Le kimbanguisme : le christianisme à visage africain ?

Par Bruce Mateso (président de l’AMECAS). Il est difficile de donner une définition exacte du kimbanguisme sans basculer dans une querelle théologique. Les choses tournent souvent de cette façon lorsqu’il s’agit de définir un mouvement religieux. Encore plus lorsque celui-ci est basé sur deux éléments oxymoroniques : comment être pleinement ancré dans le christianisme tout en revendiquant son africanité avec militantisme ?

Là est la particularité du kimbanguisme et de sa figure centrale, Simon Kimbangu, dont la filiation et l’héritage sont incarnés par l’Église officielle de Jésus-Christ sur Terre par Son Envoyé Spécial Simon Kimbangu (EJCSK). Par sa doctrine théologique, son rôle historique revendiqué dans l’indépendance de la République démocratique du Congo (RDC), malgré un apolitisme affiché aujourd’hui, et ses revendications nationalistes et panafricaines, le kimbanguisme est une illustration de l’acculturation (méconnaissance ?) du christianisme par les Africains.

Mouvement religieux chrétien africain à vocation universelle, membre du conseil œcuménique des Églises de 1969 à 2001, l’EJCSK est forte de 22 millions d’adeptes à travers le monde, principalement en République démocratique du Congo, mais aussi en République du Congo, en Angola, ainsi que parmi les diasporas congolaises présentes en Occident. L’Église est dirigée par Simon Kimbangu Kiangani, petit-fils de Simon Kimbangu, assisté des autres descendants de ce dernier. L’importance culturelle du kimbanguisme au Congo en tant qu’institution atteste de sa vitalité. Quels en sont les ressorts historiques et idéologiques ? Comment kimbanguisme s’adapte-t-il aux enjeux nationaux et continentaux du XXIe siècle ? Quelles en sont les vicissitudes ?

Kimbangu, « celui qui révèle les choses cachées »

La place et la nature de Simon Kimbangu sont des questions théologiques majeures pour le mouvement kimbanguiste, dans la mesure où elles visent à faire état de l’appartenance du kimbanguisme au christianisme. Simon Kimbangu naît le 12 septembre 1888 (Wikipedia dit 1887) à Nkamba, alors village kongo proche de Mbanza-Ngungu (dans l’actuelle région du Kongo central, en RDC), sous le nom unique de Kimbangu qui, en kikongo, signifie « celui qui révèle les choses cachées ». Il appartient aux Besi Ngombe, un sous-groupe kongo. Le peuple kongo, bantouphone, se trouve dans le sud-ouest de la RDC, dans le nord de l’Angola, ainsi que dans le sud du Congo Brazzaville, descendants des habitants de Kongo dia Ntotila, l’ancien royaume du Kongo.  Né de Kuyela et Luezi, sa mère, qui meurt alors qu’il n’est encore qu’un nourrisson, il est élevé par sa tante, Kinzembo. Kimabangu grandit dans le milieu coutumier kongo, régi par le fu kiau tsi et par le Bukongo de manière plus générale (religion et culture kongo). Bien que la Baptist Missionary Society, basée à Ngombe Lutete, débute ses activités dans la région, ni lui, ni sa tante, ni son père ne sont chrétiens. Se pencher rapidement sur l’environnement religieux de Simon Kimbangu à sa naissance permet de contextualiser ses influences probables. Chez les Besi Ngombe, la notion d’entité suprême est connue sous plusieurs vocables : Nzambi a Mpungu Tulendo, Kongo Kalunga. Le Kimpasi, une des quatre grandes écoles initiatiques connues depuis au moins le XVIIe siècle, était pratiqué dans la région.

Image de Simon Kimbangu jeune.

