Justice pour Adama : la lettre ouverte d’Assa Traoré

Nofi vous propose la retranscription de la lettre ouverte d’Assa Traoré, militante antiraciste et membre du « Comité vérité et justice pour Adama ». Cette lettre intervient après une plainte des gendarmes pour « diffamation publique ».

Justice pour Adama : la lettre ouverte d’Assa Traoré

 » Même si on m’enferme vous vous devez de reprendre le combat.

Je dénonce la plainte abusive des gendarmes et qu’ils soient condamnés à me verser des dommages et intérêts.

Les gendarmes ont déposé plainte pour diffamation contre moi parce que j’ai affirmé qu’ils ont tué mon frère, Adama Traore.

Dire que les gendarmes, Romain Fontaine, Mathias Uhrin et Arnaud Gonzales, ont tué Adama ce n’est pas diffamatoire puisque c’est la vérité.

La famille Traore a déposé plainte contre ces trois gendarmes pour violences ayant entraîné la mort et l’instruction a démontré que le décès d’Adama a été causé par les techniques d’interpellation utilisées par les gendarmes.

Ils ont eux-mêmes admis que pendant l’interpellation ils avaient écrasé mon frère en lui faisant supporter leur poids à tous les trois, soit plus de 240 kilos.

Les expertises réalisées ont conclu que la cause du décès était « un syndrome asphyxique aigu ». Les éminents professeurs de médecine ayant réalisé une expertise à la demande des parties civiles ont affirmé qu’Adama Traore n’était pas malade et que l’asphyxie était due aux gestes utilisés par les gendarmes pendant l’interpellation, notamment la compression thoracique.

Lorsque je comparaîtrai devant le tribunal pour diffamation, si les gendarmes n’ont pas encore été définitivement condamné, les juges pourront décider de ne pas dire si mes propos reflètent la vérité.

Même sans condamnation définitive, je ne pourrai être déclarée coupable de diffamation car lorsque j’ai affirmé que Romain Fontaine, Mathias Uhrin et Arnaud Gonzales ont tué Adama Traore, je n’ai pas menti, je l’ai dit de bonne foi.

Même si je suis très éprouvée par le décès de mon frère, je n’ai jamais été menaçante, insultante ou injurieuse vis-à-vis des gendarmes. Je reste objective lorsque j’affirme qu’ils l’ont tué : nous avons déposé plainte pour violences mortelles, une instruction est en cours, les éléments du dossier démontrent leur responsabilité, ils doivent être mis en examen. Mes propos sont fondés sur des éléments tangibles et objectifs.

Je n’ai pas affirmé que la justice les avait reconnus coupable d’avoir tué Adama Traore, j’ai demandé leur mise en examen. Mon objectif est que la procédure judiciaire aboutisse à la vérité et à la condamnation des gendarmes.

Lorsque des forces de l’ordre sont mises en cause, la justice n’est pas diligente. Il est légitime d’alerter l’opinion publique sur les dysfonctionnements du système judiciaire et sur l’inéquité de la justice dans les affaires de violences commises par les forces de l’ordre.

C’est à cause de ces dysfonctionnements que je suis contrainte de porter publiquement le combat pour obtenir la justice et la vérité sur la mort d’Adama, les propos que je tiens dans ce cadre ne sont pas diffamatoires, ils sont légitimes et reflètent la vérité.

Lors du procès pour diffamation, nous demanderons à ce que les gendarmes soient condamnés à une amende pour plainte abusive et à me verser des dommages et intérêts.  »

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Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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