beaucoup de personnes se sont reconnues aussi bien dans la rivalité au travail que dans les liens parentaux, les amitiés etc… « Tais-toi quand tu parles » est simple à lire mais pas dans le côté négatif. On se sent pas frustré de réflexion. Il y a également plusieurs références aux années 90 et 2000 que les gens aiment bien.
Il y a un personnage qui a été inspiré par un de mes anciens patrons. Un jour, il m’a envoyé des captures d’écran et il m’a dit : “j’ai lu ton livre, ce passage est très drôle, très vrai, comment t’es venue cette idée ?”. J’étais assez impressionnée qu’il dépasse la cinquième page et qu’il ait été interpellé. Ensuite il m’a dit qu’il avait vraiment apprécié et qu’il avait passé un bon moment. J’ai reçu beaucoup d’autres retours positifs. C’est ça qui fait ma joie, c’est ça qui me réjouit. Ce qui fait ma force et ma fierté est le fait que des personnes totalement différentes ressentent des émotions à travers mon roman.
Envisagez-vous une suite à ce roman ?
Pour l’instant, je vais attendre de bien laisser vivre ce livre-là. Par contre si jamais je ressens le besoin de faire une suite à “Tais-toi quand tu parles”, j’orienterai le livre sur la petite sœur de Shadee. C’est un personnage plus complexe qu’il n’y paraît. Elle a également ce côté insolent que j’aurais aimé avoir moi-même. Ce qui est sûr c’est que je compte continuer dans l’écriture. Actuellement j’ai trois idées de romans totalement différentes en tête. J’attends seulement qu’elles soient un peu plus claires.
A la rencontre de Luc Pinto Barreto, le « Dealer de livres »