Kimbangu est baptisé à l’église baptise le 4 juillet 1915 et ordonné catéchiste. Il prend alors le nom de Simon. La même année, il est marié religieusement à Marie Mwilu, avec qui il avait déjà effectué le mariage coutumier kongo. De cette union naissent leurs fils Kisolokele Daniel Charles, Dialunguna Kiangani Salomon et Diangenda Kuntima Joseph. Kimbagu travaille ensuite à Léopoldville (actuel Kinshasa), dès 1919, aux Huileries du Congo belge, comme pointeur de tonneaux d’huiles. Cela lui permet de subvenir aux besoins de sa famille. Il est dit que c’est en 1918 qu’il reçoit son premier appel à sa mission divine mais qu’il le rejette, ne s’estimant pas digne de l’accomplir. Enrichi de son expérience kinoise et n’ayant jamais coupé les liens avec Nkamba, il s’y réinstalle définitivement au début de 1921. Le 11 mars de la même année, alors qu’il se rend, accompagné de son fils aîné, au marché de Kenge, en passant par le village de Ngombe-Kinsuka, il réalise un premier miracle en guérissant une femme nommée Kintondo. Cette guérison se fait au nom de Jésus-Christ (invocation chrétienne), par l’imposition des mains, le toucher et les invocations à Nzambi A Mpungu, par des tremblements, des vibrations (selon la conception thaumaturge* kongo). Dès lors, Simon Kimbangu réalise d’autres miracles à Nkamba, de sorte que, très vite, les malades affluent de la région, mais aussi de Léopoldville, de Brazzaville (alors appartenant à la colonie française du Moyen-Congo), et même de Mbanza-Kongo (territoire contrôlé par les Portugais). Du 6 avril au 6 juin 1921, Simon Kimbangu prie, prêche et guérit quotidiennement ces milliers d’arrivants. La rumeur d’un guérisseur thaumaturge, envoyé de Dieu (d’où le vocable de « ngunza » qui lui est alors attribué par les Congolais, de « ntumua nzambi », ou encore de « mvuluzi »), s’élève alors au Kongo central (nommé Bas-Congo à l’époque).

Bien que Kimbangu n’appelle pas directement à la subordination, son discours spirituel a des relents anticolonialistes tandis que, dans les faits, la population en vient à déserter les chantiers pour écouter la parole du ngunza désormais établi. Toutes les classes sociales sont impliquées : paysans, ouvriers, domestiques. Les missionnaires catholiques, alertés par ce succès qui sape leur légitimité, demandent à l’administration de réagir. Les accusations de xénophobie et les appels au boycott fusent, les commerçants de Mbanza-Ngungu et de Léopoldville relaient les plaintes. Ainsi, la visite d’un administrateur colonial, qui constate le caractère insurrectionnel du mouvement, entraîne la répression. Un détachement militaire débarque le 6 juin pour arrêter Kimbangu, qui s’échappe en brousse et atteint la sous-région dans la clandestinité. La zone passe alors en régime militaire. Kimbangu se rend finalement, le 12 septembre 1921, et prononce un prêche prophétique, révélateur de la quintessence du kimbanguisme :

« Mes frères, l’Esprit est venu Me révéler que le temps de Me livrer aux autorités est arrivé. Tenez bien ceci : avec Mon arrestation, commencera une période terrible d’indicibles persécutions pour Moi-même et pour un très grand nombre de personnes. Il faudra tenir ferme, car l’Esprit de Dieu Tout-Puissant ne nous abandonnera jamais. Il n’a jamais abandonné quiconque se confie en Lui (1). Les autorités gouvernementales coloniales vont imposer à Ma personne physique un très long silence, mais elles ne parviendront jamais à détruire l’œuvre que J’ai accomplie.

Car elle vient de Dieu le Père (2). Certes, Ma personne physique sera soumise à l’humiliation et à la souffrance. Mais Ma personne spirituelle se mettra au combat contre les injustices semées par les peuples du monde des ténèbres qui sont venus nous coloniser. Car J’ai été envoyé pour libérer le Peuple du Kongo en particulier et le Peuple Noir en général. L’Homme noir deviendra blanc et l’Homme blanc deviendra noir. Car les fondements spirituels et moraux, tels que nous les connaissons aujourd’hui, seront profondément ébranlés. Les guerres persisteront à travers le monde. 

Le Kongo sera libre et l’Afrique aussi. Mais les décennies qui suivront la libération de l’Afrique (ndlr les indépendances nominales des années 60) seront terribles et atroces. Car tous les premiers gouvernants de l’Afrique libre travailleront au bénéfice des Blancs. Un grand désordre spirituel et matériel s’installera. Les gouvernants de l’Afrique entraîneront, sur le conseil des Blancs, leurs populations respectives dans des guerres meurtrières où ils s’entre-tueront. La misère s’installera. Beaucoup de jeunes quitteront l’Afrique dans l’espoir d’aller chercher le bien-être dans les pays des Blancs. Ils parleront toutes les langues des Blancs. Parmi eux, beaucoup seront séduits par la vie matérielle des Blancs. Ainsi, ils deviendront la proie des Blancs. Il y aura beaucoup de mortalité parmi eux, et certains ne reverront plus leurs parents. II faudra une longue période pour que l’Homme Noir acquière sa maturité spirituelle. Celle-ci lui permettra d’acquérir son indépendance matérielle. 

