A 25 ans, Aby Gaye fait rayonner les couleurs de Basket Landes. Occupant la position stratégique de pivot, pointilleuse, elle l’est également quant à l’orientation de ses cations en dehors du terrain. Eprise de justice, passionnée par les études et engagée dans la lutte contre la dépigmentation, la jeune athlète cristolienne d’origine sénégalaise est bien décidée à laisser son empreinte dans le sport et dans la société. Apartée avec une(com)battante.
Comme une évidence…
« Je ne savais même pas que c’était possible. »
Comment en viens-tu à pratiquer le basket ?
Je pratique le sport depuis mes 4 ans et j’ai toujours été très grande. Tout le monde m’incitait à faire du basket parce que je les dépassais tous d’au moins une tête. A 12 ans, j’ai finalement eu envie d’en faire. À ce moment-là je mesurais 1,82 mètres, c’était une évidence pour beaucoup de personnes et je pense qu’inconsciemment, à force de l’entendre j’ai aussi eu envie de tenter ma chance.
Etait-ce un sport qui t’intéressait au départ ?
Pas du tout. J’ai pratiqué plusieurs sports et le basket ne faisait initialement pas partie de ceux qui m’attiraient. Je voyais des gens jouer sur le playground derrière chez moi mais c’est vraiment un coup du destin.
Avais-tu en tête qu’une carrière professionnelle dans le sport était possible ?
Honnêtement non. Quand j’ai commencé ce n’était pas dans le but de devenir professionnelle, je ne savais même pas que c’était possible. J’ai grandi dans un environnement sportif mais il n’y avait pas de basketteurs autour de moi donc je n’avais pas conscience du milieu professionnel qui existait et m’était peut-être accessible.
Lorsque l’occasion s’est présentée, comment tes proches ont-ils réagi ?
Ils m’ont vraiment encouragée, dès le départ. J’ai commencé par faire un sport-études à Eaubonne dans le Val-d’Oise quand j’avais 13 ans. Mes parents étaient vraiment contents que je suive cette carrière de sportive, ils n’ont émis aucune réticence et en tant qu’aînée, je crois qu’ils étaient contents que je puisse montrer l’exemple aux plus jeunes.
Aby à la conquête du sport de haut niveau….
« Dans le milieu professionnel, où la concurrence est rude (…) il faut savoir se démarquer tout en fournissant un travail d’équipe collectif. »
Comment se passe ton adaptation au milieu du sport de haut niveau ?
Au départ, ça reste amateur même si c’est du haut-niveau. Il y a un long processus qui dure 6 ans avant que je ne devienne professionnelle. A partir de là, je ressens vraiment la différence. C’est un autre milieu. Entre-temps, j’intègre l’INSEP où on est encadrés, accompagnés parce qu’on est jeunes. Arrivée en pro, je me retrouve confrontée à la réalité, seule, à 18 ans, à 800 kilomètres de chez mes parents. Je dois m’adapter. On a deux entraînements par jour avec des filles qui sont déjà pros depuis 15 ans pour la plupart. Ça a vraiment été un choc. Les deux premières années ont été difficiles car à l’INSEP on a été très privilégiés avec toute une organisation mise en place pour qu’on puisse réussir et là, certes, on commence à gagner de l’argent mais ce ne sont pas du tout les mêmes infrastructures.
Quelles étaient alors tes relations avec les autres basketteuses ?
Ça s’est bien passé. On a l’habitude de vivre en collectivité et j’ai eu la chance d’intégrer une équipe qui était le parfait équilibre entre la jeunesse et l’expérience. J’ai commencé avec des filles que je connaissais déjà, je connaissais aussi le coach donc ça n’a pas été trop dépaysant. Les filles plus expérimentées nous ont vraiment bien accueillies, elles nous ont pris sous leur aile et nous ont accompagnées afin que l’on puisse s’adapter au mieux au monde professionnel. C’est une chance.
Comment trouve-t-on l’équilibre entre le travail d’équipe et l’exigence des performances individuelles ?
