« Si tu me connais, c’est qu’on t’a parlé de moi». Serial entrepreneur, directeur d’école, élu municipal. Boniface N’Cho n’était pas destiné à prospérer dans les affaires. Mais c’était sans compter sur l’inébranlable confiance qu’il avait en ses rêves. Aujourd’hui, le jeune patron s’offre le luxe de se passer d’apparat pour se présenter tel qu’il et imposer une méthode éducative controversée: la pédagogie Montessori.
CV
Mairie de 4e arrondissement (Groupe écologiste de Paris) : adjoint au maire chargé du dialogue social, de la qualité du service public, de l’économie sociale et solidaire, du commerce et de la jeunesse et des sports. De 2014 à 2020
- Cluster, agence de communication (2013) :
- Effectif : 5 salariés
- Chiffre d’affaires : 450 000 euros
- Localisation : France
SCOP(Coperative de salariés) Plaisir d’Enfance – Crèche et école (2015) :
- Effectif : 50 salariés
- Chiffre d’affaires : 1,7 million d’euros
- Localisation : France
Afropean retail group – Groomers, chaîne de barbiers/ Le comptoir de la barbe, cosmetic pour homme associé John Dieme (2016) :
- Effectif : 40 salariés
- Chiffre d’affaires : 1,2 million d’euros
- Localisation : France
Modèle commun : management basé sur les valeurs urbaine. Respect et considération pour Tout les salariés.
À la découverte de la pédagogie Montessori
Boniface N’Cho:« L’enseignement dispensé ici n’entre jamais en opposition avec son rythme et son développement personnel »
Située dans le 19e arrondissement parisien, l’école Plaisir d’Enfance, structure Pikler et Montessori, accueille des enfants de 3mois à 11 ans. Dirigée par Boniface N’Cho depuis bientôt cinq ans, elle fête ses trente années d’existence en 2020. Pour Noir Entreprendre, le directeur a accepté de nous présenter, à travers son école, ce mode d’éducation encore ovni. Une pédagogie bien loin du système scolaire en vigueur…
Un modèle scolaire d’élite, qui place l’enfant au cœur de son propre développement. Ainsi pourrait-on résumer ce mode d’éducation original. La volonté de réformer le système scolaire en France est dans le top 10 des préoccupations sociétales depuis plusieurs années déjà. Pourquoi diable faudrait-il qu’une méthode pensée à l’ère de Charlemagne soit nécessairement adaptée à toutes les singularités ? De ce non-sens les dégâts sont avérés : fragilité des acquis, ennui, décrochage scolaire, lacunes d’apprentissage… L’enjeu est simple : comment repenser l’enfant comme une personne à part entière et valoriser sa subjectivité ? Il y a un siècle, la proposition d’une thérapeute européenne a émergé et semble faire ses preuves aujourd’hui : la méthode Montessori.
« L’enseignement dispensé ici n’entre jamais en opposition avec l’éducation que l’enfant reçoit chez lui. »
Boniface N’Cho: « Chez nous, le principe d’éducation n’est pas de créer des enfants rois. L’enfant a bien conscience que c’est l’adulte qui prend la décision. Accompagner ne signifie pas laisser tout faire, mais poser un cadre sécurisant afin de permettre son développement. »
Sociabilisation et conquête de l’environnement
« Il n’y a qu’un seul moment dans la journée où tous les enfants vont être assis, mais pas autour d’une table. C’est le rassemblement du matin. Ils se retrouvent dans un cercle qu’on appelle “la ligne” et échangent la météo de la journée, à savoir : leur humeur, leurs émotions. Généralement, au Jardin d’enfants, chaque élève apporte un fruit à partager. La question du rythme s’impose dès la crèche. Les repas se font à tour de rôle. On montre aux enfants qu’ils ont chacun leur temps. Selon la pédagogie Pikler, chaque enfant sait après qui il mange, et on se rend compte, chez les bébés, que très rapidement, au bout de quelques mois, le groupe est posé, le rythme est intégré et les enfants patientent. »
Un univers pédagogique spécifique
« Ce qui fait vraiment la différence avec les autres écoles, c’est le matériel. Il a été pensé de manière ludique, afin qu’aucune matière ne soit délaissée. L’enfant est dans la découverte, et la méthode est conçue pour qu’il finisse par y arriver, à son rythme. Chaque enfant choisit un travail que l’enseignant lui présente. Il lui en explique la consigne et, au cours de la journée, il peut aller choisir d’autres travaux, les mettre sur sa table et les explorer. Ainsi, chacun commence par ce qui l’a attiré. Un jour, tu as peut-être envie de faire des maths, un autre, du dessin. L’idée est d’accompagner l’enfant dans son développement ».
