Sous couvert de comédie, le film « Tout Simplement Noir » interroge ce que représente dans toute sa complexité le fait d’être Noir en France au 21e siècle. Entre scènes hilarantes et réels questionnements de fond, les réalisateurs Jean-Pascal Zadi et John Wax ont su allier rires et réflexion dans un style satirique très efficace.
Tourné en 2019 avec une sortie initialement prévue en avril 2020, mais reportée au 8 juillet 2020 pour cause de Covid-19, le film Tout Simplement Noir se retrouve dans une actualité dramatique. Mais comme l’a pertinemment noté l’artiste Fary, qu’importe la temporalité de sortie du film, il aurait malheureusement trouvé écho à n’importe quelle période dans une France trop habituée aux violences policières.
Quand le monde entier proteste
Tout Simplement Noir aborde entre autres sujets épineux, celui des violences policières. Alors que le monde entier proteste dans les rues pour réclamer plus de justice, le film se fait l’écho d’une actualité brûlante.
Aux États-Unis le mouvement Black Lives Matter a mobilisé le monde entier. En France l’affaire Adama Traoré est devenue le symbole de la lutte contre les violences policières. En effet, il y a quatre ans, le 19 juillet 2016, le jeune Adama Traoré, 24 ans, trouvait la mort suite à une interpellation policière à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise). Depuis « l’affaire Adama Traoré » n’est toujours pas résolue et les incessants rebondissements judiciaires contradictoires provoquent la colère de la population qui y voit une série d’instructions partiales. De nombreuses manifestations de soutien envers la famille Traoré et contre les violences policières se sont déroulées et ont pris une ampleur mondiale avec le décès tragique de George Floyd le 25 mai 2020. Cet afro-américain de 46 ans a été tué par le policier Derek Chauvin à Minneapolis lors d’une arrestation pour avoir prétendument utilisé un faux billet. Les images atroces de l’agonie de Floyd suppliant pour sa vie sont gravées dans les mémoires et sa dernière phrase « Je ne peux pas respirer » a choqué le monde…
Aussi, les scènes d’interpellation de JP, personnage principal du film « Tout Simplement Noir », questionnent le rapport à la police tant sur le délit de faciès que sur le recours à la violence de certains policiers.
Plus qu’une comédie, une véritable satire
Sous couvert de comédie, le film Tout Simplement Noir (TSN) interroge par l’absurde ce qu’est d’être Noir en France au 21e siècle. Entre scènes hilarantes et réels questionnements de fond, Jean-Pascal Zadi et John Wax ont su allier rires et réflexion dans un format moderne répondant aux codes d’une génération connectée.
La question noire est introduite à travers le prisme de la satire, qui, rappelons-le est « un écrit dont la manière d’être est une critique de son sujet (des individus, des organisations, des États, etc.), souvent dans l’intention de provoquer, prévenir un changement ou de porter à réfléchir. »
De l’utilisation du militantisme afro pour redorer son image médiatique à l’afro-féminisme, en passant par les antagonismes entre maghrébins et sub-sahariens, JP Zadi et John Wax ont fait le pari de faire table rase de tous les sujets « sensibles » pour mieux les exposer à la réflexion collective. Une fantastique prouesse artistique où les réalisateurs ont repoussé les limites du politiquement correct sans jamais déraper!!
Des questions de fond
- Parmi la multitude de situations délicates auxquelles se prêtent avec brio les acteurs, on notera par exemple la réticence du personnage principal à intégrer la communauté maghrébine, (juive et musulmane) à sa marche, au prétexte que la fraternité de ces derniers serait à géométrie variable. Une scène qui, sous couvert d’humour, avec un Ramzy Bedia hilarant, dénonce sans équivoque le tabou de la négrophobie qui existe dans le monde arabe.
- De même, l’opposition entre Africains et Antillais, concernant notamment le (prétendu) rôle de certains Africains dans la traite négrière transatlantique, est également évoquée et tournée en dérision à travers le jeu d’acteur de Lucien Jean-Baptiste forçant le trait (et le créole).
- Avec TSN, Jean-Pascal Zadi s’interroge sur la communauté noire et questionne plus particulièrement le militantisme noir et ses nombreuses contradictions. Le militantisme-spectacle, le manque d’intérêt de la communauté, la difficulté à définir qui est noir et qui ne l’est pas, le métissage… le réalisateur donne l’impression, en plus d’expériences de vie qu’il a témoigné avoir vécues, d’avoir passé les deux dernières années sur les réseaux sociaux à répertorier les contradictions qui sont légions dans certains groupes afro!
- Mais TSN, c’est aussi et surtout des références fortes et précises à l’Histoire (l’abolition de l’esclavage, la révolution haïtienne ou le blanchiment des troupes coloniales à la Libération) et un hommage discret mais sincère aux personnalités noires telles que Cheikh Anta Diop ou 2Pac.
Un casting hors normes
Jean-Pascal Zadi et John Wax ont su fédérer autour de leur projet. Ainsi, « Tout Simplement Noir » réunit un casting hors normes dans lequel les personnalités noires du cinéma, de la télévision, de l’humour ou encore du sport se succèdent.
Outre Fary, vous retrouverez aussi Fabrice Eboué, JoeyStarr, Ramzy Bedia et sa soeur Melha Bedia, Lilian Thuram, Claudia Tagbo, Cyril Hanouna, Eric Judor, Ahmed Sylla, Mathieu Kassovitz, Fadily Camara, Lucien Jean-Baptiste ou encore Vikash Dhorasoo, pour ne citer qu’eux. Preuve de la pertinence d’un film qui déconstruit les clichés et autres idées reçues pour rebâtir collectivement une société plus équitable.
Un film qui fera date
Tout simplement Noir est un véritable ovni dans le paysage cinématographique français. De par les questions qu’il aborde et qui résonnent parfaitement avec l’actualité, mais également par son ton satirique qui aide à intégrer son propos. Sceptique avant le visionnage, la rédaction de Nofi a été très agréablement surprise par la qualité d’écriture, la pertinence et la mesure des réponses apportées. Par ailleurs, nous avons été bluffés par le jeu d’acteur de Jean-Pascal Zadi assisté par un Fary qui tous deux, portent brillamment le film sur leurs épaules.
Sans équivoque, nous conseillons au plus grand nombre d’inonder les salles à la sortie du film !! Rendez-vous le 8 juillet !!
Synopsis: JP, un acteur raté de 40 ans, décide d’organiser la première grosse marche de contestation noire en France, mais ses rencontres, souvent burlesques, avec des personnalités influentes de la communauté et le soutien intéressé qu’il reçoit de Fary, le font osciller entre envie d’être sur le devant de la scène et véritable engagement militant…