Alors s’accomplira la Troisième Étape. Dans celle-ci naîtra un Grand Roi Divin. Il viendra avec Ses Trois Pouvoirs : Pouvoir Spirituel (Kinzambi), Pouvoir Scientifique (Kimazaya), Pouvoir Politique (Kimayala). Je serai Moi-même le Représentant de ce Roi (3). Je liquiderai l’humiliation que, depuis les temps les plus reculés, l’on n’a cessé d’infliger aux Noirs. Car, de tous les peuples de la Terre, aucun n’a été autant maltraité et humilié que le Peuple Noir.

Continuez à lire la Bible. À travers ses écrits, vous arriverez à discerner les actes de ceux qui sont venus vous apporter ce livre et les écrits ou principes moraux contenus dans ce livre. Il faut qu’un voleur soit saisi avec l’objet qu’il a volé ! Nous aurons notre propre Livre Sacré, dans lequel seront écrites des choses cachées pour le Peuple Noir et le Peuple du Kongo. 

Un Instructeur-enseignant viendra avant Mon retour pour écrire ce Livre et préparer l’arrivée du Grand Roi Divin (4). Il sera combattu par la génération de Son temps, mais petit à petit, beaucoup de gens comprendront et suivront Son enseignement. Car l’arrivée du Roi sera sans pardon. Ce pourquoi, il faut que le Peuple du Kongo soit instruit avant cet événement. Vous ne savez pas encore ce que c’est qu’une guerre spirituelle. Quand le Peuple Kongo commencera à se libérer, tout pays qui osera attaquer le Kongo sera englouti sous les eaux. Vous ne connaissez pas encore la Puissance de Ceux qui sont envoyés par Dieu Tout-Puissant.

La génération du Kongo perdra tout. Elle sera embrouillée par des enseignements et des principes moraux pervers venus du monde européen. Elle ne connaîtra plus les principes maritaux de ses ancêtres. Elle ignorera sa langue maternelle. Alors, Je vous exhorte à ne pas négliger ni mépriser vos langues maternelles. Il faut les enseigner à vos enfants et à vos petits-enfants. Car viendra un temps où les langues des Blancs seront oubliées. Dieu a donné à chaque groupe humain une langue, qu’ils s’en servent comme une alliance de communication. »

Après son arrestation, Kimbangu est condamné à mort. Sa peine est commuée en prison à perpétuité par le roi belge, et le prisonnier est placé à la maison d’arrêt de Lubumbashi. Quelque 126 kimbanguistes sont déportés en 1921 en tant que premiers adeptes et disciples de Kimbangu. Sa femme Marie Mwilu élève ses enfants et organise le mouvement religieux alors né, qui prend le nom de Kintwadi (communauté en kikongo), malgré les répressions. Simon Kimbangu, lui, meurt en prison, en 1951.

L’institution du kimbanguisme : L’Église de Jésus Christ par son Envoyé Spécial Simon Kimbangu

De la période d’emprisonnement de Kimbangu jusqu’à sa mort, le kimbanguisme est interdit car, perçu par les Belges comme une déviance indigène du christianisme au message politique sous-jacent, ferment d’un nationalisme congolais et de velléités indépendantistes. En effet, le message de l’accès au Divin par Kimbangu enlevait à l’Occident ce monopole qui semblait fonder sa force et à sa supériorité face aux civilisations congolaises. Il était vu alors comme un mouvement séditieux par nature. Les adeptes kimbanguistes étaient ainsi traqués et déportés à travers toute la colonie du Congo belge (près de 37 000 familles kimbanguistes, selon l’Église). Après la mort de Simon Kimbangu, l’organisation tenue par certains de ses compagnons, ainsi que Marie Mwilu (appelée Maman Mwilu) rassemblent le maximum de groupes kimbanguistes ou ngunzas. Depuis le 24 décembre 1959, l’Église est reconnue officiellement en RDC par l’État colonial belge, mais le premier temple kimbanguiste est érigé à Boko, au Congo Brazzaville. Le but est de passer d’un mouvement vu comme séditieux à une Église institutionnelle et reconnue comme telle. De là vient l’apolitisme déclaré de cette église, bien qu’elle n’empêche pas ses membres d’occuper des fonctions politiques.

L’Église de Jésus-Christ par Son Envoyé Spécial Simon Kimbangu, dirigée par Simon Kimbangu Kiangani (fils de Salomon Dialungana Kiangani, deuxième fils de Simon Kimbangu), a vocation à répandre et accomplir la mission prophétique et politico-religieuse de Kimbangu. Elle est implantée en RDC, en République du Congo, en Angola, en République centrafricaine, ainsi que dans plusieurs autres pays d’Afrique centrale et subsaharienne. Elle est également présente sur tous les continents, via les diasporas congolaises. Sur le plan social et religieux, il s’agit de répandre la vérité du message chrétien évangélique, de la divinité de Jésus-Christ, tout comme la vérité des valeurs portées par ce dernier (amour de Dieu et amour du prochain). Dans ce schéma, Kimbangu est le vecteur nouveau choisi pour répandre cette parole, en renouvelant le message christique vis-à-vis de la polygamie, de la sorcellerie et de l’usage de fétiches.