Bienveillance
« Il n’y a pas d’enfant “turbulent”. Ce qualificatif m’a personnellement collé à la peau quand j’étais petit. Ici, on essaie vraiment de comprendre les problèmes, pourquoi il a autant d’énergie et comment il peut la canaliser. Il n’y a pas de bagarres, chez nous. Quand certains veulent “jouer à la bagarre”, on leur explique que ce n’est pas un jeu, mais qu’il existe des sports de combat pour lesquels il faut s’entraîner. On leur propose plutôt d’autres moyens de se défouler. On parle d’enfants, ils vont donc dans le sens dans lequel les adultes les guident. Plus le cadre est rassurant, moins on observe ce type de comportements. Ils se chamaillent, bien sûr, mais on leur explique toujours pourquoi on ne règle pas les conflits de cette façon. Vous pouvez être assez surpris du calme qui règne dans l’école. L’une des choses qui m’a le plus étonné, au début, est qu’ils se parlent en chuchotant. Du coup, ils n’ont pas besoin de crier pour s’entendre et on n’a pas besoin de leur demander de se taire. Si nécessaire, on les invite à baisser la voix en parlant soi-même plus bas. »
Cohésion éducative
« À travers les enfants, on arrive à cerner les parents. On peut identifier ceux qui ont un cadre à la maison et ceux qui n’en ont pas forcément. Par exemple, dès la crèche, on voit comment ils réagissent aux émotions. Dans tous les cas, l’enseignement dispensé ici n’entre jamais en opposition avec l’éducation que l’enfant reçoit chez lui. Dans notre démarche, on explique aux parents, on est transparents avec eux sur la méthode car, je le répète, le but est d’accompagner l’enfant dans son développement. On fait régulièrement des réunions avec eux, mais pas comme celles qui stressent et ont forcément pour vocation de réprimander. L’enfant y assiste généralement, afin qu’il puisse savoir ce qu’il s’y dit. On met l’accent sur les choses bien, ce qu’on ne fait pas assez ailleurs. Les enseignantes sont formées à ne jamais dire « t’es nul ! ». On est constamment dans la bienveillance, il n’y a pas de coin ici. On rassure, on accompagne. »
« Je souhaite, et c’est la vocation du fonds que nous avons créer l’année dernière, que les éducations actives deviennent une politique publique. »
Smartmôme
« Nous donnons les moyens à l’enfant d’affronter l’environnement, quel qu’il soit. Nos élèves ont des copains à l’extérieur, ils savent donc qu’ici, c’est complètement différent de ce qui les attend dehors. Nous les préparons à éviter d’éventuels chocs. Par ailleurs, l’apprentissage Montessori fait que certaines matières les intéressent déjà beaucoup et qu’ils ont même un peu d’avance. Je me souviens d’un enfant de CM2 qui résolvait déjà des problèmes de niveau 4e. On peut déceler les aptitudes dès la crèche. »
Hors cadre
« Les notes sont pour nous quelque chose d’assez éphémère, dans la mesure où tu peux avoir 5 aujourd’hui et 10 demain. Prendre le temps d’en établir est une perte de temps. La note pousse à la comparaison et à la compétition avec les autres élèves, ce qui n’est pas pertinent. Si l’enfant a raté un exercice, il recommence jusqu’à ce qu’il y arrive, puis passe à un autre. Le but de ce type d’enseignement est qu’il ait confiance en lui. C’est important, c’est ce qui façonne l’adulte, le citoyen de demain. Il faut qu’on puisse les accompagner au mieux afin qu’ils soient armés pour affronter les difficultés qu’ils rencontreront toute leur vie. »
Façonner les futurs adultes
