Par Georges Dominique. Lorsque la famille Wilson part en vacances, elle s’attend à passer du bon temps mais c’est sans compter sur ces doubles qui veulent leur peau.
Enfant, l’horreur c’était de devoir interrompre sa partie de jeux vidéo quand vous entendiez : « Si tu vas pas te coucher, Mami Watta va venir te voir le soir ! ». Menace brandie par Maman fatiguée de négocier encore et encore un traité comme si c’était le Brexit. En se résignant à aller dormir, les moins courageux avaient l’impression que Mami Watta les guettait tapie dans l’obscurité. Cette même obscurité de laquelle des doppelgängers prêts-à-tuer, ont décidé de sortir pour hanter la famille Wilson, cible principale dans « Us », classé comme film d’horreur.
LES WILSON EN VACANCES
Le film Us raconte l’histoire des Wilson. Ils partent passer quelques jours avec leurs enfants qui aiment se détester dans une jolie maison de vacances qui ferait rêver n’importe quel adepte d’un célèbre site de location de maison. Au R&B, eux préfèrent le bon vieux classique « I got 5 On It », qu’ils chantent dans leur voiture.
Mais lorsque leurs doubles se pointent gentiment chez eux, c’est une autre chanson : « Hold’on, We’re Going Home » ! Leur apparition marque le début d’une longue course-poursuite sanglante, sur fond de vengeance entre Adélaïde Wilson et sa jumelle aux yeux exorbités Red, à la tête d’une armée de tueurs simplets : les Reliés.
LUPITA, LUPITA, LUPITA !
Le dernier rôle mémorable de Lupita Nyong’o, oscarisée pour le meilleur second rôle féminin dans « 12 Years A Slave », c’était celui de la girlfriend du « Black Panther » : Nakia. Elle y jouait déjà aux côtés de Winston Duke, son époux maladroit dans Us.
Réunis à nouveau par le réalisateur Jordan Peele, ils opèrent cette fois-ci dans un double registre incarnant le côté pile et le côté face de leur personnage respectif. À Lupita, la lumière, l’obscurité, le courage et à Winston la petite touche d’humour qui fait rire une salle comble. Leurs enfants, parfaits petits adolescents tantôt adorables tantôt insupportables, complètent le tableau de la « parfaite petite famille noire ». Sauf qu’ »Us » est un film où Monsieur et Madame Parfait n’existent pas, un film où des laissés pour compte décident un jour de prendre le pouvoir.
L’ENFER, C’EST LES NÔTRES
« Us est un film d’horreur », a-t-on lu çà et là. Non !
Vrai faux clin d’œil à « Black Swan », histoire d’une danseuse étoile qui livre bataille contre ses propres démons, le combat final chorégraphié ressemble à cette lutte – chère à Freud – entre le sur moi et le ça. Entre le bien et le mal, pour simplifier.
Cette drôle de manière avec laquelle Jordan Peele remixe un thème, pourtant maintes et maintes fois abordé, notamment dans Star Wars, donnerait presqu’envie de lui « donner nos cinq ». Plus on repasse les images en boucle, plus on se croit en plein cours de philosophie, avec les petites citations d’auteurs à expliquer en moins.
« Us est un film d’horreur », a-t-on lu çà et là. Non !
Entrecoupé par des scènes cocasses (Gabe qui attend sa femme sur le lit conjugal, alors qu’elle veut partir, le dialogue de sourds entre l’autre famille Wilson et Gabe, etc.), rythmé par une frayeur galopante, Us est un film sur cette double personnalité que nous avons tous : un bon côté que nous exposons fièrement en société et un mauvais côté que nous cachons. La parfaite famille en vacances, c’est nous : This is Us ! Ces gens qui défilent en salopette rouge, ciseaux dorées à la main comme s’ils sortaient tout droit d’un atelier d’une grande maison de couture, les Reliés, c’est toujours nous. Il est facile de se reconnaître en eux, comme il est facile de s’identifier aux acteurs de la série dramatique qui épuise le paquet de mouchoirs plus vite qu’un mauvais rhume : This Is Us. D’ailleurs, l’une des prouesses de Jordan Peele c’est d’avoir réussi à faire un film sur un thème de société qui nous touche avec des acteurs noirs en tête d’affiche, évitant ainsi de les reléguer au second plan. Ou encore d’en faire des faire-valoir.
Après Get Out, l’histoire d’un noir qui rate son week-end d’intégration dans la famille de sa petite-amie blanche, pour lequel il a eu l’Oscar du meilleur scénario original, le réalisateur, qui « ne se voit pas donner de premier rôle à un Blanc », signe un nouveau thriller efficace qui marche au box-office[1] avec une fin qui ouvre la porte à mille et une interprétations…
Au bout de ces deux heures, plutôt que de croiser l’autre famille Wilson, on aimerait encore entendre Maman dire : « Si tu vas pas te coucher, Mami Watta va venir te voir le soir ! ».
[1] 71 millions de dollars, soit le montant approximatif que le film a rapporté pour son premier week-end d’exploitation : un record pour un film d’horreur.