Nofi vous propose la retranscription d’un article de l’Haiti Action Comittee, au sujet du soulèvement populaire en Haïti.
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Le 15 novembre 2018, au milieu des manifestations de masse qui se déroulent à travers tout le pays, l’organisation politique Fanmi Lavalas, le parti constitué de la majorité pauvre d’Haïti, a publié une déclaration intitulée Crisis and Resolution. Dans sa déclaration, Fanmi Lavalas a qualifié le régime du président Jovenel Moise et du Premier ministre Jean-Henri Ceant de corrompu et de dictature, et a appelé à un gouvernement de transition pour une période de trois ans, afin de répondre aux besoins de la population et de nouvelles élections pour un gouvernement inclusif et démocratique. La déclaration se termine par ce qui suit :
«L’organisation politique Fanmi Lavalas reste fermement attachée au peuple haïtien pour le « renversement du chaudron ». Aucune solution esthétique ne pourra apporter une solution efficace et durable à la crise dans laquelle nous sommes plongés. Ce système a suivi son cours. Il ne peut pas être réparé. Il faut que ça change.
Au cours des mois qui ont suivi la publication de cette déclaration, la population haïtienne est restée dans les rues sans répit et a risqué sa vie chaque jour pour tenter de renverser le gouvernement Moise-Ceant. Le scandale Petro Caribe, dans lequel des représentants du gouvernement haïtien et leurs acolytes du secteur privé ont investi 4,2 milliards de dollars dans le cadre d’un programme gouvernemental vénézuélien et ciblé sur l’infrastructure et les services sociaux, s’est avéré être le point de basculement. Une hausse des prix des carburants en juillet dernier qui a conduit à une rébellion massive antérieure.
Une crise aux origines profondes
Mais les racines de la crise sont bien plus profondes que la hausse des prix du carburant ou qu’un scandale de corruption. Le gouvernement haïtien actuel n’a aucune légitimité; c’est un régime fantoche classique, là pour répondre aux demandes de ses sponsors internationaux au siège des Nations Unies à New York, à Washington, en Ontario et à Paris. Il vend les richesses minérales du pays, s’empare des terres des agriculteurs, vole de l’argent et sacrifie la souveraineté d’Haïti dans sa quête de profits et de pouvoir. Il ne peut y avoir de résolution sans un changement fondamental de la gouvernance et de l’ordre social.
Le mois de février marque le 15e anniversaire du coup d’Etat de 2004 qui a renversé le gouvernement démocratiquement élu du président Jean-Bertrand Aristide. Au cours de ces quinze années, le mouvement populaire haïtien a refusé de se taire malgré l’enlèvement et l’exil forcé du président Aristide et de son épouse et collègue, Mildred Trouillot Aristide, une occupation militaire ultérieure de l’ONU, une répression continue et mortelle contre des manifestants pacifiques et un système électoral truqué. En 2015 et 2016, une série d’élections volées financées par le gouvernement américain, appelée «coup d’État» par Fanmi Lavalas, a abouti à l’installation de Jovenel Moise. Ce dernier s’accroche désespérément au pouvoir face à une opposition écrasante. Alors que Fanmi Lavalas et d’autres partis de l’opposition ont présenté des preuves détaillées de fraude et de répression des électeurs, le Département d’État des États-Unis a réagi en qualifiant ces élections « libres et équitables ».
Le gouvernement Moise a récemment montré à quel point il était redevable au régime Trump en votant avec les États-Unis pour reconnaître le gouvernement autoproclamé de Guaido au Venezuela. Le même département d’Etat qui a tenté de convaincre les Haïtiens qu’une élection volée = démocratie est en train de s’élever contre le gouvernement élu légitime du Venezuela et tente de jeter les bases d’un nouveau coup d’État dans les Amériques. Quelle hypocrisie.
Les conséquences du coup d’État haïtien en 2016 se reflètent aujourd’hui dans les images dramatiques montrant des Haïtiens se dressant contre des policiers lourdement armés, portant les corps de leurs parents décédés et transformant leur chagrin en une résistance plus déterminée. Privés d’élections libres et équitables, les Haïtiens votent maintenant dans les rues.
Le soulèvement en Haïti est une déclaration puissante en faveur de la démocratie et de l’inclusion. C’est ce qui menace la petite élite qui dirige maintenant Haïti. Et ils frappent de la manière la plus brutale. Dans un épisode particulièrement sinistre de novembre 2018, des policiers lourdement armés et des gangs criminels recrutés par la police et munis d’uniformes de police ont déclenché un horrible massacre dans la communauté de Lasalin, centre du mouvement Lavalas. Plus de 70 personnes ont été tuées alors que la police et leurs agents armés entraient de porte en porte, massacrant des familles entières, violant des femmes, incendiant des maisons et terrorisant la communauté. Lors de l’assaut final, ils ont nourri des porcs avec certains cadavres – un message envoyé pour souligner le mépris total avec lequel le gouvernement actuel considère le peuple haïtien.
Il a également été révélé que sept mercenaires américains fortement armés avaient été arrêtés en Haïti alors qu’ils «travaillaient pour le gouvernement». Que faisaient-ils là-bas ? Et pourquoi ont-ils été chassés du pays si rapidement et sans conséquence ? Quelles étaient leurs relations avec le gouvernement haïtien et ses actions répressives ? Clairement, ce n’est que la partie visible de l’iceberg.
Dans les médias grand public, nous avons été soumis au commentaire racialisé habituel à propos d’Haïti: «des foules dans les rues», «des policiers surmenés», des «pillards», des «émeutes». Et beaucoup trop de progressistes ont observé un silence complet. Ce qui est reconnu comme mouvement social révolutionnaire dans d’autres régions du monde est en quelque sorte qualifié de chaos en Haïti. Pourtant, ce que nous voyons aujourd’hui en Haïti est le dernier chapitre d’une lutte sans fin pour la démocratie, la dignité et la justice.
En cette période de rébellion, de crise et de répression, nous adressons notre soutien au peuple haïtien, au mouvement de base et au parti du peuple, Fanmi Lavalas. Il est temps que nos voix soient entendues, que le silence autour d’Haïti soit rompu et que la solidarité s’accroisse de manière spectaculaire, ce qui devrait figurer dans tous nos programmes.
Source :
Cet article a été publié à l’origine dans le San Francisco Bay View et a été distribué par NNPA Newswire.