« Nous sommes persuadés que, grâce à ce type de pédagogie, nous parviendrons à accompagner des enfants qui seront des adultes responsables demain. »
« Certains enseignants dans le public commencent à utiliser la méthode Montessori. Nous y croyons profondément et souhaitons pouvoir financer des formations pour les enseignants qui souhaitent s’y former, ainsi que faire des dons de matériel. Car c’est ce qui coûte le plus cher. Il faut des moyens que l’Éducation nationale ne met pas à disposition. Je souhaite, et c’est la vocation du fonds que nous avons créer l’année dernière, que les éducations actives deviennent une politique publique. La question est de savoir combien l’État est prêt à engager pour les enfants. Moi, je pense qu’il faut tout mettre. Plus on investit dans l’éducation, plus les citoyens sont aguerris, responsables et capables de décider pour l’intérêt commun. »
« En France, un second collège Montessori vient d’ouvrir à Porte de la Villette (Paris 19e), avec l’équipe de Montessori 21, dirigée par Sébastien Leplaideur. Il est actuellement dans sa première année d’activité. Il y a même des maisons de retraite qui fonctionnent avec la méthode Montessori. Dans l’accompagnement des personnes âgées, il faut souvent répéter les choses, réapprendre, avec beaucoup de bienveillance, donc c’est le même principe. »
La réputation
« Ça fonctionne surtout par bouche-à-oreille, à la réputation et à l’expérience. Trente ans d’existence, ce n’est pas rien. Nous avons eu des enfants de personnalités. Cette école est la structure que j’ai le mieux organisée. Elle part d’une base saine parce que les gens sont déjà dans une démarche de bienveillance avec les enfants. Il a suffi de l’appliquer entre les adultes. Mon rôle, ici, est similaire à celui d’un chef d’orchestre, et même moins, puisque les gens se gèrent. »
La méthode N’Cho
Les premières années, comme on était dans une période compliquée, j’ai dû régler pas mal de choses. Je suis arrivé avec ma méthode. J’ai rencontré tous les salariés, pris le temps d’identifier les problématiques et, petit à petit, j’ai restructuré. Je m’entretenais une fois par semaine avec l’association des parents. Heureusement que j’étais bien dans mes baskets avant d’arriver parce que certains te bousculent. J’ai quand même eu à mettre quelques coups de pression. Au fur et à mesure que je réglais les problèmes, ils n’avaient plus de raison de se réunir. Aujourd’hui, cette association n’existe plus. Pourtant, au départ, beaucoup de mes amis proches ont douté de mes compétences. »
« Il y a un problème de mixité sociale flagrant. »
Montessori et mixité sociale
« La question du prix freine beaucoup de parents. La méconnaissance aussi. Moi le premier, avant de reprendre la direction de l’école, je ne m’étais pas intéressé à la méthode Montessori. Du moins, pas au point de penser que mes enfants fréquenteraient un jour ce type d’établissement. Les frais de scolarité font qu’on a surtout des enfants issus de milieux favorisés, plutôt des tranches CSP + et CSP++. Parmi les parents de milieux plus modestes, qui nous connaissent souvent dès la crèche, beaucoup sont prêts à franchir le pas pour le primaire. J’ai déjà entendu une maman me dire qu’elle allait contracter un crédit pour que son enfant poursuive dans l’école Montessori. Je réfléchis actuellement à cette question. Je suis né dans le 19e et je sais que la fréquentation de cette école n’est pas représentative de la population. Il y a un problème de mixité sociale flagrant. Pour pallier à cela, j’ai récemment monté le Fonds solidaire éducation active, qui a été lancé officiellement cette année. Ce système de bourses accompagnera les enfants au sein de l’école et des établissements associés, d’abord. Car des accidents peuvent survenir et entraîner des changements de situation. Puis, le fonds fournira des bourses aux enfants issus de catégories sociales moins favorisées. »
