Doit-on remercier Macron pour la restitution de nos œuvres d’art ?

Emmanuel Macron s’est engagé à rendre les prises de guerre coloniales volées par l’armée française à partir du 19e siècle. On dirait que le pouvoir politique français essaie de se remettre sur la voie de la réconciliation avec les Africains. Mais, en réalité, ce n’est pas le cas…

La restitution au service d’une popularité en baisse

Le lundi 26 novembre 2018, le gouvernement français fixait au niveau législatif la promesse faite le 23 novembre par le président Macron. En effet, la France s’était engagée à restituer à l’Afrique des œuvres d’art que Paris avait volé durant la période coloniale, tuant en même temps plusieurs milliers d’Africains [1].

Il faut préciser que pour le président français c’est peut-être la pire période de sa carrière politique. Selon l’IFOP, institut français d’étude de l’opinion publique, sa popularité est en chute libre. Il n’était soutenu cet été que par 34% des Français [2]. En même temps 66% de population exige le changement radical de l’orientation politique. Auquel cas, les Français exigeront de Macron sa démission [3]. Les indicateurs de sa popularité sont au plus bas depuis le début de son investiture.

Cependant, il espère remonter la loyauté de ses compatriotes dans un plus court délai. Pour cela, il a décidé de rappeler à la population ses promesses du passé qu’il n’avait pas encore accompli. Par exemple, la restitution des œuvres d’art africaines. Lors de sa visite au Burkina Faso l’année dernière, il avait déclaré que certaines oeuvres des musées français n’appartenaient pas à la France.

Paris, d’après lui, les avait volées à l’Afrique. Or, on ne connait pas le nombre victimes, car à l’époque, les Français ne se souciaient pas de morts lors de l’exportation de trésors africains. Et maintenant la France décide, gracieusement, de restituer aux Africains leurs biens. Et elle le fait d’une manière la plus évidente que possible. Pour Macron, il ne manque que des remerciements de la part des dirigeants africains.

Mais il lui faudra patienter, car l’Afrique n’a pas de raisons pour remercier Paris…

Macron
Jean-Yves Le Drian et le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra, à Bangui, le 2 novembre 2018. © GAEL GRILHOT/AFP

Une présence française intéressée

La France terrorise les Africains depuis plus d’un siècle et ne veut pas quitter le continent. Au contraire, les Français ont pénétré dans toutes ses anciennes colonies ses agents d’influence avec l’objectif de continuer à les contrôler. Comme, par exemple, en RCA. Le ministre des affaires étrangères français Jean-Yves le Drian a déclaré que « la France souhaite continuer son partenariat historique avec la République centrafricaine » [4]. Comme quoi, Paris aide à franchir la crise et à stabiliser la situation dans le pays. Il rappelle également que la France a toujours été présente en Centrafrique, ce qui signifierait apparemment qu’elle connait plus que les autres les besoins des habitants de cette république.

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Mais pourtant la présence de Paris est perçue différemment par les locaux. Dès leur arrivée en RCA les Français profitaient de ses ressources en ignorant totalement les besoins et envies de la population. L’histoire avec les objets d’art en est bien une preuve.

La RCA est riche de ses ressources : les diamants, l’or, le pétrole et d’autres richesses naturelles [5]. Les anciens colonialistes ne veulent pas perdre cette source. C’est donc un moment opportun pour Macron de se rappeler ses promesses. Elles lui permettraient de remonter sa côte de popularité, mais aussi de garder l’accès à la mine d’or africaine. Il ne lui reste que de rendre les Africains moins vigilants à l’aide de petits cadeaux, par la restitution de leurs propres patrimoines historiques.

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Notes et références

[1] « Macron décide de restituer 26 œuvres d’art réclamées par le Bénin« , huffingtonpost.fr, publié le 23 novembre 2018.

[2] « Les indices de popularité – Août 2018« , ifop.com, publié le 27 août 2018.

[3] « Le regard des Français sur le mouvement des « Gilets jaunes » et sur les alternatives à Emmanuel Macron – Balises d’opinion #48« , ifop.com, publié le 22 novembre 2018.

[4] « Centrafrique. Aide de 24 millions d’euros et livraison d’armes de la France« , ouest-france.fr, publié le 3 novembre 2018.

[5]

  • Selon E. David dans, « Oil and Natural Gas Exploration and Production: National Security Implications forthe United States and China Africa’s Booming Oil and Natural Gas« , un milliard de barils de pétrole seraient présents en RCA principalement au nord, près de la frontière avec le Tchad, certains experts parlant de jusqu’à 5 milliards de barils.
  • Selon Philipe Hugon dans, « Les défis de la stabilité en Centrafrique« , publié en février 2014, chez Institut de Relations Internationales et Stratégiques, la production de diamants alluvionnaires de très bonne qualité (diamants de joaillerie) s’établit à environ 500 000 carats bruts par an.
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N'DIAYE
Mathieu N’Diaye, aussi connu sous le pseudonyme de Makandal, est un écrivain et journaliste spécialisé dans l’anthropologie et l’héritage africain. Il a publié "Histoire et Culture Noire : les premières miscellanées panafricaines", une anthologie des trésors culturels africains. N’Diaye travaille à promouvoir la culture noire à travers ses contributions à Nofi et Negus Journal.

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