Ghyslain Vedeux : « Agissons pour nous et par nous-mêmes »

Ghyslain VEDEUX président du CRAN s’engage pour les élections municipales dans sa ville, Tours, avec la liste portée par l’association un [Projet Citoyens pour Tou(r)s].

Ghyslain Vedeux : « Agissons pour nous et par nous-mêmes« 

Nofi : Pourquoi est-il important de vous présenter dans une équipe pour les municipales à Tours?

Ghyslain VEDEUX : Tout d’abord, personne ne fera notre travail à notre place. Chacun d’entre nous doit se le répéter encore et encore et agir tous les jours concrètement, même de la façon la plus minime.

Depuis le début des années 2000 un énorme travail a été fait en France pour la représentativité des minorités (noirs, arabes et autres non-blancs…) y compris dans le domaine de la politique et cela principalement par le CRAN dont je suis le président aujourd’hui. Ce travail du CRAN est depuis suivi par d’autres sur le plan national.  Après une rapide analyse, on peut dire que ce processus a commencé avec la pression de société civile en 2007 sous Sarkozy. Les statistiques démontrent qu’entre 2012 et 2017 on est passé à environ plus de 20% de personnes issues de la diversité sous l’ère Hollande. Mais hélas, on constate depuis 2017 sous l’ère Macron, que ce pourcentage de personnes issues des minorités dans le gouvernement est repassé à 6% à peine. C’est clairement une régression. Le constat est donc simple :

Nous, personnes dites issues des minorités, soit nous, les personnes noires et afrodescendantes, devons sauter le pas et nous engager en politique et cela passe d’abord par un engagement sur le plan local lors des municipales. Dans chacune des villes où il y a une communauté noire et afrodescendante et autres minorités, des membres de notre communauté doivent aussi s’engager pour mieux nous représenter et défendre aussi nos intérêts. Donc je ne peux pas en tant que président du CRAN (Conseil Représentatif des Associations Noires) appeler le plus grand nombre d’entre nous à s’engager sur les listes des municipales et ne pas franchir le pas moi-même. C’est une première raison.

Une autre raison, est la rencontre et les idées partagées avec Michael Cortot, tête de liste de cette candidature. Idées partagées avec l’ensemble de l’équipe. Nous sommes clairement d’accord que la période « des personnes noires de service » qui sont là pour respecter le symbole et le quota est bel et bien révolue. Je ne m’engage donc pas en disant uniquement que « les minorités doivent être représentées », j’arrive en disant que nous devons être présents justement pour nos compétences et pour nos engagements réels, comme je le fais depuis quelques années maintenant. Le travail fait sur le plan militant avec la société civile à force de détermination et de compétences doit s’exprimer dans ces espaces où nos idées et nos attentes ne sont pas entendues et donc encore moins appliquées. Cela signifie clairement qu’en lien avec l’encrage de terrain, j’ai clairement des propositions avec de thèmes précis, des méthodologies et des actions concrètes afin que les voix inaudibles dans ma ville ne le soient plus.

Nofi : Est-ce que vous êtes un candidat affilié à droite ou à gauche ?

Ghyslain VEDEUX : Je ne suis pas encarté dans un parti politique et je ne l’ai jamais été. La question pour moi n’est pas de gagner ou de perdre, la question pour moi est d’inciter un maximum de personnes issues des minorités, soit un maximum de personnes noires et Afrodescendantes à s’engager aussi concrètement afin que nous soyons représentés au mieux . Cela fait près de 16 ans que je vis dans cette ville (Tours) et ses alentours, où j’ai principalement travaillé dans l’accompagnement des jeunes et moins jeunes, en interagissant dans les domaines culturel, social (insertion sociale et professionnelle), sportif,  et militant. Si je suis très investi à l’échelon national et international avec mes diverses activités militantes, je suis aussi l’actualité et suis au fait de tout ce qui se passe, surtout ici, dans ma ville, à l’échelon local. Et inutile de dire que nous minorités, ne sommes pas représentées et cela depuis des lustres. Il est temps de lancer l’impulsion pour que ça change ! Ce travail est aussi et surtout fait pour les générations futures.