« Je suis fier que cette équipe soit aussi composée de Noirs. La directrice administrative , Fatoumata Sissoko, est arrivée deux semaines avant moi. Elle occupe un poste très important car elle est mon relais, une personne de confiance. Je la connaissais depuis longtemps. Elle était assistante dans un cabinet d’architecte et venait d’arrêter de travailler. Quand je l’ai appelée, elle n’était pas certaine que le plan fonctionnerait, mais en arrivant, elle s’est rendu compte que c’était sérieux. Kérina Youssouf, est la directrice de cette crèche et de celle qu’on vient d’ouvrir Pantin. »
Plaisir d’Enfance
Effectif :
École : nombre maximal : 198 enfants
- Crèche : 38 enfants
- Jardin d’enfants : 80 enfants (3-6 ans)
- Primaire : 80 enfants
- 1 enseignante + 1 assistante pour 10 enfants (école)
- Liste d’attente : 238 enfants
Accueil :
- Fermé le mercredi (en réflexion)
- Pas de centre de loisir
Statut :
- École privée payante
- Méthode Pikler et Montessori
Tarifs :
- 585 euros/mois par enfant
- Environ 700 euros/mois par enfant avec demi-pension et garderie
Prélèvement automatique
Particularités :
- Éducation active
- Combinaison de plusieurs pédagogies (évolutif)
- Matériel spécialisé (ludique)
- Pédagogie centrée sur l’accompagnement et de développement personnel
- Respect du rythme de l’enfant (adaptation)
- Bienveillance
- Personnels formés selon la méthode Montessori* (jardin d’enfants et primaire)
- Personnels formés selon la méthode Pikler* (crèche)
Fonctionnement :
- Aucune note
- Aucun examen
- Suivi poussé basé sur des bilans
Scop Plaisir d’Enfance : 56, rue du Pré-Saint-Gervais 75 019
La méthode Montessori
Établie par le docteur italien Maria Montessori (1870-1952), à la fin du XIXe siècle. Cette pédagogie, née des longs travaux d’observation de la scientifique, prend en compte les capacités d’apprentissage innées des enfants. En leur garantissant un environnement adapté et bienveillant, elle leur permet d’évoluer en groupe dans le respect du rythme de chacun. Bannissant la frustration et la compétition entre les élèves, elle privilégie le dialogue et la valorisation, pour l’éducation de futurs adultes responsables et soucieux de l’intérêt commun. En France, la méthode se développe progressivement depuis trois décennies. Les établissements se réclamant de cette méthode recrutent et forment des personnels spécialisés et sont inscrits et reconnus par la Fondation Montessori.
La crèche “piklérienne”
La méthode Montessori a son pendant pour les bébés : la crèche piklérienne. Pensée par Emmi Pikler, une autre psychanalyste européenne, la méthode Pikler est censée s’appliquer avant la méthode Montessori, dans la mesure où elle concerne les nourrissons. Bien qu’il n’y ait aucune obligation d’ordre. Elle consiste à instaurer le dialogue avec le nouveau-né en l’impliquant dès le départ dans chaque action de son quotidien, comme le lange ou l’alimentation. À l’école Pikler aussi, on laisse au bébé la possibilité de s’épanouir entièrement en occupant l’espace à sa guise.
