Originaire de l’actuel Bénin, Redoshi est la dernière survivante de la traite des Noirs sur le sol américain. Fait extraordinaire, des Africains qui l’ont capturée en Afrique auraient été déportés avec elle. Bien qu’ayant travaillé dans la même plantation qu’eux, elle ne leur aurait jamais pardonné.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.media
Le dernier bateau esclavagiste aux Etats-Unis
Aux Etats-Unis, l’abolition de la traite des Noirs date officiellement de 1808. Cette pratique continua toutefois officieusement jusque vers 1860. Afin de contourner cette loi, des trafiquants utilisèrent notamment des baleiniers. L’utilisation de ces bateaux destinés à la chasse des baleines permettait souvent de camoufler son transport d’esclaves. Le dernier bateau chargé d’esclaves à arriver aux Etats-Unis était le Clotilda.
Ce bateau a quitté l’Afrique du port de Ouidah, (actuel Bénin) en 1860. A l’époque, c’est le royaume de Dahomey qui contrôlait ce port. C’est sous l’autorité de son roi Glélé, que sont capturés et vendus 110 Africains à William Foster, le commandant du Clotilda. Le bateau arrivera en juin 1860 à Mobile dans l’Alabama. La plupart des victimes de ces razzias et déportations seraient, selon l’historienne franco-sénégalaise Sylviane Diouf, des membres de différentes ethnies Yoruba. Ce fut peut-être aussi le cas de Redoshi. On considère généralement aujourd’hui cette dernière comme la dernière survivante de la traite des Noirs aux Etats-Unis.
De Redoshi à Sally Smith
C’est alors qu’elle avait environ 12 ans que des chasseurs d’esclaves capturèrent Redoshi et tuèrent son père. D’après Alton Fitts, les hommes qui la capturèrent se moquèrent d’elles lors de son embarquement. Ils furent toutefois victimes d’encore plus de cynisme par le commandant du bateau, Billy Foster. Celui-ci les embarqua sur le Clotilda. Comme Redoshi, ils furent réduits en esclavage dans l’Alabama. Ils travaillèrent dans la même plantation qu’elle. D’après une tradition familiale que rapporte Alton Fitts, Redoshi n’aurait jamais pardonné à ses anciens ravisseurs.
Dès son arrivée, Redoshi fut victime d’un mariage de force avec un autre Africain. Beaucoup plus âgé qu’elle, il ne parlait pas non plus sa langue. L’orthographe connue du nom africain de cet homme était peut-être Yawith. Après leur vente au Colonel Washington Smith, propriétaire d’une plantation à proximité de Selma dans l’Alabama, Redoshi et Yawith durent apprendre l’anglais sous la contrainte physique. On les y renomma ‘Sally’ et ‘Billy’ Le couple dut aussi subir une évangélisation de force. Redoshi continua toutefois à pratiquer sa religion de naissance. Elle en transmettra certains aspects à la fille du couple.
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La dernière survivante de la traite transatlantique
Puis vint la fin de la guerre sécession aux Etats-Unis en 1865. Les anciens esclaves furent alors sujets à une émancipation. Ils continuèrent toutefois à subir d’importantes discriminations raciales. Dans ce contexte, Sally et Billy Smith continuèrent à travailler sur la même plantation, mais en tant que métayers. Durant cette période, chose exceptionnelle, Sally a été filmée dans les années 1930. Le cadre était celui d’un documentaire du gouvernement américain sur les agriculteurs noirs. Sally qui mourra en 1937, aura survécu à son époux d’environ vingt ans.
Ce n’est que très récemment, grâce aux travaux d’une historienne britannique, Hannah Durkin, qu’il a pu être mis en évidence qu’elle était la dernière survivante de la traite des Noirs aux Etats-Unis. Le relatif anonymat de Sally Smith fut alors éclairé par l’histoire de Redoshi, l’héroïque jeune fille de 12 ans qui avait bravé les affres du passage du milieu et de l’esclavage pour symboliser la survie à ces tragédies de l’histoire de l’humanité.
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