Ce n’est pas facile mais quand on est jeunes on ne se pose pas forcément ces questions-là. Ensuite, c’est différent, arrivées dans le milieu professionnel où la concurrence est rude et où il faut savoir se démarquer tout en fournissant un travail d’équipe collectif. Il faut trouver l’équilibre. Je pense que plus on joue dans une grande équipe et plus il est important d’avoir cet intérêt commun. Nous sommes toutes là pour la même chose donc je pense que les meilleures joueuses savent faire cohabiter cet aspect individuel avec l’aspect collectif. Lorsqu’on a un intérêt commun, on a toutes intérêt à tout donner pour l’équipe. Après on a des rôles assignés et il appartient au club de faire une composition d’équipe qui permet à chacune de s’y retrouver. Par exemple, sur 10 joueuses, on ne peut pas prendre 10 scoreuses ; il faut pouvoir en trouver d’autres qui sont là pour la défense etc. Puis, c’est à nous de nous adapter et de respecter une certaine hiérarchie qui va nous permettre à toutes de nous exprimer tout en valorisant nos qualités. Ce n’est pas facile mais plus on gagne en expérience, plus on comprend comment allier les deux.
Peut-on réellement gagner sa vie dans le basket aujourd’hui en tant que femme ?
C’est sûr que comparé au foot, les salaires sont dérisoires mais on a la chance en France de pouvoir en vivre, parfois très bien. Cela dit, ce n’est pas ce qui va nous mettre à l’abri pour l’après-carrière.
Entre confort du moment présent et insécurité des lendemains : le plan d’Aby
« Je ne me voyais pas juste aller m’entraîner et ne pas faire usage de mon cerveau. »
L’encadrement au niveau professionnel vous prépare-t-il à l’après-carrière ?
On est biens encadrées quand on est à l’INSEP. Une fois qu’on en sort, la réalité est toute autre. Quand j’en finissais, il y a 7 ans, il n’y avait pas forcément plus d’accompagnement que ça. Je m’étais inscrite en Fac de Droit à Toulouse où les possibilités d’aménagement étaient très faibles pour les sportifs. Ça ne m’a pas permis de continuer. A 18 ans, avec les entraînements et le milieu professionnel à découvrir, c’était très difficile. Peut-être qu’aujourd’hui j’aurais pu le gérer mais à l’époque l’adaptation me prenait trop de temps, je venais d’arriver et ne pouvait pas me permettre de mettre le sport de côté. Aujourd’hui il y a de plus en plus de programmes pour accompagner les sportifs de haut-niveau et reconnaître nos capacités. Une vraie valorisation de nos compétences en tant qu’athlètes. Mais il y a encore beaucoup de choses à faire. Beaucoup de joueurs et de joueuses ne sont pas conscients de l’importance de poursuivre une formation durant leur carrière. Le sport te permet de vivre sur le court ou moyen terme mais sur le long-terme, ce n’est pas cet argent qui va nous permettre de rester à l’abri. Au-delà même de l’aspect financier, je pense qu’il est bon de s’ouvrir.
Avais-tu cette réflexion dès le départ ?
Depuis le début. J’ai toujours aimé les études et il était important pour moi de les poursuivre pendant ma carrière. Je ne me voyais pas juste aller m’entraîner et ne pas faire usage de mon cerveau. Les études permettent d’être stimulé intellectuellement. Le milieu du sport est un milieu très fermé, étroit dans lequel on rencontre les mêmes personnes toute l’année avec lesquelles on entretient les mêmes discussions donc il est important de voir d’autres choses, d’avoir d’autres échanges. Il faut qu’on puisse rester connectés à la réalité et ne pas vivre que basket en pensant que le monde se résume à ça. On a répété longtemps qu’il était incompatible de faire les deux, qu’on ne pouvait pas être étudiante et basketteuse. Je pense que c’est faux, il faut s’organiser et faire les aménagements nécessaires. C’est bien de savoir qu’on peut faire autre chose et ne pas s’enfermer dans le basket parce que ça peut vite devenir un cercle vicieux les fois où ça se passe mal ou qu’il y a des coups de mou.
