« Le modèle noir, de Géricault à Matisse »: quelle représentation du Noir dans les Arts ?

Le 26 mars 2019 s’ouvrait au Musée d’Orsay l’exposition « Le modèle noir, de Géricault à Matisse ». Une manifestation artistique inédite, en France, qui est la fois une bonne occasion de découvrir des personnages occultés et de constater que la représentation des Noirs dans l’Art demeure problématique.

Le modèle noir, de Géricault à Matisse, est une première en France. Montée par le musée d’Orsay, le musée de l’Orangerie, The Miriam and Ira D. Wallach Art Gallery (Université de Columbia, New York) ; le Mémorial ACTe  et une contribution spéciale de la Bibliothèque nationale de France, l’exposition est itinérante et occupera après New York et Paris, Point-à-Pitre (Guadeloupe). Cette initiative dans l’ère du temps vise à raconter l’évolution de la condition des Noirs, depuis l’esclavage jusqu’à la négritude en passant par les abolitions et la Harlem Renaissance. La visite est subtilement découpée en 12 sections indiquant la période et les lieux où ils ont été immortalisés. Jusqu’alors, la représentation artistique de ces hommes et femmes anciennement dits « de couleur » était façonnée par une vision suprématiste et coloniale, les enfermant dans une position d’objet. Aujourd’hui, c’est encore le cas.

Sous-modèles ?

L’exposition dirigée par Cécile Debray, par le mot « modèle » place techniquement le Noir au cœur des œuvres. En arpentant les allées de la salle d’exposition, le circuit commence pourtant bien. Même s’il est expliqué d’emblée que certains noms d’œuvres ont été arrangés en raison de l’abolition de l’usage de mots tels que « mûlatresse ». Des rebelles aux affranchis, en passant par les politiques et les artistes dont l’illustre Alexandre Dumas ; on revit des époques à travers les expressions figées de ces hommes, entre captivité et émancipation. Les hommes, occupent bien la place centrale au cœur de cette sélection. Cependant, au fil des toiles, et au fur à mesure que s’installe la présence féminine, la démarche se fait plus confuse, voire tendancieuse. Ainsi, chacun des tableaux marque bien la présence d’une femme noire mais pas en tant que modèle. Dans sa condition, figée également, de valet.

Tableau « La charité » d’Alexandre Laemlein.

Excepté peut-être lorsqu’il s’agit d’attester de sa présence dans les milieux de prostitutions, les femmes accompagnent constamment un modèle blanc, tantôt pour lui enfiler ses pantoufles, tantôt cajolant les enfants dont elle a la charge… Survient alors l’interrogation. L’exposition veut-elle uniquement faire l’inventaire des tableaux représentant des Noirs ou réellement nous révéler et nous raconter ces personnages ? La question est de savoir si cette représentation du Noir a réellement évolué. Et force est de constater que non. Du moins pas dans le choix de cette sélection. Toujours au service de, à la merci de, et pris en compte seulement parce qu’ils étaient dans le champ ? Ou pour entériner ce rapport dominé-dominant ? Vous n’échapperez pas non plus aux dégradantes mais néanmoins importantes affiches et vidéos de clowns et acrobates en tous genres, membres de cirques de renom; ni aux seins nus de Joséphine Baker.

Alors que, récemment, on questionnait la responsabilité de l’art dans la construction des préjugés racistes ; on ressort de cette exposition mitigés. La tentation de sombrer dans la facilité du « c’est mieux que rien » tient difficilement face à la réalité du manque de diversité dans les commissariat et institutions artistiques. Une absence trahie, inévitablement, dans ce parcours entre art et histoire.

Cependant, Le modèle noir de Géricault à Matisse est un événement à ne pas manquer. Au-delà de l’état d’esprit discutable, l’exposition est riche et propose des toiles et sculptures aussi puissantes qu’esthétiques. Vous en apprendrez également plus sur ces peintres et leur rapport aux Noirs de leur temps. A cette occasion, des animations sont également prévues pour exposer cette tracassière question noire.

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SK
SK est la rédactrice/ journaliste du secteur Politique, Société et Culture. Jeune femme vive, impétueuse et toujours bienveillante, elle vous apporte une vision sans filtre de l'actualité.

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