Première afro-Américaine à intégrer l’Université de l’Alabama, on se souviendra également de Lucy comme la première étudiante noire dans l’histoire de la déségrégation à vivre la colère d’une foule organisée.
Autherine Lucy, 1ère étudiante noire à fréquenter l’Université de l’Alabama
C’est un 5 octobre 1929 que vient au monde la petite Autherine Lucy, dans la petite localité de Shiloh (Mot hébreu signifiant « lieu de paix »), en Alabama. Elle est l’une des dix enfants d’une famille d’agriculteurs [1]. En dépit de cette origine sociale modeste, Autherine Lucy fréquente le lycée à la Linden Academy de Shiloh, où elle a obtenu son diplôme en 1947 [2]. Elle fréquente ensuite l’université noire de Selma, en Alabama, avant d’être transférée dans une autre institution noire, le Miles College, à Fairfield, toujours dans l’Alabama. En 1952, elle obtient son Baccalauréat. Son prochain défi en matière d’éducation est dès lors d’obtenir une maîtrise en éducation à l’Université de Alabama [3].
La décision de Lucy d’intégrer l’Université de l’Alabama est accueillie avec un soutien mitigé. Le révérend Martin Luther King a fait l’éloge de ses ambitions en déclarant :
« Grâce à Dieu, il y a des gens qui peuvent s’élever au-dessus des vieilles pensées brisées de leurs parents, qui peuvent s’élever au-dessus de leurs origines et de leur hérédité. »
Cependant, le père de Lucy, qui, sous la contrainte et les menaces qui lui étaient adressées de la part de ses voisins blancs, décrivait sa fille de cette façon:
« Cette fille a grandi, je l’ai élevée pour qu’elle connaisse mieux. J’ai toujours traité les Blancs avec respect. Je passe toujours à la porte de derrière. »
Lucy, accompagnée d’une autre étudiante du nom de Pollie Anne Myers, et avec le soutien de l’Association nationale pour l’avancement des gens de couleur (NAACP), dont Thurgood Marshall, l’un de ses avocats, s’est engagée dans une série de procédures judiciaires qui débute en 1953 et s’achève en 1955. Le 3 février 1955, la NAACP reçoit une ordonnance du tribunal qui empêche l’Université (entièrement blanche) de l’Alabama de discriminer les étudiants en fonction de leur « race ». Bien que les deux femmes aient été légalement autorisées à s’inscrire à l’université, Pollie Anne est renvoyée sur la base de registres de mariage antérieurs, laissant Lucy seule face à la négrophobie ambiante [4].
Le troisième jour de cours, Lucy est confrontée à une foule composée d’étudiants et de membres de la communauté de Tuscaloosa, en Alabama. Armée de pierres, d’œufs et de briques, la foule profère des insultes des épithètes racistes à l’endroit de la jeune étudiante noire et la menace de mort. Lucy est même touchée dans le dos par un œuf alors qu’elle était conduite sous escorte policière dans un auditorium. Bien que physiquement séparée de la foule, Lucy sera toujours capable d’entendre les cris de la foule à l’extérieur. Elle reste dans l’auditorium pendant des heures alors qu’une masse d’étudiants se moque d’elle. Finalement Lucy sera escortée hors du bâtiment.
Ce soir-là, la jeune étudiante est suspendue de l’université par le conseil d’administration. Elle est ensuite expulsée « pour sa protection et celle d’autres étudiants et de membres du personnel ». Ses avocats contestent l’expulsion, mais rien n’y fait.
Il faudra attendre le mois d’avril 1988, pour que l’exclusion d’Autherine Lucy soit annulée. Au printemps de 1992, elle obtiendra finalement une maîtrise en éducation élémentaire de l’Université de Alabama.
Notes et références :
[1] Autherine J. Lucy, « Miss Autherine Lucy Tells of Hectic Alabama U. Crusade« , Atlanta Daily World, publié le 9 février 1956
[2] Ethel L. Payne, « Autherine Lucy Youngest of Nine in Alabama Family« , Chicago Defender, publié le 8 février 1956
[3] Ibid.
[4] Palmer, Colin A. (2006). Encyclopedia of African-American Culture and History