Par Lindy Nedan. Apprendre l’histoire en s’amusant, voici le pari fou que s’est lancé l’association guyanaise Kopéna, du nom d’un résistant qui aidait les esclaves à se libérer. Pour valoriser le patrimoine culturel et conscientiser dès le plus jeune âge, quoi de mieux que de découvrir les aventures de ces héroïnes africaines, amérindiennes ou indiennes ? Découvrez l’histoire de Paanza, esclave du Suriname.
Yana doll, ces poupées à l’effigie des héroïnes qui ont fait le Suriname: I/ Paanza
Paanza fait partie des premiers esclaves à avoir fui les habitations hollandaises au Suriname, ancienne colonie des Pays-Bas située en Amérique du Sud. Son histoire a débuté il y a plus de trois siècles. Elle est considérée comme l’une des fondatrices de la communauté des Marrons surinamais, esclaves ayant fui les plantations et installés en forêt. Aujourd’hui, cette communauté constitue la plus importante population issue d’anciens esclaves fugitifs de la planète.
Originellement métisse, Paanza aura eu à faire face à beaucoup déconvenues. Son père, un planteur blanc, l’a vendit, ainsi que le reste de sa famille, comme esclave sexuelle à une plantation du nom de Kasitu quand elle avait environ dix ans. Enfant, elle fit la connaissance d’un garçon du même âge, Abjagbo, esclave d’une plantation voisine.
Abjagbo, était le fils d’une servante du nom de Seei et le neveu de ses deux frères, Lanu et Ayako. Cette fratrie fut à l’origine de l’une des plus importantes révoltes d’esclaves et aura une grande influence sur la vie de Paanza. Après avoir fui la plantation Waterland, Lanu, Ayako et Seei organisèrent la libération des autres esclaves. En pleine nuit, ils tuèrent le maître, brulèrent et pillèrent plusieurs plantations, afin de rallier plus d’esclaves à leur cause, et récupèrent armes et vivres. La peau claire de Paanza lui portât malheur une fois de plus ce soir- là : les hommes noires ne la considérant plus comme faisant partie des leurs, ils la laissèrent sur place. Quelques années plus tard, la guerre éclata entre les Blancs et les esclaves établis en forêt. Adjagbo, devenu chef, était de plus en plus triste et amer.
Les anciens décidèrent alors de réunir Adjagbo et Paanza pour apaiser son esprit. Ayako, l’oncle d’Adjagbo, la libéra donc lui-même de la plantation Kasitu. La nuit de son expédition, Ayako réveilla Paanza et lui dit:
« Un mot, un mot et je te tue. Ecoute, j’ai déjà endormi l’esprit de ton frère. Je suis l’oncle d’Adjagbo et je suis venu te chercher : prépare- toi à partir ».
Paanza laissa tomber ses cheveux afin d’y cacher des graines de riz. Elle les attacha ensuite avec son angisa, foulard des esclaves. Cette poignée de riz fut tout ce dont elle avait besoin. Ayako l’amena à la lisière de la forêt et lui dit :
« Reste ici. Je n’ai pas vraiment tué Tjapanda. Si tu essayes de t’échapper, rien ne te sauvera de ma magie. Quant à moi, je vais chercher ton frère et ta sœur. Depuis la dernière fois que je t’ai vu, j’ai compris qu’il ne fallait jamais laisser personne derrière soi ».
De retour sur la plantation Kasitu, Ayako réveilla le frère endormi. Tjapanda se leva. Paniqué, il essaya de se défendre. Ayako lui dit :
« Tu peux rien faire, ma magie opère sur toi. Regarde- moi et lève-toi. Comment pouvez-vous être encore ici après tout ce temps ? Vous avez été vendus il y a longtemps et vous êtes toujours là. Homme noir, mon fils, viens avec moi dans la forêt. Là, nous avons tous ce que ton cœur peut désirer ».
Tjanpanda, ému par les propos d’Ayako, se mit à pleurer et couru vers son autre sœur, la sœur aînée de Paanza. Ils s’enfuirent dans la forêt, où ils fondèrent le peuple Djuka que nous connaissons aujourd’hui.
Le lendemain, Ayako arriva à Baakawata et dit à Adjagbo :
» J’ai ramené Paanza. Elle nous a apporté une grande poignée de riz ». Adjagbo devint le plus heureux des hommes aux côtés de Paanza. »
Selon Richard Price, Paanza serait née vers 1705 et morte entre 1775 et 1780 dans le village de Pikilio, où elle aurait été enterrée. Elle a été libérée entre 1730 et 1740 et a donné plusieurs enfants à Adjagbo, père de deux grandes nations Saramacca. Aujourd’hui, les peuples Marrons, composés principalement de Saramacca, d’Aluku et de Djuka, se répartissent entre le Suriname et la Guyane française.Les recherches de Price, qui a recueilli ces témoignages oraux, ont permis de retranscrire des légendes telles que celle de Paanza, et de connaître en partie, l’histoire des Marrons au Suriname. L’association guyanaise Kopén, rend hommage à ces héroïnes fondatrices de civilisations affranchies à travers les YanaDolls.
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