Ange Didier Houon plus connu sous le nom de Dj Arafat n’est plus. Le chanteur a eu droit à des funérailles inoubliables.
Certains « amoureux du chanteur » ont tué leur champion une seconde fois, aujourd’hui. Retour sur ces dernières heures mouvementées.
« Ils ont voulu me tuer, mais je reste toujours vivant ! » chante DJ Arafat, dans Djessimidjeka.
Véritable hymne national de ses fans bercés par son coupé-déchaîné : les chinois. Plusieurs dizaines de milliers d’entre eux étaient présents, hier, au stade Félix Houphouët-Boigny, appelé aussi Félicia, plongés dans le recueillement avant que certains ne profanent sa tombe.
LE QUARTIER D’AFFAIRES SERVI SUR UN PLATEAU
Ce vendredi 30 août, une drôle d’ambiance, mélange aigre-doux entre excitation du week-end à portée de main et émotion à venir, règne dans la ville comme si les quelques 5 millions d’abidjanais s’apprêtaient tous à rendre hommage à leur DJ préféré : Arafat. De nombreux axes routiers sont fermés, notamment ceux du quartier d’affaires, et ces grands buildings : le Plateau. C’est dans le stade qui d’ordinaire vibre au rythme des exploits rarissimes de la sélection ivoirienne que les funérailles musicales auront lieu.
CHÔMAGE FORCÉ
« Oui, je suis allée au boulot parce qu’ils nous avaient donné la demi-journée. Maintenant quand on est arrivés notre rue était barrée. On nous fouillait. Alors, le patron nous a dit de rentrer. », explique cette salariée qui travaille au Plateau.
« L’ambiance, c’est lourd léger parce qu’on sait ce qu’il y a (les funérailles, NDLR) », poursuit-elle soigneusement avant d’ajouter : « C’est gris. Il y a des routes barrées, beaucoup de forces de l’ordre et des chinois qui arrivent au fil de l’eau. On essaie d’imaginer qui est chinois ou pas. », un sourire dans la voix.
Imaginer le Plateau ainsi, alors que d’ordinaire il grouille de jeunes cadres dynamiques, engoncés dans leur costume prêt-à-plaquer, mais aussi de messieurs plus âgés avec leur bedaine signe extérieur de richesse, ou encore de djôsseur de naman, qui trouvent une place où garer moyennent une rétro-commission, c’est difficile et pourtant beaucoup hier ont préféré rester chez eux par peur de subir une agression.
Selon les informations dont nous disposons, environ 30.000 chinois se seraient rendus hier au Félicia, dont les portes ont été ouvertes dès 6 heures du matin.
FUNÉRAILLES DE DJ ARAFAT : LES MOTS DE MAËL ET LES LARMES DE KADER KEÏTA
Ce vendredi 30 août, nombreux sont ces abidjanais qui réunis en famille, ou encore en solo, regardent la première chaîne ivoirienne : la Radio Télévision Ivoirienne ou RTI en abrégé. Même ceux qui lui avaient tourné le dos, après la crise post-électorale, sont devant leur écran.
» C’est pas petit exploit ! « (qu’Arafat a réussi), comme dirait l’autre.
DU BEAU MONDE DANS LE STADE
Les footballeurs à la retraite Didier Drogba et Kader Keïta, les chanteurs Sidiki Diabaté, Davido, Fally Ipupa, Koffi Olomidé, Mokobé, Naza, Roga Roga, Ténor, mais aussi certains ministres ivoiriens tels que le père spirituel d’Arafat, Hamed Bakayoko, et surtout la famille éplorée, il y a du monde, du beau monde dans les tribunes présidentielles.
LE STADE PASSE PAR TOUTES LES ÉMOTIONS
Plusieurs animateurs se succèdent sur le podium à commencer par l’expérimenté Yves Zogbo Junior qui demande régulièrement : « La Chine, est-ce que vous êtes là ? ». Avec des hurlements en guise de réponse. D’autres fanatiques reprennent l’hymne national chinois que les disc-jockeys, plutôt bons dans l’animation, balancent pour les enjailler.
La cérémonie suit son cours quand trois de ses cinq enfants viennent prendre la parole. « Papa, tu es parti trop vite ! », commente son fils Maël. Stade 1 de l’émotion.
Des artistes qui se sont venus tour à tour lui rendre un dernier vibrant hommage, Sidiki Diabaté qui lui a offert un disque de platine et Davido auront été les plus difficiles à suivre pour…les forces de l’ordre qui leur ont couru après pour assurer leur sécurité, déclenchant quelques moqueries sur les réseaux sociaux. Stade 2 de l’émotion.
KADER KEÏTA TOMBE DANS LES BRAS DE DIDIER DROGBA
Derrière les lunettes noires de la plupart de ces vedettes, se devinent l’émotion, les yeux embués et parfois les larmes.
Appelé sur la scène en même temps que son ex-coéquipier Didier Drogba, l’ex-footballeur et proche d’Arafat, Kader Keïta fond en larmes et tombe dans les bras de son capitaine. Autre point culminant d’un évènement où de nombreux artistes se seront succédé sous les yeux bouffis des téléspectateurs.
LES CHINOIS ONT TUÉ ARAFAT UNE SECONDE FOIS !
Les premiers rayons de soleil ont déjà fait leur apparition, et le coq a fini de chanter, quand le corbillard fait son entrée dans le stade. Certains chinois soufflent dans le sifflet qu’ils ont en bouche pour saluer leur défunt président.
OUI ! ARAFAT EST MORT !
En voyant Arafat ainsi, enfermé dans un lit à une place, le doute chez ceux qui nourrissaient le secret espoir de le voir « se relever », tant ils pensaient qu’il était immortel, n’est plus possible : Arafat est mort !
Devant le cercueil ouvert, ses proches défilent. Momifiés par la douleur, certains n’esquissent que de petits gestes timides, tandis que sa mère Valentine Logbo – dont le nom de scène est Tina Spencer – et sa compagne ont énormément de mal à contenir leur émotion.
Vient ensuite le départ pour le cimetière de Williamsville, situé à Adjamé, dans le centre de la capitale économique ivoirienne.
QU’EST-CE QUI N’A PAS MARCHÉ ?
Parce qu’il était impossible, impensable, inconcevable que cette veillée musicale qui semblait pourtant s’être correctement déroulée dans l’ensemble se termine bien, certains chinois ont commis le pire : profaner la tombe d’Ange Didier Houon, qui venait juste d’être mis sous terre. Oh honte !
Correspondant pour TV5 Monde à Abidjan, le journaliste Pierre Akpro a relaté les faits : « On était fier de cet hommage qui a été rendu à cet grand artiste mais malheureusement les choses ici ont très vite dégénéré…Les fans du chanteur n’ont pas pu accéder à cette cérémonie qui était privée entre la famille, les politiques et les personnalités. Et c’est là que tout a dégénéré. Des émeutes se sont déclenchées, des gaz lacrymogènes ont été tirés par les forces de l’ordre. »
Et comme si ça ne suffisait pas, ces soi-disant fans ont déterré son corps et diffusé les images sur Internet. Oh honte ! Depuis, il a été remis dans le cercueil et un dispositif de sécurité aurait été mis en place. Quel gâchis, quel énorme gâchis ! Cette foule incontrôlable, dont les destructions de biens publics tournent en boucle sur les réseaux sociaux, ne présage rien de bon avec les élections présidentielles de 2020 en approche.
Aujourd’hui, ils ont tué Arafat une seconde fois juste parce qu’ils ont cru que : « Ils ont essayé de me tuer mais je reste toujours vivant ! »