À PROPOS DE BONIFACE…
« En tout cas, c’est une fierté d’avoir des afro à la tête de l’établissement, ça montre qu’on est capables. »
1990-2009 : Des rêves pleins la tête
-« À l’époque je n’avais rien. Je vivais dans le 19e avec mes cinq frères et sœurs. Avec mes parents, nous nous partagions deux chambres de bonne de 12 m2 chacune. »
-« Lorsque tu veux réaliser tes rêves, tu les protèges. Donc si tu écoutes les gens de l’extérieur, qui manquent souvent de bienveillance, tu es sûr de te planter. »
2009-2013 : Banqueroute
– « Un ami me disait que les gens qui ne sont pas prêts à être riches ne le deviennent pas. En 2009, j’avais 19 ans et 20 000 euros de dettes, je me demandais comment j’allais m’en sortir et je voulais aller vite. »
-« Finalement, ça a été ma meilleure expérience parce que j’ai vécu avec rien. Aujourd’hui, ne plus rien avoir, rien ne me fait pas peur. Je crois que c’est aussi ça qui fait ma force. »
2011 : Just do it
– « J’ai commencé mon parcours entrepreneurial après le bac, avec une boîte de production. Vers 2011, j’ai monté une agence de communication. Comme je faisais beaucoup de fautes d’orthographe et que j’avais des dettes suite à un concert que j’avais organisé et qui n’avait pas fonctionné, tout le monde me disait d’aller travailler, mais j’étais sûr de moi. »
– « Je me suis débrouillé et ai décidé de suivre un stage dans une agence. Je n’étais pas payé mais au moins, je pouvais regarder comment ils faisaient. J’ai rejoint un autre gars avec lequel j’ai monté une boîte de com. Ça a bien fonctionné au début, mais il était souvent absent et quand je le lui ai reproché, ça a été une période assez difficile. »
« Il me fallait juste le petit coup de pouce, quelqu’un qui me fasse confiance. »
2014 : monsieur le maire
-«Je n’ai aucun marché qui soit lié de près ou de loin à la Mairie. J’ai tout compartimenté donc il n’y a pas de conflit d’intérêts. Mes fonctions n’ayant rien à voir avec mes activités commerciales, aucun client ne me tient. Je veux construire de manière à être et rester autonome. »
2013 : le coup de pouce qui a tout changé
– «Emmanuel Snyders un ami, je dirais même un frère, était enseignant à l’école et je lui ai parlé des difficultés que je traversait. Il m’a proposé de m’aider. À l’époque , je n’avais pas les 1 000 euros nécessaires pour constituer le capital. Il touchait 1 500 euros de salaire et a proposé de m’avancer l’argent. C’est grâce à lui que j’ai pu lancer tous mes projets, sur lesquels j’ai décidé de lui reversé 20 %. Il me fallait juste le petit coup de pouce, quelqu’un qui me fasse confiance. Il était là et je le remercierai jamais assez!
2015 : La reprise de l’école
– « La fondatrice de l’école qui me connais depuis la 6ème m’a appelée. Elle m’a exposée les difficultés de la structure et m’a proposé de la reprendre. La situation était crique, l’association était inscrit au tribunal de commerce et menacé de fermeture pour la fin décembre 2015. J’ai longtemps refusé. À l’époque , je n’avais pas vraiment le temps. Je préparerais l’ouverture des Groomer’s plus l’agence de communication et mon mandat d’élu je me suis dit impossible. Mais Dieu vous propose une mission c’est qu’il est sur que vous êtes capable c’est juste que je n’en avait pas conscience. J’avais longtemps évolué dans le milieu associatif, j’avais monté mon agence, je possédais donc une expertise dans la gestion, ainsi que cette vision politique. La crèche était en partenariat avec la Ville de Paris, et l’idée était d’identifier les leviers sur lesquels on pouvait s’appuyer pour l’accompagnement d’une structure. J’arrive comme président de l’association en 2015, que je transforme en SAS SCOP en janvier 2017. »
« On essaie de ne pas s’arrêter au CV et de laisser une part importante au ressenti. »