Quelles études as-tu finalement choisi de poursuivre ?
J’ai fais une pause pendant 6 mois parce que je n’arrivais pas à tenir le rythme et j’ai ensuite repris pour finalement arrêter le Droit et commencer une formation à Science Po. Ils un programme destiné aux sportifs de haut niveau que j’ai intégré en 2015. Je suis sur le point de finir et de décrocher le certificat équivalent à un Bac+ 3. Je pourrais ensuite intégrer un master ou autre.
En quoi te rêvais-tu si tu n’étais pas devenue basketteuse ?
J’aurais continué mes études de toutes façons (rires). Je n’ai pas encore d’idée précise mais je m’intéresse à tout ce qui est Droit, Justice, Politique. Ce sont des matières que j’ai pu approfondir à Science Po donc ce sera dans l’un de ces domaines.
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« Je ne pense pas et je n’espère pas que si une joueuse tombe enceinte demain, elle aura plus de difficultés à retrouver un contrat. »
Comme pour beaucoup de joueurs avec la NBA, la WNBA représente-elle une consécration dans la carrière d’une joueuse ?
Ce n’est pas comme pour les hommes. Ce n’est pas le même système que la NBA. Il s’agit d’une ligue d’été donc les Américaines qui jouent en WNBA viennent jouer en Europe le reste de l’année puisque ça ne dure que 5 à 6 mois. C’est moins médiatisé. Donc oui, c’est un rêve mais ça ne se vit pas comme une consécration contrairement à la NBA. Ce n’est pas là où on peut gagner le plus d’argent. Il s’agit d la meilleure ligue du monde donc elle offre forcément une très grande visibilité mais sur 100 joueuses, seule une dizaine pourra l’intégrer.
De ton point de vue, qu’en est-il de la visibilité des femmes dans le basket ?
La différence est clairement frappante. La visibilité du basket est déjà moindre par rapport au foot, au rugby ou au tennis par exemple. Alors je ne parle même pas des femmes ! Il n’y a quasiment aucune couverture médiatique, l’Equipe de France féminine brille sur la scène internationale, les filles se sont retrouvées sur le podium plusieurs années de suite donc c’est malheureux qu’on soit si peu mises en avant.
Quelle est ta contribution à l’avancée de cette cause pour la valorisation ?
Je pense que celles qui peuvent vraiment le faire sont celles qui font partie de l’Equipe de France. A notre niveau, les combats qu’on mène sont ceux pour faire avancer nos droits dans le sport, pour améliorer nos conditions de travail. D’un point de vue médiatique, je ne sais pas s’il revient aux joueuses de faire ce travail ou si elles en ont même les moyens. Ça nous dépasse en fait car sur ce point il est question de moyens, de politique. C’est quelque chose qu’on ne peut pas faire à nous seules. Heureusement, il y a quand même des avancées, mais c’est très lent.
Qu’en est-il aujourd’hui de ces conditions dans le cadre de la maternité par exemple ?
Je ne sais vraiment pas mais je vois beaucoup de joueuses qui font des enfants. Si je devais réfléchir à la question de devenir mère, devoir revenir ne serait pas une chose qui me ferait peur. Pour moi ce n’est pas un handicap. On voit des filles revenir après 1 an de blessure et qui peuvent jouer, la grossesse n’est même pas une blessure donc il n’y a pas de raison. On peut continuer à s’entraîner dans certaines conditions. Je sais que dans certains pays la question est plus délicate mais en France, je ne pense pas et je n’espère pas que si une joueuse tombe enceinte demain, elle aura plus de difficultés à retrouver un contrat. Je pense que le fait que plus en plus de femmes accouchent et reviennent au top va nous rassurer et nous encourager nous, la jeune génération, à ne pas le voir comme un obstacle.
Au-delà du ballon : le sport comme vecteur de rééquilibrage social
« Ma priorité dans cette mission ce n’est pas l’aspect sportif. »
Tu poursuis ta carrière en France depuis tes débuts. As-tu reçu des propositions de l’étranger ? Cela fait-il partie de tes aspirations ?
