Annie Easley (1933-2011) fut l’une des premières informaticiennes à travailler pour la NASA. Egalement mathématicienne et scientifique de fusée, elle mena l’équipe de développeurs à l’origine de l’étage de fusée Centaur pour la NASA, qui est toujours utilisé de nos jours pour certains types de lanceurs.
Jeunesse et origines d’Annie Easley
Annie Easley naît en 1933 à Birmingham dans l’état de l’Alabama. A l’époque, comme dans d’autres états du sud des Etats-Unis est soumis aux lois de ségrégation raciale dites ‘Jim Crow’. Bien qu’elles ne prônent officiellement pas l’inégalité entre Noirs et Blancs mais seulement leur séparation, certaines lois ne laissent aucun doute sur leur caractère discriminant et raciste:
« Aucune personne ni corporation ne pourra demander à une infirmière blanche d’exercer dans des services ou des chambres d’hôpitaux, privés et publics, dans lesquels se trouvent des hommes nègres. »
La mère d’Annie Easley, qui l’a élevée seule, lui a toutefois dit qu’elle pourrait devenir ce qu’elle voulait être dans la vie. Toutefois, elle devrait travailler en conséquence. Un travail, qui a l’époque, en tant que femme et que Noire, devait être beaucoup plus considérable que la majorité des autres Américains.
Grâce à son travail et à son talent, Easley devint major de sa promotion au lycée. Intéressée par la perspective de devenir pharmacienne, elle se rend en Louisiane où elle étudie à l’Université Xavier à la Nouvelle Orléans pendant deux ans à partir de 1950.
Un épisode de sa vie est souvent rapporté pour illustrer sa réaction à la discrimination à laquelle elle et ses semblables furent confrontés. En 1954, elle rentra brièvement dans son Alabama natal. Les lois de ségrégation contraignaient les Noirs à payer une taxe et à passer un examen pour pouvoir voter. Grâce à son éducation acquise à l’université, elle aidera d’autres Noirs à préparer cet examen nécessaire au vote.
Débuts à la NACA
Entre temps, Annie Easley s’est mariée. Afin de se rapprocher de la famille de son époux, elle s’installe à Cleveland dans l’Ohio. Elle espère y poursuivre ses études de pharmacie. Toutefois, la seule école destinée à cette discipline est alors fermée. C’est en 1955 qu’elle découvre une petite annonce qui allait changer sa vie. La NACA, agence fédérale pour la recherche en aéronautique était à la recherche de ‘calculateurs humains’, des personnes douées en mathématiques pour effectuer des calculs complexes utiles aux ingénieurs locaux. Motivée par le cas de deux jumelles exerçant ce travail et par son bon niveau en mathématiques, elle candidate puis est acceptée deux semaines plus tard. Elle est alors une des quatre employés noirs sur des milliers.
A la NASA
En 1958 fut créée la NASA. Cette agence est responsable du programme spatial des Etats-Unis d’Amérique et incorpore la NACA et ses recherches en aéronautique. La NASA lança un projet de l’étage de fusée appelé Centaur. Annie Easley y participera de manière significative, notamment en développant des codes informatiques analysant des technologies énergétiques alternatives, ici un mélange unique d’hydrogène liquide et d’oxygène. Elle travaillera aussi sur d’autres projets mobilisant de l’énergie éolienne et solaire, qui plus tard seront utilisés comme sources d’énergie renouvelables pour les voitures. Entre temps, avec l’arrivée des ordinateurs, les rôles de ‘calculateurs humains’ n’étaient plus utiles. Annie Easley s’était donc reconvertie en programmeuse informatique.
La discrimination à la NASA
Elle poursuivra aussi ses études et obtiendra une licence en mathématiques de l’Université d’Etat de Cleveland en 1977. Ce diplôme, elle l’aura obtenu malgré la discrimination l’ayant frappé. Les autres membres de la NASA pouvaient bénéficier d’une aide financière pour suivre des cours à l’université, mais on lui refusa ce privilège sans explication.
De la même manière, on enlevait toujours son image des photos promotionnelles de la NASA, ce qui n’arrivait pas à ses collègues blancs. Vers la fin de sa carrière, elle servit comme conseillère à l’égalité à l’emploi auprès des superviseurs à la NASA, notamment dans les domaines des discriminations liées au sexe et à la ‘race’.
Quelques uns des projets d’Annie Easley
Le Centaur, auquel elle avait tant contribué, sera utilisé pour charger le Surveyor 1, la première sonde spatiale américaine envoyée sur un corps extraterrestre, en l’occurence la Lune ; la sonde spatiale Cassini, envoyée sur la planète Saturne (1997); et sous une forme améliorée le vaisseau spatial InSight. Il sera aussi utilisé pour les prévisions météo et la surveillance du territoire américain. Elle aura aussi contribuer à tester et à concevoir le Plum Brook Reactor, le seul réacteur à fission nucléaire de la NASA.
Annie Easley prendra sa retraite de la NASA en 1989. Son rôle de pionnière des femmes noires américaines dans les sciences dures, elle l’aura obtenu par son talent, son travail et sa résilience devant les difficultés, notamment la discrimination. Dans une interview donnée en 2001, elle déclarera: « J’étais juste là pour faire le travail et je savais que j’avais les capacités pour le faire et c’est sur ça que je me focalisais…Si je ne peux pas travailler avec toi, je travaillerai à côté de toi. On ne pouvait me décourager au point que je parte. Ca peut être une solution pour certains, mais ce n’était pas la mienne ».
Elle mourra en 2011, ayant battu le sentier largement inexploré des femmes noires américaines dans les sciences dures et en particulier dans la recherche spatiale.
Sources :
Caroline Kennon / Hidden no more : African American women in Stem Careers
https://massivesci.com/articles/annie-easley-facts-stem-mathematician-nasa-scientist-discrimination/
https://www.nasa.gov/feature/annie-easley-computer-scientist