Mumia Abu-Jamal est l’un des prisonniers politiques les plus connus au monde. Auteur, activiste et journaliste internationalement (re)connu, il a été condamné en 1982 pour le meurtre de William Faulkner, officier de police de Philadelphie. Etant donné le manque de preuves manifeste, il est clair que la classe dirigeante était déterminée à faire taire cet activiste noir qui a puissamment exposé leurs crimes et a défendu leurs victimes. Mumia Abu-Jamal est devenu pour beaucoup la «voix des sans voix».
Souvenons-nous de Mumia Abu-Jamal, prisonnier politique afro américain
Une jeunesse sous le signe du militantisme noir
Celui que nous connaissons désormais sous le nom de Mumia Abu-Jamal est né sous le nom de Wesley Cook à Philadelphie en 1954. Son engagement militant fut précoce. En effet, il intégra à 14 ans les rangs du mythique Black Panther Party. Le chapitre de Philadelphie pour être plus exact. Un an plus tard, il gravira les échelons hiérarchiques en devenant « Lieutenant of information » de la structure. En 1968, le jeune Wesley, alors au lycée fut surnommé Mumia par l’un de ses professeurs d’origine kényane. Ce dernier, prof de Kiswahili, attribuait à ses élèves des noms africains. «Mumia» signifiant «Prince» dans cette langue bantoue d’Afrique de l’Est.
« Et c’est aussi le nom de certains combattants de la liberté durant la guerre anti-coloniale des Kenyans contre la Grande-Bretagne pendant les temps d’Uhuru. »
La seconde partie de son nom, « Abu-Jamal« , il l’adopta en référence à la naissance de son fils. En langue arabe, cela signifie tout simplement « Père de Jamal« .
Le service d’Abu-Jamal au sein du Black Panther Party s’étala entre Mai 1969 et Octobre 1970. Durant ce temps, Mumia, encore adolescent, milita activement. Notamment à New-York et Oakland, deux ville où l’influence des Panthers était importante. Comme la plupart de ses camarades, Mumia Abu-Jamal eu lui aussi à connaître les affres du programme COINTELPRO du FBI de 1969 à 1974.
Fort de son expérience au sein de l’organisation révolutionnaire et nationaliste, Abu-Jamal retourna à son ancien lycée et initia une campagne afin de changer le nom de l’établissement en Malcolm X High. Ce projet ne fut pas mené à son terme et Mumia fut renvoyé pour avoir distribué des ouvrages qui prônait un « pouvoir étudiant révolutionnaire noir« .
Après l’obtention de son General Educational Development [1], Abu-Jamal devint journaliste. Surnommé en l’honneur de son engagement radiophonique «la voix des sans voix», il fut aussi un soutien indéfectible de MOVE, une organisation d’initiative noire pacifiste, qui avait choisit de vivre en dehors du système ultra-capitaliste américain et prônait donc un mode de vie plus respectueux de l’environnement et des êtres vivants. Evidemment, Move militait pour plus de justice envers les Noirs américains.
”Long live Move, Long live John Africa”
Mumia Abu-Jamal, entretenait des liens étroits avec l’organisation MOVE. Aujourd’hui encore, ces derniers se battent pour sa libération. Mais il convient, avant toute chose, de revenir sur cette structure et son action, tant elle est peu connue dans la sphère francophone.
MOVE était une un groupe majoritairement afro d’activistes amoureux de la liberté et de la nature. Fondé en 1972 à Philadelphie par John Africa, cette communauté est connue pour s’être farouchement opposé à la négrophobie ou aux brutalités policières.
Ce nom ne vous dit peut-être rien, mais ce groupe est connu outre-atlantique à cause de ces deux graves altercations majeures avec les forces de police de Philadelphie :
- 1978 : un affrontement a causé la mort d’un agent de police ainsi que des blessures à plusieurs autres personnes. Neuf membres de MOVE furent chacun condamnés à 100 ans de prison pour meurtre.
- 1985 : à la suite d’un violent affrontement un hélicoptère de police largua une bombe (du C4) sur le quartier général du groupe. Ce bombardement provoqua un incendie coûtant la vie à onze membres de MOVE, dont cinq enfants et détruisit 65 maisons alentours.