J’ai commencé à 18 ans, j’en ai 25 donc ce n’est pas programmé sur ma feuille de route pour l’instant mais oui, c’est quelque chose qui m’attire et que j’aimerais vraiment tenter le moment venu. Je pense que c’est bien d’utiliser le sport pour découvrir d’autres cultures parce que pour moi ça va au-delà. On n’est pas sûr demain de retrouver un emploi qui nous permette d’aller travailler à l’étranger, de voyager autant. Je crois vraiment que le sport est un moyen de s’ouvrir.
En parlant d’ailleurs, quel est ton rapport à l’Afrique ?
J’ai grandi dans une famille très ancrée dans ses racines. Mes parents m’ont toujours inculquée ma culture sénégalaise. Après, on grandit ici donc on est hybrides en quelques sortes. On n’a pas la même mentalité ni le même mode de vie que nos familles sur place mais j’ai toujours eu ce rapport très fort à ma culture. J’ai toujours voulu intégrer l’Afrique et le Sénégal particulièrement, dans tout ce que je fais. Ça allait de soi que j’y retourne. Ça fait partie de mon identité.
As-tu pour ambition de mener des projets liés au sport sur place ?
Oui, j’y organise des camps depuis deux ans mais priorité dans cette mission ce n’est pas l’aspect sportif. Le sport est un prétexte pour approcher les filles, leur faire passer des messages mais ma principale lutte ne se trouve pas là. J’aimerai que les femmes, qu’elles soient sportives ou non, parviennent à avoir confiance en elles et se disent qu’elles peuvent faire changer les choses, changer le monde. Nous représentons plus de la moitié de l’humanité et nous sommes clairement sous-estimées. Dans mon monde idéal, les femmes pourraient jouir de leurs droits, disposer de moyens afin d’accomplir leurs ambitions. On en voit beaucoup aujourd’hui qui ont des rêves mais se heurtent à la réalité professionnelle, où elles subissent des discriminations, à la réalité familiale aussi. Je crois que c’est l’un des enjeux majeurs de réussir à faire sauter ces barrières psychologiques et sociales, qu’on s’en affranchisse. Le sport est un moyen d’y arriver mais il ne représente pas en soi une priorité absolue. Je n’ai pas vocation à organiser ces camps pour détecter des joueuses. Je voudrai que ces jeunes filles se servent du basket pour s’émanciper, s’accomplir car le sport et un bon vecteur pour ça.
Enjeux identitaires et colorisme : le combat d’Aby
« On a dit ma mère « Comment tu peux être aussi foncée alors que tu reviens d’Europe ? »
Qu’est-ce qui te pousse à t’engager dans la lutte contre la dépigmentation ?
C’est un sujet qui me parlait depuis longtemps parce que j’ai la peau très foncée comme 90% des Sénégalais, et quand j’étais plus jeune j’ai souvent subi des remarques sur ma couleur de peau. « Charbon » et autres bêtises. Ça m’avait vraiment blessée à un moment. Cette courte période de ma vie a été douloureuse. Quand tu es jeune ce genre des remarques sont blessantes d’autant qu’elles venaient d’autres personnes noires. Heureusement, mes parents m’ont toujours expliqué qu’il ne fallait pas en tenir compte, que je devais être fière de cette peau.
N’as-tu jamais été tentée de t’éclaircir la peau ?
