Sarah Maldoror (1929-2020) était une cinéaste d’origine guadeloupéenne. Engagée dans la lutte pour les indépendances africaines, elle est considérée comme une pionnière du cinéma africain.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.media
Origines et débuts dans le théâtre
Sarah Maldoror est née Sarah Ducados en 1929 dans le Gers, en France, d’un père guadeloupéen et d’une mère gersoise. Son nom d’artiste, Maldoror est une référence au personnage créé par le comte de Lautréamont. Elle grandit à Toulouse puis à Paris où elle suit des cours de théâtre. Elle y co-fonde, en 1958, Les griots. Il s’agit probablement là de la première troupe de comédiens noirs de Paris. C’est aussi à Paris qu’elle rencontre Mario Pinto de Andrade (1928-1990), poète et politicien angolais qui a contribué à la fondation du Mouvement Populaire de Libération de l’Angola. A Paris, ils sont proches d’Alioune Diop et du cercle panafricain autour de sa librairie Présence Africaine.
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Cinéma et engagements anti-coloniaux en Afrique
En 1961, Sarah Maldoror quitte Paris et Les Griots pour Moscou. Grâce à une bourse soviétique, elle y étudie pendant deux ans au VGIK. Il s’agit à l’époque de l’une des meilleures écoles de cinéma au monde. Malgré les affinités politiques entre soviétiques et mouvements anti-coloniaux africains, elle déclare avoir fait l’expérience du racisme en Russie. Elle y rencontre notamment le célèbre cinéaste sénégalais Ousmane Sembene. Puis elle rejoint son compagnon Mario Pinto de Andrade en Afrique.
Elle y voyage dans plusieurs états dans le cadre de la lutte pour les indépendances. Dans ce même cadre, le couple se rend ensuite à Alger, ‘la Mecque des révolutionnaires’, selon Amilcar Cabral, en 1966. Sarah Maldoror y réalise son premier film, Monangambée, qui sort en 1969. Le film traite de la torture dans la lutte anti-coloniale angolaise. Cette oeuvre, récompensée par plusieurs prix, fera de Maldoror une des premières réalisatrices du cinéma africain.
De sa base à Alger, elle voyage dans plusieurs pays africains pour faire expérience de la lutte anti-coloniale et de la raconter à travers des films. C’est le cas en Guinée Bissau avec ‘Des fusils pour Banta’ (1970), qui raconte l’histoire d’une militante de la Guinée-Bissau qui favorise la lutte armée. Elle tourne ensuite au Congo-Brazzaville Sambizanga (1972), inspiré, comme Monangambée, d’une nouvelle de l’Angolais José Luandino Vieira. Le film traite de la lutte anti-coloniale angolaise, mais à l’instar ‘Des fusils pour Banta’, à travers une perspective féminine. Monangambée reçoit deux récompenses. Il contribue à asseoir sa réputation de réalisatrice d’envergure mondiale et engagée.
Retour en France
Suite à des différends avec la hiérarchie du FLN algérien, Sarah Maldoror est de retour en région parisienne en 1973. Elle y privilégiera les documentaires et les portraits d’artistes. Parmi ces derniers, on trouvera des portraits d’Aimé Césaire, Elle retourne en Afrique, au Cap-Vert et en Guinée-Bissau à la fin des années 70 pour y tourner des documentaires sur le carnaval dans ces deux nouveaux pays. Elle tourne aussi ‘Fogo l’île de feu’ (1979), un documentaire anthropologique sur le Cap-Vert nouvellement indépendant et financé par le gouvernement révolutionnaire du pays.
Sarah Maldoror et la Négritude
Durant cette décennie, Sarah Maldoror tourne aussi deux films traitant d’Aimé Césaire et de son oeuvre. Le premier, ‘Et les chiens se taisaient’ (1974) rejoue des scènes de la pièce éponyme du poète martiniquais dans les réserves du Musée de l’Homme où sont conservées les oeuvres d’Afrique Noire. Le second, Aimé Césaire, un homme, une terre (1976) est un portrait de l’écrivain. Maldoror consacrera dans sa vie trois autres films à Césaire et un à Léon Gontran Damas (1995) qui recevra plusieurs récompenses internationales. Cet attachement de Sarah Maldoror à la Négritude et ses fondateurs dès les origines la fera en quelque sorte transmettre ce message à travers le cinéma.
Une oeuvre engagée
Au delà de son intérêt, mieux son implication, pour le monde noir, elle tournera aussi de nombreux documentaires sur des artistes non-afro-descendants comme Robert Doisneau, Miro ou Louis Aragon. L’oeuvre de Maldoror sera marquée par un refus de l’injustice et de la persécution, qu’elles soient ethno-raciales, économico-sociales ou de sexe. Par une volonté d’écrire par l’image l’histoire du monde noir tel qu’elle se déroulait sous ses yeux, caméra au poing. Elle s’éteint en avril 2020 des suites du Covid-19 à l’âge de 90 ans. Cette bibliothèque qui a brûlé laisse toutefois aux futures générations une précieuse vidéothèque de quarante films.
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