Paul Kagame a suscité l’indignation en République démocratique du Congo, en affirmant qu’«il n’y a pas eu de crime, absolument pas» il y a plus de vingt ans, dans l’est du pays.
“Il n’y a pas eu de crimes. Absolument pas. C’est la théorie du double génocide qui est à l’œuvre ” a affirmé sans gêne le président rwandais Paul Kagame, mardi 18 mai dans une une interview accordée à RFI et France 24. Ses propos niant les crimes commis il y a plus de vingt ans en République démocratique du Congo, ont suscité de vives réactions dans le pays. Le parti pris de Paul Kagame “n’est ni plus ni moins que du négationnisme des crimes commis en RDC”, a déclaré à l’AFP le député Juvénal Munubo, rapporteur de la commission défense et sécurité à l’Assemblée.
Le chef d’Etat rwandais a surenchérit en niant la présence de ses troupes dans l’est de la RDC. Selon un rapport d’experts de l’Organisation des nations unies (ONU), l’armée rwandaise était présente en RDC entre fin 2019 et octobre 2020 et a mené “des opérations en violation du régime de sanctions” au Nord-Kivu. Rappelons que la RDC a connu deux guerres meurtrières entre 1996-1997 et 1998-2003 qui ont déstabilisé la région des Kivus, impliquant des milices et armées de plusieurs pays de la région comme l’Ouganda et le Rwanda.
« C’est cracher sur la mémoire de toutes les victimes »
Interrogé sur le plaidoyer mené en France début mai par le docteur Denis Mukwege en faveur de la reconnaissance des crimes commis pendant les deux guerres du Congo, Paul Kagame a accusé le prix Nobel de la paix d’être “un outil de forces que l’on ne voit pas”. “On lui dit quoi dire. Le rapport du projet Mapping [qui répertorie plus de 600 violations graves des droits humains commises en République démocratique du Congo entre 1993 et 2003] a été extrêmement controversé en RDC. Il est hautement contesté par les gens, il a été très politisé”, a-t-il ajouté.
Kagame “ne peut se permettre de traiter le docteur Mukwege, notre Prix Nobel, de marionnette (…). Nous demandons une réaction officielle du gouvernement”, a déclaré à l’AFP Bienvenu Matumo, un leader du mouvement citoyen Lutte pour le changement (Lucha).
Depuis hier, en RDC, les réactions se sont multipliées sur les réseaux sociaux comme au sein du gouvernement. Chacun dénonce un mépris du chef d’État rwandais vis-à-vis des victimes de ces crimes. “En écoutant les propos de Paul Kagame, j’ai ressenti du dégoût et une grande douleur” confie Tatiana Mukanire, coordinatrice nationale du mouvement national des survivantes des violences sexuelles, créé par le docteur Denis Mukwege. Elle-même a été violée par des membres d’une rébellion soutenue par Kigali.“C’est cracher sur la mémoire de toutes les victimes et leurs familles” ajoute-t-elle.
Sollicité par l’AFP, le chargé de communication du Dr Mukwege a simplement déclaré que « le docteur n’a pas de réaction à émettre sur les propos tenus par M. Kagame ». « Le docteur est là et s’occupe de ses malades ».
Sources
AFP