Jamais. Ma mère ne s’est jamais dépigmentée la peau, mon père a horreur de ça et je crois que c’est aussi une question de modèle, de représentation. Je me regardais dans le miroir et je me demandais pourquoi les gens trouvaient cette couleur moche parce que moi je l’aimais bien. En grandissant, lorsque je suis retournée au Sénégal en 2017, j’ai entendu beaucoup de choses à propos du colorisme, de la part de personnes vraiment complexées. On m’a directement fait des remarques, on a dit ma mère « Comment tu peux être aussi foncée alors que tu reviens d’Europe ? ». Ces remarques revenaient souvent dans les bouches des gens de notre entourage et je me suis dit qu’il y avait un vrai problème. Je l’avais également constaté en Europe, puisque beaucoup de femmes de la diaspora se dépigmentent mais de l’entendre au Sénégal, sur la Terre Mère, ça fait vraiment un choc. Du coup, je me suis demandée comment je pouvais apporter ma pierre à l’édifice pour combattre ce fléau qui gangrène le Sénégal et l’Afrique. C’est comme ça que j’ai eu l’idée de créer l’association Terang’Aby, qui sensibilise les jeunes filles à travers le sport.
T’es-tu rapprochée d’autres associations qui oeuvrent autour de cette problématique ?
J’ai fait des tentatives d’approche en France qui n’ont pas vraiment abouties. Au Sénégal, l’année dernière, j’ai eu la chance d’entrer en contact avec le collectif Ma noirceur, ma fierté, mon identité ; un collectif de femmes à la peau dite « ébène » qui valorisent leur couleur sur les réseaux sociaux à travers des photos, des conseils. Elles ont organisé pas mal de manifestations au Sénégal avec leur marraine qui est une actrice locale très connue. C’est un moyen de montrer aux jeunes filles sur place qu’elles n’ont pas besoin d’être dépigmentées, dénaturées pour être belles. Ce n’est pas la carnation qui définit la beauté. La question c’est d’être naturelle et de s’aimer telle que l’on est, il n’y a pas d’échelle. L’association est venue sur notre camp l’année dernière pour échanger avec les filles et leur montrer que cette couleur n’est pas un frein.
Comment fais-tu coïncider cette problématique avec le sport ?
J’ai créée officiellement l’association l’année dernière. La première édition du camp s’est tenue en 2018. J’ai imaginé un événement de basket pour allier sport et éducation qui s’articule de la façon suivante : on fait venir 40 jeunes filles sur 3 jours, âgées de 15 à 18 ans. Elles s’entraînent le matin ensuite elles ont 1h30 de sensibilisation avec des professionnels de la santé, pour parler de confiance en soi, d’estime de soi, des dangers de la dépigmentation et d’éducation sexuelle. Le soir elles jouent leurs matchs de basket.
Constate-tu les bénéfices de ton action sur le terrain ?
Je pense que c’est important. Je me dis que si à cet âge-là j’avais eu un camp de basket, ça aurait peut-être été différent. Si j’avais eu, il y a 10 ou 15 ans un camp de basket ou même des personnalités qui seraient venues à moi pour me dire que je suis belle, ça m’aurait peut-être aidée à mieux l’accepter. Pour moi ça n’a pas été trop compliqué mais j’imagine que pour d’autres filles, notamment au Sénégal où elles voient tous les jours des panneaux publicitaires vantant la dépigmentation avec des gammes complètes allant du savon au gommage ; quand elles voient à la télévision 90% de femmes dépigmentées dans les séries, je pense qu’il est bien que ce type d’actions viennent contrebalancer. C’est une pierre qu’on vient ajouter. Je ne peux pas encore mesurer l’impact de mon action car je n’ai pas encore suffisamment de recul mais sur les deux éditions on a touché 80 filles et lorsque j’échange avec elles, elles me font comprendre qu’elles n’ont pas l’intention de s’éclaircir la peau et qu’elles aimeraient que le camp continue. On verra d’ici quelques années, ces jeunes filles qui seront devenues des femmes. Aujourd’hui, la peau noire est quand même pas mal valorisée. Ça a tendance à tourner un peu au fétichisme mais on voit quand même beaucoup plus de femmes noires à la peau foncée occuper l’espace.
Inspirer et s’inspirer : les modèles d’Aby
« A un moment donné quand on est bon il faut savoir le dire sans attendre que les autres le fassent.»
Le fait que ta petite sœur soit également une basketteuse professionnelle t’apporte-t-il quelque chose ?