Sur le site officiel de l’organisation, les déclarations ne laissent aucune place au doute quant au positionnement de MOVE :
« Le travail de MOVE est révolutionnaire. La révolution de John Africa v pour empêcher le système de l’homme de s’imposer à la vie, d’empêcher l’industrie d’empoisonner l’air, l’eau et le sol et de mettre fin à l’esclavage de toute forme de vie. Notre travail est de montrer aux gens à quel point ce système est pourri et asservissant et à quel point le système est la cause de l’itinérance, du chômage, de la toxicomanie, de l’alcoolisme, du racisme, de la violence familiale, du sida, du crime, de la guerre et de tous les problèmes du monde. Nous travaillons à démontrer que les gens peuvent, non seulement, combattre ce système, mais qu’ils doivent combattre leur système si jamais ils veulent se libérer de la souffrance et de l’oppression sans fin. »
La condamnation des « MOVE Nine« avait choqué Abu-Jamal qui était un véritable admirateur du groupe [2]. Par la suite, ses billets d’humeur furent si militants que WHYY, la radio pour laquelle il travaillait alors, le licencia. Déjà surveillé par le FBI, en raison du radicalisme de ses prise de position publiques et de son ancienne appartenance aux Black Panthers Party. Il va sans dire que la sympathie de Mumia pour MOVE, en guerre ouverte contre la police de Philadelphie joua contre lui.
Commonwealth v. Abu-Jamal
Mais c’est avant tout comme prisonnier politique que Mumia Abu-Jamal est connu. La vie de ce militant de la première heure bascula le 9 décembre 1981 à 3h55. C’est à cet instant précis, que Daniel Faulkner, un jeune policier blanc de Philadelphie entreprit d’immobiliser William Cook, le frère d’Abu-Jamal, qui conduisait à contre-sens de circulation. Faulkner dégaina son arme et fit feu sur sa voiture. Il appela des renforts, s’approcha du véhicule de Cook, et lui ordonna d’en sortir. Alors que Faulkner menottait son frère, une fusillade éclata. Le policier fut atteint par deux balles, une dans le dos, et une au visage. Mumia, lui, prit une balle en plein poumon et gisait donc, inanimé, sur le sol.
La présence d’Abu Jamal près de la scène de crime poussa les force de l’ordre à croire que William Cook avait intentionnellement conduit Faulkner dans une embuscade. Le fait que ce genre de stratégie fut de nombreuse fois usitée par le Black Panther, à Newark et Oakland, pour provoquer les forces de l’ordre aggrava certainement son cas, étant donné son passé d’activiste. Abu-Jamal fut accusé du meurtre de Faulkner.
Lors de son procès en 1982, Abu-Jamal assura initialement sa défense. Il refusa de plaider, refusa de se lever au début des procédures judiciaires, et exigea, plus de 100 fois, que John Africa, le chef de culte de Philadelphie incarcéré et défenseur décrit comme le meilleur avocat dans le monde, soit autorisé à assister au procès. Abu-Jamal a qualifié un juge de «bâtard» et un autre de «conspirateur à robe noire», et il a été chassé des tribunaux au moins une demi-douzaine de fois pendant la durée de son procès. Il fut condamné à la peine de mort.Pendant ce temps, Abu-Jamal a attiré un culte passionné de partisans et d’apologistes qui ont protesté devant le palais de justice.
A force de mobilisation de sympathisants, de collectifs, d’associations, de politiques [3], sa peine fut finalement commuée en peine à perpétuité en 2001. Aujourd’hui, enfermé depuis 35 ans, Mumia Abu-Jamal souffre de diabète et a contracté l’Hépatite C. Sa santé continue de se détériorer et la prison refuse de lui administrer le traitement nécessaire, qui est extrêmement coûteux.
Mumia Abu-Jamal gagne son procès, il pourra enfin se soigner !
Notes et références
[1] General Educational Development (GED) est ensemble de cinq examens qui atteste qu’une personne détient les compétences académiques de niveau high school aux États-Unis ou au Canada.
[2] On parle aujourd’hui des Move nine pour désigner les Move 9 survivants de l’attaque de l’attaque policière de 1985.
[3] Parmi les soutiens de la première heure sur le cas Mumia Abu-Jamal, on peut citer la Ligue des Droits de l’Homme, la CGT, le PCF, les syndicats de journalistes, le MRAP, Danièle Mitterand (ex-première dame). Ainsi que Amnesty Internationalet le Collectif «