Le Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA) initiait jeudi 11 juillet une rencontre au sommet. Une partie de la diaspora était invitée à s’entretenir avec Emmanuel Macron et le président ghanéen Nana Akufo-Addo, au palais de l’Elysée. Une rencontre historique à l’aube de la saison africaine prévue en 2020.
Echanges élyséens avec la diaspora: En Marche vers la reconquête !
Une rencontre avec la diaspora ? Avec les diasporas ? Il serait utile de définir ce terme ou du moins, de savoir précisément quelle partie de population on englobe dans cette catégorie. Néanmoins, ces rencontres qui, dans la capitale coloniale tournent un peu sur elles-mêmes, permettent de mettre en avant un échantillon d’hommes et de femmes actifs dans des domaines divers et variés.
Face à cet auditoire diasporique pré-sélectionné (artistes, entrepreneurs, journalistes et cuisiniers confondus), les présidents français et ghanéens orchestraient une un échange historique. Il semblait cependant que les deux chefs d’états n’aient pas été sur la même longueur d’ondes. Le président ghanéen Akufo-Addo, qui proclamait 2019 année du retour des diasporas sur le sol africain, prônait le dynamisme de ces africains d’ailleurs ou partis ailleurs, pour le compte du développement commun du continent. Le président français Emmanuel Macron, lui, exposait un projet d’instrumentalisation de la diaspora au service de « la reconquête » de l’Afrique par la France. Les deux hommes s’étaient déjà rencontrés et l’échange avait pris une toute autre tournure:
Dans son plus beau costume de Père Noël, il magnait brillamment l’emphase et les effets d’élocution. Ces réponses sonnaient justes et conciliantes, bien que rien de concret n’ait était proposé. Cependant, il prévenait en ouverture que cette rencontre était la première d’une série de discussions avec l’Etat, organisées par le fameux Conseil présidentiel pour l’Afrique. La journaliste Elisabeth Tchounguy, membre de l’officine, modérait la conférence, marquant une préférence étonnante pour une seule et même partie de l’auditoire. Peut-être l’échange aurait-il été plus pointu si d’autres voix avaient pu s’élever. Quoiqu’il en soit, peu nombreuses ont été les interventions sur le fond. Ceux qui se sont vus octroyer le privilège de poser une question ont rapidement fait dériver la rencontre vers l’exposé de préoccupations afro-françaises, franco-françaises. La question de l’intégration des Noirs dans le paysage français: audiovisuel, institutionnel, etc… Laissant le président Akufo-Addo quelque peu sur la touche.
Paris, mon amour
Ce qui transpirait surtout de cet exercice de questions-réponses était un désir presque douloureux de certains citoyens noirs d’appartenir enfin à cette France tant chérie. Il était alors moins question de solutions à apporter quant à la relation déséquilibrée qu’entretient l’hexagone avec ses (ex) colonies, que de déclarations d’amour furieuses. La diaspora est de fait franco-africaine et elle a aujourd’hui comme tâche de décider du rôle géopolitique qu’elle jouera. Elle sera soit franco-africaine d’ascendance panafricaine sinon françafricaine. Et cela ne tient qu’à elle. Dans la lignée de cette formidable opération de communication arrive à grands pas la saison Africa 2020, annoncée par Macron en juillet 2018 depuis le Nigéria. Il rappelait d’ailleurs combien ce pays dans lequel il effectua son stage d’énarque et où alors « personne ne voulait aller » lui avait apporté. Ces six mois qui mettront la diaspora à l’honneur étaient au coeur de nombreuses préoccupations. « La saison Africa 2020 ne sera pas une kermesse », rassurait le patron de « En marche. Une promesse à laquelle il conviendra toutefois de rester vigilants. Seul engagement pris: la commémoration du 75ème anniversaire du débarquement de Provence. Une question soulevée grâce à l’excellente intervention de la maire-adjointe de Bondy (Seine-Saint-Denis), Aïssata Seck, sur l’invisibilisation de la contribution des Noirs, alors troupes coloniales, dans les guerres menées par la France.
Mais à quoi cette rencontre aura-t-elle servi ?
Cet après-midi-là, en présence de certains parlementaires, du ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian; de monsieur Franck Paris alias Monsieur Afrique et autres sommités telles que le patron de l’entreprise Sanofi. Cet après-midi-là, gouvernement et citoyens enterraient une fois pour toutes un fantasme générationnel. Alors que se noient des millions d’Africains, alors que l’armée française et omniprésente sur le continent, alors que ce continent est la poubelle du monde et qu’on y meurt encore par manque de soins, Emmanuel Macron parle d’envisager un « partenariat équilibré ». Face à cette jeunesse, ici comme en Afrique, qui se réapproprie son destin et proclame sa fierté, il dénote une « Afrique arrogante » sur le terrain, en opposition à une « Afrique misérabiliste » sur le sol républicain. Misérabiliste et misérable en effet, à cause de ce même système qui dorénavant veut discuter. Cependant, comme il l’avait indiqué, l’échange était franc, ainsi il ne cachait pas les motivations réelles de sa politique. Cette même politique que proposait il y a quelques années le Front National, entre-temps devenu Rassemblement national. Une politique qui consiste à soutenir le développement africain en Afrique afin d’endiguer le phénomène migratoire. L’épisode lamentable de l’Aquarius et le procès fait à Pia Klemp démontrent l’absence totale d’humanisme et d’humanité dans ces projets paternalistes de construction avec l’Afrique. Si en début de conférence, Emmanuel Macron se félicitait d’avoir levé le tabou sur des questions épineuses, balayant celle du Franc CFA dont « on reparlera » promettait-il; l’un d’entre eux, et pas des moindres subsiste néanmoins. La question de l’omniprésence militaire de la France en Afrique, directement liée à ce problème migratoire. « Il ne faut pas que cette immigration soit subie » répétait-il, aspirant à une immigration choisie; fuite des cerveaux 2.0
L’exposé était en totale contradiction avec les voix populaires qui s’élèvent à travers le continent africain pour crier leur volonté de divorcer d’avec l’Empire républicain. Et parce qu’elle, ne veut plus rien savoir de ce mariage mortifère, lui, passe désormais par ses exilés pour rebâtir un rêve franco-français. Rien de neuf sur la plantation. Le champagne y est toujours aussi raffiné et les petits-fours délicieux. Le palais est toujours joli et ses jardins bien entretenus. La jeunesse africain est toujours en Afrique, étranglée, et nous, ici, à refaire un monde pour eux. Tant que les rôles ne s’inverseront pas et que les uns seront toujours les invité de l’autre, rien ne changera.
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