Bien sûr. Ma sœur et moi avons 3 ans d’écart et on a commencé en même temps, moi à 12, elle à 9. Donc on a toujours fait du basket ensemble. On est quatre, elle vient juste après moi et mes petits frères et sœurs de 13 et 10 ans font également du basket. Pour eux, ça allait de soi car mon père les emmenait nous voir sur le terrain dès leur plus jeune âge. C’est positif. On vit dans un environnement basket, nos parents comprennent nos choix, ils nous soutiennent. Quand on rentre pour les vacances ils sont les premiers à nous s dire de nous entraîner. Ça nous permet de prendre la chose au sérieux. On se parle, on se donne des conseils. Ma sœur me fait des retours elle aussi maintenant qu’elle a atteint un certain niveau. On échange beaucoup et évidemment, on se soutient dans nos carrières.
Qui sont tes inspirations dans le sport ?
Il y a Lebron James. Un joueur exceptionnel qui utilise sa notoriété pour venir en aide à des personnes défavorisées. Ce qu’il fait est incroyable ! Il s’est engagé à sortir des personnes de la pauvreté, de la misère. Ça m’inspire vraiment. Du côté des femmes je dirai Serena Williams. Une vraie femme d’affaires, engagée également. Elle fait beaucoup de choses, ce n’est pas juste une tennis woman. Elle a fait changer le regard sur nous, sur les femmes, sur les femmes noires, dans un sport plutôt élitiste sur lequel elle règne. Elle a cassé tous les codes pour y arriver et ça c’est vraiment louable.
Ils incarnent pourtant cette arrogance qui nous fait horreur en France…
C’est malheureux. A un moment donné quand on est bon il faut savoir le dire sans attendre que les autres le fassent. Leurs performances parlent d’elles-mêmes. C’est dommage qu’on n’ait pas cette mentalité ici, même si j’ai l’impression que de plus en plus les jeunes l’ont. J’évolue en haut niveau ce qui explique que mon regard est peut-être biaisé mais lorsque je parle avec des gens de mon entourage, on aime valoriser les meilleurs, les gens qui sont forts car ils sont ceux qui vont nous tirer vers le haut, nous inspirer.
Qu’aimes-tu faire quand tu n’es pas sur le terrain ?
J’aime beaucoup lire, essentiellement les biographies, les faits historiques ou si c’est de la fiction, des fictions tirées de la réalité. Je lis beaucoup d’auteurs noirs, 95% de mes livres environ, parce que pendant très longtemps je n’ai pas ait attention à ça. Arrivée à un certain âge j’ai voulu ouvrir mon esprit et regarder ce qui se faisait en Littérature du côté de l’Afrique. J’ai pu lire beaucoup d’auteurs sénégalais, nigérians et afro américains. J’aime aussi le cinéma, j’essaye d’y aller deux fois par mois. Et la musique évidemment.
Quels sont les 3 sons qui composeraient « La B.O d’Aby Gaye » ?
C’est très dur de choisir (rires). Je vais plutôt donner mes sons actuels parce que j’écoute tellement de musique et ça change tellement. Original, de Fally Ipupa, est un son que j’écoute systématiquement avant un match. C’est mon son ! Quand je le mets ça m’enjaille !
Fever de Wizkid, j’adore ce son:
En troisième je dirai le son de cette chanteuse que j’ai découverte il n’y a pas longtemps, Mereba, et son morceau Sandstorm:
Le dernier mot d’Aby:
« J’aimerai vous saluer, vous, qui lirez cet entretien et vous dire de prendre soin de vous, surtout en ces temps de Corona Virus. J’aimerai aussi vous encourager à suivre mes actions avec Terang’Aby sur les réseaux sociaux parce que cette cause me tient vraiment à cœur. Je veux aller au bout de cette aventure sur la sensibilisation des jeunes filles à travers le sport, que ce soit au Sénégal ou en France où j’aurai bientôt l’occasion de mettre en place un projet similaire. Partagez vos avis et à votre niveau, encouragez les jeunes filles à se dépasser, encouragez les enfants dans l’équité, le respect et la tolérance de l’autre.»