2017 : partager le bénef
– « Il y a beaucoup d’a priori, de fantasmes. En tout cas, c’est une fierté d’avoir des afro à la tête de l’établissement, ça montre qu’on est capables. Lorsqu’on arrive, avec Fatoumata Sissoko, la directrice financière, on se dit que c’est à nous de montrer l’exemple et de prouver que nous ne sommes pas des dictateurs africains. »
– « Nous avons pris tout le monde de court en transformant l’école en coopérative de salariés. J’ai envie qu’on arrive à créer une dynamique ensemble, que tout le monde ait la parole et se reconnaisse dans le projet. À la fin, on partage les bénéfices. Nous nous sommes fait accompagner durant un an sur la gouvernance et nous avons mis en place quelque chose d’assez nouveau pour moi : l’élection sans candidat. On rédige une fiche de poste, et au lieu des votes à bulletin secret, chacun propose le candidat qui lui semble le plus compétent, sans que la personne se soit présentée. Ça permet l’émergence de talents, et c’est beau de voir que les gens peuvent placer leur confiance dans des étrangers. Ce n’est pas courant. On essaie de ne pas s’arrêter au CV et de laisser une part importante au ressenti. »
2018 : Golden boy
– « Avant, j’avais un vrai complexe né de mon rapport à la société. Cela me poussait à porter constamment un costume. Je pensais ainsi compenser pas mal de choses, dont ma couleur de peau, parce que la société me renvoyait à ça. Petit à petit, lorsque mes affaires ont pris, j’ai changé d’état d’esprit. Je me suis dit que les clients venaient à moi pour mes compétences et non pour mon apparence. En plus, les chaussures me faisaient mal aux pieds, la cravate me serrait le cou, c’était oppressant. »
– « J’ai envie de venir comme je suis, en étant à l’aise, et tant pis pour celui que ça dérange. Ça été difficile, mais plus j’ai gagné d’argent, et plus j’ai gagné en assurance, parce que je n’avais plus besoin de démarcher, de convaincre, de prouver. J’arrive en baskets, parfois même pas coiffé. Mon agence s’est développée sans site internet ni carte de visite, donc si tu me connais, c’est qu’on t’a parlé de moi. Dans ce cas, ce n’est pas la peine d’entrer dans des histoires d’habillage, on est là pour le fond, gagnons du temps ! À la mairie, c’était pareil, jusqu’en 2015, j’y allais encore cravaté avant de tout envoyer balader. C’est une chance d’avoir une capacité financière qui te donne le choix d’embrasser ta propre notion de ce qu’est « être propre sur soi ». C’est comme ça dans le monde des start-up et plus tu avances, plus tu te rends compte que même les grosses boîtes commencent à lâcher prise. »
2019 : contemplation
– « Quand j’arrive à l’école, je suis un des seul Noir, je suis président ; c’est compliqué de pouvoir assumer, mais j’ai réussi à le faire. »
– « S’ils ont un problème, je dis clairement [aux parents] qu’ils peuvent mettre leur enfant ailleurs. Moi, je n’en ai aucun. »
– « Ce truc qu’on a de tous s’appeler “boss”, c’est vraiment inscrit en moi. La coopérative de salariés, pour moi, est le meilleur modèle d’entreprise. C’est ce qu’on fait chez Groomers, où on responsabilise nos coiffeurs, nos managers. S’ils vous donnent une information, vous n’avez pas besoin de parler au directeur. Il est autant responsable que nous et a autant envie que l’activité fonctionne. »
– « Je me considère comme un gestionnaire d’entreprise. Aussi, je me mets dans la position de celui qui doit relever le défi, quelle que soit l’entreprise. Je n’avais aucune appréhension. Je suis quelqu’un de confiant. »
– « Chez nous, la confiance ne se gagne pas, on la donne. Après, si tu merdes, bon… »
– « Je suis assez satisfait du parcours que j’ai eu. J’ai beaucoup travaillé, mais en fait pas vraiment parce que c’est surtout de la passion. »