Je fais aussi le choix de m’engager car je suis un acteur de terrain de longue date et j’ai pu écouter et rencontrer cette association inédite nommée [Projet Citoyens pour Tou(r)s]. Cette association présentera un candidat qui n’est encarté ni à gauche ni à droite et cela me va très bien. Car la gauche a historiquement toujours trahi les minorités qui ont crû en elle et c’est d’ailleurs ce qui l’a tuée puisqu’elle est agonisante aujourd’hui. La droite a agi pareillement que la gauche avec les minorités mais de manière plus explicite. Finalement, les politiques ont souvent eu les mêmes approches et modes de fonctionnement en ce qui concerne les plus défavorisés dont beaucoup sont issus des minorités.

L’autre nouveauté qui a tué de droite à gauche ces vieux partis de l’ancien monde, c’est que ni l’un ni l’autre n’ont compris que nous les « invisibles, visibles minorités », des années 1970, 1980 et 1990 ne sommes pas les mêmes que ceux des années 2000 à 2019. Il y a eu une évolution profonde. Aujourd’hui nous, les personnes concernées, avons pris la parole et nous agissons concrètement pour nous-mêmes.

Nofi : Est-ce une candidature communautaire ?

Ghyslain VEDEUX : C’est assumé très clairement dans ce mouvement qu’est le [Projet Citoyens pour Tou(r)s]. Je vais représenter ceux de la communauté noire et afrodescendante qui me feront confiance ainsi que les autres personnes issues des minorités de Tours et je vais porter nos desideratas à tous. Cela dit, je vais également porter les voix de nombreuses personnes avec qui j’interagis depuis des années et au quotidien dans les différents champs où j’interviens et cela quelles que soient leurs origines.

Tout candidat représente d’abord sa communauté c’est un fait. Il est tant que les personnes noires l’intègrent et l’assument publiquement sans craindre les injonctions de tous les autres candidats qui représentent aussi et d’abord leur communauté, mais qui n’ont pas à devoir se justifier.

Il est important de mentionner aussi que nos parents et grands-parents n’avaient pas voix au chapitre. Nous leur sommes reconnaissants pour leurs sacrifices passés, car bien que muselés politiquement, ils se sont battus sans relâche. Grâce à eux, nous pouvons nous exprimer et agir concrètement de nos jours. Mais à nos générations de poursuivre ce travail pour nos enfants et petits-enfants. Nous ne devons plus penser à court terme et pour des intérêts individuels. Nous devons avoir une vision d’un leadership collectif, pour nos descendants en nous projetant sur les 50, 100, 150 prochaines années. Soit a minima sur les 4 prochaines générations.

Nofi : Y a-t-il une importante communauté Noire à Tours ?

Ghyslain VEDEUX : Effectivement, il y a une énorme communauté noire et afrodescendante à Tours et ainsi que beaucoup de personnes issues de minorités dites « visibles ». Tours et son aire péri-urbaine c’est un peu plus de 490 000 habitants et à Tours il y environ 130 000 habitants pour environ 80 000 votants. La communauté noire de Tours se compte en milliers de personnes.

Nofi : Pourquoi les Tourangeaux doivent-ils voter pour vous ?

Ghyslain VEDEUX : Au-delà de la représentativité des minorités, il y a un engagement et des compétences réelles qui s’expriment depuis plusieurs années avec des actions et des résultats concrets menés collectivement avec des partenariats militants et institutionnels.

En plus des nombreuses actions quotidiennes (discriminations aux logements, aux orientations scolaires, à l’emploi, lutte contre l’afrophobie du symbolique à l’institutionnel), il y a aussi le travail fait et qui continue sur les violences policières et relations police-société civile ainsi que travail fait sur les discriminations dans le domaine sanitaire et écologique. Ce sont deux gros dossiers sur lesquels je continuerai à travailler quoi qu’il advienne. Donc forcément à l’échelon locale cela fera partie de mes priorités.

Je travaille aussi dans le champ de l’insertion sociale et professionnelle en relation avec de nombreuses tourangelles et tourangeaux depuis bien plus de 10 ans. Même si je suis très discret dans ma vie quotidienne, je suis bien conscient que je ne suis pas tout à fait un inconnu dans la ville ayant développé de nombreuses relations et compétences sur les plans professionnel, social et militant.

Nofi : Peut-on croire en la politique ?