Le deuxième axe est lié à la mission initiale de Kimbangu, la libération de l’Homme Noir, peuple opprimé auquel Kimbangu est envoyé, afin de le délivrer de l’emprise politique et spirituelle de l’appareil colonial occidental sous ses trois formes (entreprises, églises et état colonial). Ainsi, l’union de l’universel et du particulier est réalisée dans la doctrine et le message de Kimbangu, permettant l’affirmation de la personnalité africaine dans le message chrétien à vocation globale.

Le code moral kimbanguiste retranscrit plus prosaïquement cette double nature. Il est structuré en 31 règles, inspirées de la Bible et de recommandations personnelles de Kimbangu. Il est possible de classer ces règles en trois catégories : celles communes à l’ensemble du monde chrétien ; celles issues d’une interprétation kimbanguiste de la Bible, et celles directement issues de Simon Kimbangu et de ce qui, dans la culture kongo, est compatible (ou annonciateur, si l’on reprend la terminologie) avec le message chrétien de ce dernier.

1) Exhortations communes à l’ensemble du monde chrétien :

  1. Aimer l’ennemi ; (Mathieu 5:43-48 ; Lévitique 19:18).

2) Exhortations se basant sur la Bible, mais fruit de l’interprétation kimbanguiste du message biblique :

  1. Ne pas consommer la viande de porc (ngulu) et de singe (nkewa). Car ces animaux sont des véhicules des esprits démoniaques. (1 Corinthien 8:12-13 ; Deutéronome 14:8 ; Mathieu 29-32).
  2. Prier à 5 heures, à 10 heures, à 12 heures, à 15 heures, à 18 heures, à 22 heures, à minuit et à 3 heures, car la prière est l’arme du croyant kimbanguiste (Luc 22:46).
  3. Chercher à régler sans délai et sans violence tout différend. (Mathieu 5:23-26)15. Se débarrasser momentanément des objets de valeur au moment de la prière comme signe (d’humiliation) d’humilité devant Dieu. (Josué 5:15).

3) Exhortations purement issues de Kimbangu et sa révélation :

  1. Travailler le jour de mercredi pour l’Église. Le choix du mercredi correspond à l’ancienne influence du calendrier kongo.
  2. Confesser les péchés devant le prochain.
  3. Ne pas garder la barbe, la moustache ni les longs cheveux (les hommes).

Le chef spirituel au cœur de l’organisation religieuse et administrative

Trois organes principaux chapeautent la structure de l’Église. En premier lieu, la représentation légale est assurée par le chef spirituel, en la personne de Simon Kimbangu Kiangani, petit-fils de Simon Kimbangu. Ce dernier est entouré de ses conseillers directs, constitués par les autres descendants de Simon Kimbangu. Le chef spirituel les consulte et peut les charger d’une mission spécifique selon sa discrétion. Les sacrificateurs sont des hauts dignitaires religieux, choisis par le chef spirituel représentant légal, qui ont pour rôle de prier pour les malades, sous la haute autorité du chef spirituel. Les membres du Grand Clergé sont des hauts dignitaires religieux collaborateurs du chef spirituel.

L’Assemblée générale est composée : du chef spirituel représentant légal ; de ses conseillers directs et des dirigeants aux échelles régionales et nationales à l’extérieur de la RDC, ainsi que les présidents nationaux des institutions de la jeunesse.

La troisième cheville est le cabinet du chef spirituel, où ce dernier exerce ses fonctions. Elle est répartie au sein d’un conseil national exécutif qui se décline jusqu’à l’unité cellulaire de la paroisse au local.

L’horizontalité de l’Église est réalisée par les nombreuses associations rattachées à l’Église (orchestres, chorales, organisations de la jeunesse), qui lui assurent son maillage territorial.

