Nofi vous invite à découvrir Michel NKUINDJA , directeur créatif et fondateur du studio de jeux vidéos indépendant, Noohkema Game.
Nofi : Peux-tu te présenter en quelques mots ?
NKUINDJA Michel : Je m’appelle NKUINDJA Michel, né à Penja une petite commune dans le Moungo (Cameroun), ville notamment connue pour son poivre. Je suis à la tête du studio indépendant Noohkema Game Studios, une start-up qui a pour ambition d’exploiter le support jeu vidéo pour valoriser les cultures et couleurs de l’Afrique.
Nofi : D’où te vient cette passion pour les jeux vidéo ?
NKUINDJA Michel : Ma passion pour les jeux vidéo est la suite logique de mon enfance; déjà étant tout petit, j’étais émerveillé par les bandes dessinées et par la suite les dessins animés. J’ai commencé à dessiner très jeune, et je me rappelle que mon rêve était d’être un créateur de bande dessinée une fois adulte. Seulement, l’évolution technologique m’a fait réorienté mes ambitions… et ça c’est une longue histoire (rire).
Nofi : Peux-tu nous parler de ton parcours ?
NKUINDJA Michel : J’ai eu un parcours assez classique comme tout jeune de mon âge (dans les années 90)… j’aimais les dessins, je ne voulais faire que ça, mais bon il y avait les parents et il fallait « leur faire plaisir ». A mon entrée au lycée mon père m’a orienté vers le lycée technique de Bangangté (ma ville d’origine) d’où je suis sorti avec un baccalauréat en électronique, et par la suite j’ai suivi un cursus universitaire où je me suis spécialisé en informatique industrielle… J’avais de bonnes notes certes, mais je savais que ce n’était pas la voie à laquelle j’aspirais.
Après avoir travaillé quelques années dans les agences créatives et de communication, je me suis inscris dans une école de formation en game design et j’ai tout lâché pour voyager et bien suivre ma formation. Au retour au Cameroun, j’ai lancé officiellement la structure Noohkema Game Studios, avec l’aide de quelques amis et partenaires.
Nofi : Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer ?
NKUINDJA Michel : Après mes études universitaires, j’ai commencé à travailler en entreprise… j’ai enchaîné au bout de six ans plusieurs entreprises, en occupant des postes différents. Jusque là je savais que je n’étais pas à ma place. Je voulais créer, sortir toutes ces histoires que j’ai dans la tête, travailler sur des projets créatifs avec des artistes passionnés comme moi et vivre de ma passion.
Un soir j’ai tout simplement décidé qu’il était temps que je lance ma propre structure, mais seulement j’étais partagé par plusieurs idées et réflexions.
J’ai toujours aimé les BD, serait ce le moment de me lancer enfin? Tiens tiens, ça pourrait être cool de démarrer un studio de production de film d’animation exclusivement africains…. je ballottais entre ces deux grandes lignes. Et en même temps, il fallait que l’activité que je voulais lancer puisse me nourrir et me permettre de supporter mes charges (étant l’aîné d’une grande famille)… Toutes ces réflexions m’ont fait froid dans le dos, mais je n’ai pas abandonné pour autant.
En suivant les conseils de quelques jeunes entrepreneurs qui s’étaient lancés quelques années avant moi, j’ai compris qu’il fallait avant de se lancer, circonscrire une activité dans laquelle il y a des besoins, et dont le marché existe ou d’après les prédictions, pourrait exister dans les années à venir et être une niche… Là on était dans les années 2010, et en Afrique on assistait à plusieurs événements de Google autour de son OS Mobile Android. Alors quand j’ai analysé la situation, j’ai compris que le mobile était ma cible, car sur mobile, je pourrais transmettre tous mes « contenus », à la plus grande audience, sans avoir à tout reconstruire au cas par cas. Ainsi sur cette base, j’ai décidé de lancer un studio qui ferait d’abord dans les jeux vidéo.
Nofi : Peux-tu tu nous parler de ton travail ?
NKUINDJA Michel : Je suis le Creative Director à Noohkema Game Studios. Au quotidien je fais le point sur l’évolution des différents projets sur lesquelles nous sommes attelés; nous sommes une petite équipe, avec la plupart des collaborateurs qui travaillent en « remote ». Nous travaillons depuis deux ans sur trois projets: Chaque projet à la base passe par une phase d’analyse de faisabilité (de nos jours, il faut se mettre dans l’optique de produire ‘smart’) ; ensuite il y a un travail d’écriture qui prend plus ou moins de temps en fonction de l’ampleur du projet; pour cette tâche j’ai un collaborateur qui est en charge, je m’assure juste de la cohérence avec l’idée de base et j’apporte des petites corrections; après l’écriture, les créatifs prennent le relais, en commençant par le concept art qui définit les grandes lignes des univers, des personnages et aussi de l’orientation atmosphérique du projet.