Ghyslain VEDEUX : J’avoue sans broncher que je suis le premier à rester sceptique. Mais la question que je me pose et que je pose ensuite est : « peut-on vivre sans ? » Si la réponse qui va de soi est « NON », la suite logique est : « Qu’est-ce que concrètement chacun d’entre nous fait à son niveau pour nos situations évoluent ? … »

J’invite donc un maximum de personnes noires à nous remettre en question, pour ensuite nous remettre en action et y compris politiquement, comme c’est loin d’être le cas. Nous devons être représentés partout, dans l’association de quartier, au conseil d’école, dans les instances municipales jusqu’au plus haut niveau des instances dirigeantes. Mais il faut qu’un maximum d’entre nous prenne conscience que le premier échelon à franchir sont les élections municipales. Nous devons avoir une double exigence : celle du devoir et de l’obligation de nous engager, car, personne ne fera ce travail à notre place.

Nofi : Comment allez-vous financer votre campagne ?

Ghyslain VEDEUX : Je fais partie d’une équipe, une commission travaille pour les appels aux dons. Ce sera un financement participatif qui permettra de voir concrètement la motivation et la participation de chacun pour faire changer les choses.

Nofi : La révolution se fait-elle (uniquement) par les urnes ?

Ghyslain VEDEUX : Quand on connaît le poids de l’abstentionnisme de nos jours, c’est une vraie question. Il faut aussi prendre en compte qu’elle ne se fait pas « uniquement » mais… »aussi » par les urnes. Les études démontrent qu’il y a plus de non-votants chez les moins diplômés. Ce qui prouve que l’abstentionnisme n’est pas que, mais est aussi le résultat d’une relégation sociale.

Un autre facteur qui accentue l’abstentionnisme est la mobilité des 18-35 ans qui sont les moins votants, pas parce qu’ils ne veulent pas mais parce qu’ils ne peuvent pas. Ils font souvent des formations ou des études et sont parfois inscrits dans des bureaux de votes où ils ne résident plus. Nous devons donc réfléchir collectivement pour réguler cet abstentionnisme qui de nos jours avoisine souvent les 50% et jette un flou sur la légitimité de ceux qui sont élus. Quoi qu’il en soit et selon les règles en vigueur, c’est par l’urne que passe la légitimité des élus. Il faut donc voter. Et ceux qui sont élus doivent œuvrer pour l’intérêt général. La société civile joue le rôle de garde-fou qui doit sans cesse leur rappeler les limites à ne pas franchir.

Nofi : Quel est votre programme pour Tours ?

Ghyslain VEDEUX : La première proposition est celle de la gratuité des transports en commun dans toute la ville (bus, tramway, etc.), ce qui est une très bonne proposition. De nombreuses personnes jeunes et moins jeunes vont ainsi pouvoir se déplacer plus sereinement. Cela aura aussi un impact très positif auprès des jeunes qui ne se sentiront plus constamment traqués. C’est un message de confiance disant : « cet outil est le nôtre collectivement ». Des expériences ont été faites dans des villes comme Niort, Vitré, Libourne, Castres, Boulogne Billancourt, etc. et les bilans sont globalement positifs.

L’une des actions fortes est la baisse des indemnités des élus. C’est un signal important. Il est nécessaire de rappeler que tout élu est au service de la population. Il est proposé qu’avec cette baisse d’indemnités, l’argent soit reversé aux associations qui œuvrent quotidiennement sur le terrain.

Il est aussi proposé de fluidifier la ville à la rendant plus accessible aux piétons, mesure en lien avec la proposition de la gratuité des transports. Concrètement, il s’agit de se construire dans « une ville foret », avec moins de circulation de voitures et une amélioration de la qualité de vie globale.

Nous proposons l’implantation des maisons de santé de proximité, car ce sont toujours les plus démunis qui sont discriminés quand il s’agit d’accès aux soins. Cette proposition vient répondre à une problématique exprimée par les habitants de nos quartiers les plus défavorisés. Ainsi, face à la raréfaction des médecins et des professionnels de santé, le Projet citoyen pour Tou(r)s fait la proposition que la Ville de Tours accompagne la création de Maisons de Santé Pluridisciplinaires. Plus de proximité avec son médecin généraliste doit être une priorité.

Voilà globalement des propositions qui répondent à des attentes concrètes. Les autres propositions vont être dévoilées au fur et à mesure et le programme complet le sera à la mi-janvier. J’invite donc, vous l’aurez compris, chacun d’entre nous à s’intéresser et à s’engager dans sa ville dans des actions d’intérêt général.

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Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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