Par Georges Dominique. Will Smith a réussi ce que certains rêveraient de faire : diminuer son âge, sans passer par la case administrative.
« Vous avez la possibilité de payer par carte ? » demande ce caissier, dont la chemise blanche rigide serait parfaite pour une première communion. Finalement, tu la sors, cette carte bleue, lances une prière intérieure, comme à chaque fois, puis te diriges vers la salle obscure pour regarder Gemini Man. Ou l’histoire d’un tireur d’élite en cavale, poursuivi par un jeune homme qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau.
L’ART D’ÊTRE SUIVI COMME SON OMBRE
(Assure toi d’avoir vu le film d’avoir vu le film, avant de poursuivre la lecture, s’il te plaît ! )
Employé par une agence gouvernementale américaine, Henry Brogan est un employé modèle : un tireur d’exception, capable d’atteindre une cible lointaine et mouvante, dans un train à grande vitesse. Avec « ces exploits », ce monsieur insomniaque et tourmenté, plus prudent qu’un adolescent qui rentre après avoir fait le mur, s’est offert une petite maison dans la prairie. C’est là-bas, au milieu de ces arbres qui offrent une vue claire et dégagée, idéale pour abattre des combattants imprudents, qu’il souhaiterait passer sa retraite et laisser derrière lui ses souvenirs douloureux et autres d’états d’âme.
Sauf que son ex-futur employeur refuse et envoie plutôt une troupe d’élite à laquelle il échappe puis un agent plus jeune et à priori moins sentimental : Junior. Le début d’une longue course poursuite, entrecoupée par des scènes de thérapie improvisées.
WILL SMITH AU CARRÉ
Gemini Man, c’est donc un film où un vieux Will Smith roublard se fait poursuivre par un frais Will Smith inexpérimenté. Parfait si tu es un fan…de celui qui a éclaté sur le petit écran avec le Prince de Bel Air.
Un peu d’aide pour combattre l’ennemi.
Dans sa fuite, l’assassin peut notamment compter sur l’aide de Danny (Mary Elizabeth Winstead), une jeune recrue brune qu’il a démasquée au bout de quelques minutes seulement, mais aussi son pote casse-cou Baron (joué par Benedict Wong, qui a eu le temps de ranger sa tenue de moine guerrier après Avengers : Endgame). Les deux l’aident à échapper aux griffes de l’impitoyable Clay Verris, campé Clive Owen autrefois chef de file du gang des voleurs nobles de diamants dans Inside Man, aux côtés de Denzel Washington. C’est lui qui a créé ce clone il y a vingt-cinq ans.
Pour la petite histoire, c’est un acteur prénommé…Victor Hugo qui a prêté son corps et sa tête sur laquelle le visage de Will Smith a ensuite été collée.
Gemini Man, c’est peut-être Will Smith au carré mais c’est aussi l’histoire d’un homme qui tente de saisir une seconde chance à travers ce jeune homme qui est son portrait-caché, depuis plusieurs années.
À LA POURSUITE D’UNE SECONDE CHANCE
Courses-poursuites dans les rues de Carthagène, en Colombie, concours de tirs en pleine journée, scène finale où l’union fait la force, mais surtout êtres aux capacités physiques exceptionnelles, le film réalisé par Ang Lee, à qui l’on doit le poétique Tigre et Dragon contient bien ces ingrédients nécessaires pour faire un (bon) film d’action.
Junior, ça suffit ! Tu (m’)écoutes maintenant !
Pratiquement à chaque fois qu’il en a l’occasion, notamment quand il le tient en joue dans les catacombes, Henry Brogan rappelle à Junior les erreurs qu’il a commises afin qu’il évite de les reproduire. Mais le petit est plus dur de l’oreille qu’un jeune homme bourré de talent qui n’écoute pas les conseils. À Abidjan, on dit c’est expérience qui donne conseil.
Il faut sauver le soldat Junior
Mais plutôt que de le laisser vérifier ça lui-même, Brogan insiste, essaie de lui faire comprendre qu’il n’est qu’une marionnette entre les mains pleines de sang de Verris, que ce n’est pas la seule et unique voie, mais surtout qu’un autre avenir s’offre à lui. D’autant plus que Junior est en pleine possession de ses moyens ! Sauver Junior, c’est LA bonne action qui va lui permettre d’arriver au Paradis sans qu’un videur ne lui dise : « Ça va pas être possible, Monsieur ! ».
Tend bien l’oreille, écoute la voix forte de ce solitaire, qui est en couple avec la solitude, et tu comprendras qu’en fait c’est à lui-même qu’il parle. C’est à lui de saisir cette seconde chance, c’est à lui d’évacuer ses peurs et de se mettre par exemple en couple avec cette Danny, qui n’attend que ça finalement.
Dommage que tout cela soit insuffisant pour donner une seconde chance à ce film qui dure un peu moins de deux heures, où Will Smith a pourtant sorti le grand « je ». Surtout si tu dois entendre : « Vous avez la possibilité de payer par carte ? ».