Quand on a une bonne base à ce stade, les créateurs 3D se chargent de concevoir les environnements et les personnages, ensuite les animateurs donnent vie à cet ensemble… Pendant ce temps, le level designer et le game designer travaillent sur la cohérence des niveaux et les mécaniques de jeu, en collaboration avec les développeurs.
Il arrive que pour toutes ces étapes, des éléments reviennent pour des corrections, améliorations, nouvelles versions, etc… car c’est un processus itératif.
Nofi : Où puises-tu ton inspiration ?
NKUINDJA Michel : Mon inspiration me vient de mon quotidien, de mon histoire, des interprétations que je fais parfois en lisant des livres et bande dessinées… En fait, tout autour de moi m’inspire.
Nofi : Que souhaites-tu transmettre à ceux qui joueront à tes jeux ?
NKUINDJA Michel : De nos jours, les jeux mettant en valeur les cultures africaines sont inexistantes ou peu présentes sur les stores de téléchargement, dans les boutiques physiques, etc… De même, nous sommes à peine quelques studios qui sont dévoués à mettre en évidence les contenus parlant de nos cultures.
Mon kiffe serait de faire vivre à des joueurs lors d’une compétition de eSport, l’émotion intense de participer à un tournoi de lutte sénégalaise (par exemple), ou encore, dans le cas d’un jeu d’aventure de faire ressentir à un joueur la frousse de se faire poursuivre par un esprit revanchard, au cas où il aurait enfreint des règles et profané un domaine interdit… et surtout que en jouant il ait idée de ce que les mythes dans la vraie vie disent de ce type de transgression.
Nofi : As-tu des conseils à donner à ceux qui rêvent de vivre leur passion pour le jeu vidéo, comme toi ?
NKUINDJA Michel : Comme conseil, je pourrais dire aux désireux qui veulent se lancer de prendre au sérieux ce secteur d’activité, car ça demande beaucoup de sacrifices, beaucoup de temps. De commencer par des choses simples (dans la phase d’apprentissage).
Internet de nos jours regorge de tous les cours, ne pas hésiter à fouiller. Ne pas avoir peur de se rapprocher de ceux qui ont déjà fait le premier pas pour apprendre d’avantage.
Nofi : As-tu des jeux-vidéo fétiches ?
NKUINDJA Michel : Final Fantasy 3 reste l’un de mes meilleurs jeux, Zelda the majoras mask, King of Fighter 95, Super Mario Bros. pour ne citer que ceux là. Je suis un fan des jeux rétro, mais je joue aussi énormément aux nouveaux jeux et je m’informe au quotidien des techniques de productions des jeux vidéo.
Nofi : Où te vois-tu dans dix ans ?
NKUINDJA Michel : Dans dix ans, je me vois en train de passer du bon temps avec ma famille et que mon entreprise tourne à plein régime, et pourquoi pas qu’on célèbre notre dixième jeu.
Nofi : Selon toi, qu’est-ce qu’être Noir&Fier ?
NKUINDJA Michel : Pour moi, Noir&Fier c’est toute une culture: Fier de pouvoir être de la génération de ceux qui œuvrent au quotidien pour transmettre le patrimoine culturel africain, fier de mon héritage, de la multiculturalité de l’Afrique.
Nofi : Parles-nous un peu de ton actu
NKUINDJA Michel : Nous sommes en train de finaliser l’un de nos jeux en destination des mobiles, Afro Warriors: Battle for Power, un jeu de combat mettant en scène les divinités et les héros de l’Afrique. Le jeu sera disponible au courant de cette année; il a été développé avec le partenariat de MTN Group. Nous venons d’ailleurs de réaliser un premier trailer afin de donner un avant goût aux fans et aux médias. Ce jeu sera le tout premier jeux de combat, se classant dans la catégorie des jeux comme Street Figthter, Mortal Kombat, mais qui met en vedette l’Afrique, ses paysages, ses techniques martiales etc…
Il a été conçu avec l’ADN de jeu eSport; avec Afro Warriors, notre structure vient proposer le tout premier jeu « Made in Africa » destiné aux compétitions et tournois eSport.