La vérité sur l’assassinat de Sankara tarde à être révélée

Thomas Sankara a dirigé le Burkina Faso du 4 aout 1983 au 15 octobre 1987, date à laquelle, lui et ses douze compagnons d’infortune ont été assassinés par un commando. Pourtant, 31 ans après sa mort, l’enquête sur l’assassinat de celui qu’on a surnommé le « Che Guevara  africain » débute à peine. Une attente éloquente, à la hauteur du combat d’un homme face à un système entier.

Thomas Sankara reste une figure légendaire en Afrique. Sa politique à la fois nationaliste et panafricaine a fait de lui « l’homme à abattre ». En effet, il a voulu briser la spirale de la corruption, stopper le cercle vicieux de la dette et faire du Burkina Faso un exemple pour le reste de l’Afrique, la patrie des « hommes intègres ».

Plus de 30 ans de procédure pour la veuve de Sankara

Le 27 octobre 1997, la veuve du capitaine, Mariam Sankara, porte plainte contre X « pour assassinat et faux en écriture administrative ». Pourtant, il a fallu attendre l’insurrection des 30 et 31 Octobre 2014 pour que les choses bougent réellement. Ce n’est qu’en mars 2015, qu’un décret du gouvernement de Transition « permet aux ayants-droit de feu Thomas Isidore Noël Sankara, d’ouvrir la tombe supposée contenir son corps et de faire procéder à toute expertise nécessaire à l’identification »[1]. Peu de temps après, président de la transition ordonne l’ouverture d’une instruction judiciaire.

La vérité sur l’assassinat de Sankara tarde à être révélée
Mariam Sankara à son arrivée à l’aéroport de Ouagadougou, le 14 mai 2015.
© RFI/Yaya Boudani

Ainsi, à la suite de nombreuses auditions effectuées en 2016, quatorze personnes sont visées par des poursuites. La veuve de Thomas Sankara a révélé que « plusieurs personnes ont été auditionnées: des témoins et des présumés coupables, dont certains sont incarcérés »[2]. Le juge d’instruction a notamment inculpé le général Gilbert Diendéré, Gabriel Tamini (proche de l’ancien président Blaise Compaoré), Christophe Diébré (colonel, signataire de l’acte de décès de Thomas Sankara avec la mention « mort naturelle »).

De plus, le juge « a également procédé au lancement de deux mandats d’arrêt internationaux contre Blaise Compaoré (poursuivi quant à lui pour attentat à la sûreté de l’Etat, assassinat, recel de cadavre,) et Hyacinthe Kafando qui font d’ailleurs l’objet d’une procédure d’extradition ». Par ailleurs, les deux tests d’ADN effectués sur la dépouille de feu Thomas Sankara en juin 2016 n’avaient pas permis d’identifier le corps de l’ancien leader révolutionnaire[3]. Cette même année, une requête du juge burkinabè avait été adressée à la France afin qu’elle lève son secret défense et que la vérité sur l’assassinat face soit enfin révélée.

La promesse française de déclassification

Lors de sa visite à Ouagadougou en novembre 2017, le président Emmanuel Macron s’était engagé à déclassifier les archives françaises concernant l’assassinat de Thomas Sankara.

La vérité sur l’assassinat de Sankara tarde à être révélée
Le président français Emmanuel Macron et son homologue burkinabé Roch Marc Christian Kabore, au Burkina Faso. Crédit photo: LUDOVIC MARIN/AFP

« Les archives sont aujourd’hui disponibles et ouvertes à la justice burkinabè, sauf pour les documents classifiés et couverts par le secret défense. J’ai pris un engagement clair et je viens de le dire au Président Kaboré: ces documents seront déclassifiés pour la justice burkinabè qui aura accès à tous les documents sur l’affaire Sankara.»

Après plus d’un an, Madame Mariam Sankara estime, dans son communiqué[4] de commémoration du 31ième anniversaire de l’assassinat du Président Thomas Sankara, que « le Président Macron a respecté son engagement ». En effet, un premier lot « des archives des ministères des affaires étrangères et de la défense » a été transmis au juge d’instruction. Aussi, le secret-défense a été levé en ce qui concerne les archives classifiées. Néanmoins, un deuxième volet provenant « de la présidence française » devait suivre « dans les semaines » suivantes, mais tarde encore à venir.

Au-delà des frontières du Burkina Faso

Des aveux d’un des avocats de la famille Sankara, le dossier est sensible.

« J’ai appris beaucoup de choses, il y a de nouveaux éléments très importants que je découvre moi-même, alors que je suis l’affaire depuis 1987 ».

De plus, d’après une source du Monde[5], « il peut y avoir des rebondissements, des hommes politiques français pourront même être éclaboussés ». Cette même source ajoute que des auditions « de personnes qui occupaient un poste à haut niveau au sein de l’administration française à cette période, des journalistes et de simples citoyens » figurent dans le dossier. Il y a également des notes « de l’ambassade de France au Burkina Faso de l’époque ». Autant d’éléments qui peuvent expliquer la lenteur de la procédure…

Une chose est sûre, le jeune révolutionnaire de 33 ans bousculait par ses prises de position anti-impérialiste et panafricaine.

« Il tranche trop, à mon avis, il va plus loin qu’il ne faut », déclarait François Mitterrand le 17 novembre 1986.

Thomas Sankara était conscient de la menace qui pesait sur lui. Et c’est en homme averti qu’il choisit de mener son combat jusqu’au bout, en y laissant sa vie. En 1987, l’année de son assassinat, il confiait : « Je me sens comme un cycliste qui est sur une crête et ne peut s’arrêter de pédaler sinon il tombe. »

L’heure est venue de lui rendre, à lui et sa famille, un peu de ce qu’il a largement transmis à tous : la dignité et la justice !

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Sources:
[1] http://www.thomassankara.net/comite-international-memorial-thomas-sankara-memorandum-dossier-judiciaire-sankara-compagnons/
[2] https://fr.sputniknews.com/international/201810181038551811-afrique-thomas-sankara-mort-burkina-faso-guevara/
[3] http://www.rfi.fr/afrique/20170620-burkina-faso-adn-identifie-corps-thomas-sankara
[4] http://www.thomassankara.net/message-de-mariam-sankara-a-loccasion-de-la-commemoration-du-31ieme-anniversaire-de-lassassinat-du-president-thomas-sankara/
[5] https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/16/mort-de-thomas-sankara-les-premieres-archives-francaises-transmises-au-burkina_5398447_3212.html

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