Les réalisations du kimbanguisme

Nkamba

Le village natal de Kimbangu, Nkamba, situé dans le Kongo central, à 225 km de Kinshasa, est devenu la ville sainte du kimbanguisme, la « Nouvelle Jérusalem », et bénéficie d’un statut spécial au plan national. Elle est entourée de 18 villages, dont l’un des plus proches est Ngombe-Kinsuka. S’y trouvent le mausolée de Simon Kimbangu (Kinlongo), le temple (Nzo a Nzambi), ainsi que la piscine sacrée (Nto a moyo) où l’eau est bénie et sert pour les baptêmes et, enfin, la maison des rois (Nzo a muntinu). Ville religieuse, il y est interdit de crier, de courir, de couper la végétation sans accord du chef spirituel, et de porter des armes à feu. Tout y est ordonné pour être propice au calme et à la prière. Le temple, qui peut recevoir jusqu’à 10 000 personnes, a été finalisé en 1985.

 

Université Simon Kimbangu

L’Université Simon-Kimbangu est inaugurée le 26 novembre 1994, sous la direction de Diangienda. Située à Kinshasa, elle réunit une faculté de théologie, de droit de médecine humaine, de médecine vétérinaire, de sciences informatiques et de sciences agronomiques. Depuis 2000, il est possible d’aller jusqu’au doctorat dans ces disciplines. L’université bénéficie de plusieurs partenariats avec des universités africaines et occidentales.

Le mandombe

Le mandombe est une écriture inventée par Wabeladio Payi, qui dit avoir reçu une révélation en 1978, envoyée par Simon Kimbangu. Cette écriture de type syllabaire est basée sur deux sigles ressemblant aux chiffres 5 et 2 (appelés respectivement Pakundungu et Pelekete). Cette écriture permet de transcrire le kikongo, le lingala, le tshiluba et le kiswahili (les quatre langues nationales de la République démocratique du Congo). Elle s’inscrit dans la continuité des symboles graphiques kongo préexistants, mais marque une rupture par son agencement en alphabet. Son enseignement et sa standardisation sont encadrés par le CENA (Centre d’écriture négro-africaine), créé en tant qu’association sans but lucratif à Kinshasa, le 30 avril 1994. Il bénéficie d’une représentation à l’Unesco.

Nkamba

L’aspect social du kimbanguisme

Les nombreuses associations kimbanguistes représentent la vitalité de l’Église. Le culte kimbanguiste laisse une grande place à l’usage des chants et des instruments de musique (les tambours traditionnels, appelés ngoma, sont interdits car ils servaient anciennement à invoquer les simbi et à entrer en transe), notamment des instruments en cuivre et à vent. L’orchestre symphonique kimbanguiste est ainsi le premier orchestre symphonique d’Afrique centrale. La pratique du nsinsani (collecte et concours de dons, qui, en kikongo courant, signifie une action collective en vue d’un objectif) est un des phénomènes sociaux majeurs du kimbanguisme, où les adeptes s’exhortent les uns et les autres à donner, et où les plus gros donateurs sont loués et félicités. Il s’agit là d’une des sources principales de revenus de l’Église.

La dissidence ngunza

D’autres mouvements se réclament de l’héritage de Simon Kimbangu, en dehors de l’EJSK. Dès l’apparition du leader religieux, des ngunzas sont apparus dans son sillage. Le ngunza (les étymologies diffèrent selon les interprétations) est un prêtre-guérisseur thaumaturge (ce que fut aussi Kimbangu), qui, à la différence du nganga, use principalement de prières et se réclame de Kimbangu. Contrairement au pasteur kimbanguiste, le ngunza peut utiliser des nkisi (auxiliaires) et s’affranchir des obédiences du christianisme et de la Bible. Sur certains points, le ngunza est même diamétralement opposé au kimbanguiste : là où le kimbanguiste se rase la barbe, le ngunza laisse pousser la barbe, par exemple. Il s’agit là d’un ensemble hétéroclite. La première figure de ces mouvements dissidents est Simon Pierre Mpadi, actif dans les années 30 et 40, officiant entre le Congo Kinshasa et le Congo Brazzaville. Les mouvements se réclamant ngunza se sont multipliés. On peut, dans ce sens, citer le mouvement matsouaniste au Congo Brazzaville (autour de la figure d’André Matsoua), ou le mouvement tokoiste en Angola autour de Simao Toko. Les mouvements du kingunza actuels les plus populaires sont le Vuvamu, Bundu dia Kongo, ACK, et le Kintuadi ba ngunza. Le Mbunda ni a Bundu dia Kongo, de Frédéric Bitnsangu, alias Ntumi, au Congo Brazzaville a joué un rôle majeur dans la guerre civile de 1997-2002, mais son ministère religieux est assez réduit de nos jours.

Kimbanguistes et ngunzas se disputent l’héritage de Simon Kimbangu, même si le dialogue interreligieux existe de par le partage d’un patrimoine culturel et historique commun (l’espace culturel kongo et congolais).

Par Bruce Mateso (président de l’AMECAS).

 

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