Ce film court et puissant a pour but d’envoyer un message clair à l’ensemble de la communauté sur l’ampleur des dommages que causent le viol sur les victimes et sur la société congolaise.
Il n’existe pas de mots assez forts pour décrire l’atrocité des actes de violences et de maltraitances sexuelles commis sur des populations déjà fragilisées par la guerre. Pas de tribunaux adéquats pour enfermer l’enfer de leurs souvenirs. Il n’existe pas non plus de jugements assez justes pour consoler les victimes. Pourtant, nous nous devons d’en parler, de leur rendre justice en dénonçant les faits, de se faire les porte-voix de ceux et celles qui n’ont pas droit à la parole. C’est dans cet objectif que le Mouvement National des Survivantes de Violences Sexuelles en RDCongo a réalisé un film qui portera la voix de ces incroyables femmes fortes.
L’incroyable résilience des femmes
En 2013, l’Assemblée Général du Conseil de sécurité de l’ONU a composé la liste noire des milices et groupes armés rebelles, responsables « selon toute probabilité, d’avoir commis des viols ou d’autres formes de violence sexuelle, ou d’en être responsables », dans les conflits en Afrique.
Sur le terrain de la RDCongo, le docteur Denis Mukwege, surnommé « l’homme qui répare les femmes », a soigné, depuis 1999, plus de 54 000 femmes et enfants victimes de viols. Originaire du Kivu, il est confronté à la violence inouïe que subissent les Congolaises. Dans cette guerre de territoire, la bataille se déroule sur le corps de la femme. A l’Est de la RDC, au moins 200 000 cas de violences sexuelles, dont la plupart concerne des femmes et des jeunes filles, ont été rapportés depuis 1996[1]. Pourtant, ces femmes sont toujours debout pour protester et se battre contre ces crimes.
Le Mouvement National des Survivantes de Violences Sexuelles en RDCongo
À l’est de la République Démocratique du Congo, une région dévastée par plus de deux décennies de conflits armés, des centaines de survivantes de violences sexuelles se sont réunies en 2017 afin de créer un mouvement de lutte contre le viol en temps de guerre. Aujourd’hui, le Mouvement National des Survivantes de Violences Sexuelles en RDCongo compte près de 2000 membres qui s’organisent pour lutter ensemble contre cette violence en parlant en leur propre nom.
Partant du principe qu' »ensemble, leurs voix sont plus fortes que le silence« , elles organisent des activités de plaidoyer et de sensibilisation afin répondre et mettre fin à ces viols et violences sexuelles, elles luttent ainsi contre la stigmatisation et documentent ce qui leur est arrivé.
Créer une mémoire et demander des réparations font partie des objectifs de ce mouvement qui travaille tous les jours sur le terrain pour réclamer la justice et la paix en RDC. Il y a plusieurs mois, l’idée de réaliser un film fictif racontant l’histoire de deux survivantes de violences sexuelles et basée sur leurs propres vécus s’est matérialisée avec la réalisatrice congolaise Machérie Ekwa, jeune prodige du cinéma international.
Le tournage de 3 semaines fut très intense en émotion pour certaines membres du mouvement qui ont joué un rôle d’actrice dans le film et se sont impliquées dans le tournage.
L’horreur en chiffres
« En 2015, chaque jour dans le monde, quelques 17 000 enfants ont fui leurs foyers à cause des persécutions et des conflits[2] »
« Les femmes ont été visées par tous les groupes armés dans un conflit où le corps des femmes est devenu un autre champ de bataille[3] »
« Quatre femmes sont violées toutes les cinq minutes en RDC[4] »
« De nombreux combattants ont violé des femmes assez âgées pour être leurs grand-mères, des enfants n’ayant pas plus de six ans, des femmes enceintes, et des mères allaitant. Des femmes furent violées devant leurs parents, et parfois même violées par des membres de leurs familles sous peine de mort. Certaines femmes et filles ont eu des fusils, des bâtons, des crayons, et autres objets insérés dans leur vagin. D’autres ont été enlevées pour servir d’esclaves sexuelles, ou ont été enrôlées de force dans les rangs des combattants[5] »
Pour que la voix des femmes porte haut plus haut!
Les survivantes de violence sexuelles sont confrontées à une stigmatisation sociale invalidante qui les empêche de demander justice, les exclut de leur communauté et les laisse seules pour subvenir aux besoins de leurs enfants. Le film démystifie les mythes courants qui peuvent être entendus et sera utilisé lors de séances de sensibilisation organisées par les victimes dans leurs communautés, églises ou groupes de jeunes y compris dans les villages les plus reculés. Cela montrera l’importance de l’engagement de tous à lutter contre cette forme de violence généralisée en République démocratique du Congo.
Le Mouvement National des Survivantes a eu recours à un financement participatif afin de finaliser la post-production de ce film incluant les doublages et sous-titres, le film ayant été totalement tourné en swahili. Le film pourra également servir dans d’autres pays touchés par le viol utilisé comme arme de guerre.
Sources:
[1] Rapport du Secrétaire général de l’ONU, le 14 mars 2013
[2] Human rights watch- rapport mondial 2017
[3]Rapport 2013 FIDIH « RDC-Les victimes de crimes sexuels obtiennent rarement justice et jamais réparation »
[4] Rapport du Centre pour la Recherche sur les Services et Résultats de Santé Publique, mai 2011.
[5] HRW-2007 « Violences sexuelles commises par les forces rebelles et pro-gouvernementales en Côte d’Ivoire »